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ARTICLE PREMIER.

Idée abrégée de l'hiftoire renfermée dans ce troifiéme volume. Fruit que l'on en doit tirer.

CE troifiéme Volume de l'hiftoire que je donne au public, présentera aux yeux du Lecteur un fpectacle tout nouveau, & qui ne fera pas indigne de fa curiofité. Dans le précédent, on a vû fous Cyrus, deux États allez médiocres, la Médie & la Perfe, fe répandre au loin comme un incendie ou comme un torrent, & par une rapidité de conquêtes étonnantes fubjuguer un nombre confidérable de provinces & de roiaumes. Ici l'on verra ce vafte Empire mettre en mouvement tous les peuples foumis à fa domination, Perfes, Médes, Phéniciens, Égyptiens, Babyloniens, Indiens, & beaucoup d'autres & venir fondre avec toutes les forces de l'Afie & de l'Orient, fur un petit pays, renfermé dans des bornes fort étroites, & dénué de tout fecours, je veux dire fur la Gréce. Quand on envifage d'un côté tant de nations réunies ensemble, des préparatifs de guerre faits pendant plufieurs années de avec une fragrande

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vivacité, des armées de terre & de mer innombrables, des flotes auxquelles la mer peut à peine fuffire; de l'autre, deux foibles villes, Athénes & Lacédémione, abandonnées de tous leurs alliés, & réduites prefque à elles feules on auroit lieu de croire que ces deux petites villes vont être détruites & abforbées par une puiffance vf formidable, & qu'il n'en reftera pas même de veftiges. Cependant ce feront elles qui demeureront victorieuses, & qui, par leur courage invincible, & par plufieurs combats qu'elles gagneront fur terre & fur mer, feront perdre pour toujours à l'Empire Perfan le deffein de revenir attaquer la Gréce. »›

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Le récit de la guerre entre les Perfes & les Grecs, rendra fenfible la vérité de cette maxime, que ce n'eft point le nombre mais la valeur des troupes, & la conduite des Chefs, qui décident dans les batailles. On admirera la fermeté d'ame & de courage des grands hommes qui étoient à la tête des affaires de la Grèce, que l'ébranlement de l'univers ne fut pas capable d'abattre, que les plus grands malheurs ne purent déconcerter, qui entreprirent de tenir tête avec une poignée d'hommes aux armées innombrables des Perfes, qui

oférent, malgré une fi prodigieuse inc galité, efpérer un heureux fuccès, qui forcérent la victoire à fe ranger du côté du mérite & de la vertu, & qui apprirent à tous les fiécles quelles reffources on trouve dans la prudence · dans la valeur, dans l'expérience, dans le zéle pour la patrie & pour la liberté, dans l'amour du devoir, & dans tous les fentimens d'une ame noble & gé néreufe.

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A cette guerre des Perfes contre les Grecs en fuccédera une autre entre les Grecs mêmes, mais d'un caractére tout différent. Il n'y aura guéres ici que des actions peu importantes en apparence, & peu capables, ce femble, de fatisfaire un Lecteur avide de grands événemens des difputes particuliéres entre quelques villes, ou quelques petites Républiques; des fiéges de places pour l'ordinaire peu confidérables (j'en excepte le fiége de Syracufe, l'un des plus importans de l'antiquité:) mais qui ne laifferont pas de trainer fouvent en longueur; des combats entre des armées peu nombreufes, & où quelquefois il y a peu de fang répandu. Qui a donc pu rendre ces guerres fi célébres? Sallufte nous l'apprend. Les exploits des

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Athenienfium res gefte, cuti ego exiftimo, fati

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Athéniens, dit-il, peuvent être confidérés en eux-mêmes comine grands » & magnifiques on peut dire pour» tant qu'ils font en quelque forte au» deffous de leur réputation. Mais parce qu'il y a eu dans la Grèce une foule » de beaux efprits & d'excellens Ecri» vains, ces exploits font vantés dans » tout l'univers, comme grands & mer» veilleux. Ainfi les actions des Athé»niens paroiffent grandes à proportion » de l'efprit & de l'habileté des Écri "vains qui les ont célébrées. «

Sallufte, aflez jaloux d'ailleurs de la gloire qu'avoient acquis aux Romains les actions éclatantes dont leur hiftoire eft pleine, rend ici juftice à celles, des Grecs, en reconnoiffant qu'elles ont une vraie grandeur & une vraie magnificence, quoiqu'inférieures, felon lui, à leur réputation. Qu'eft-ce donc que cer éclat étranger & emprunté que les Hiftoriens y ont ajouté par leur éloquence? C'est que par toute la terre on vante de concert les actions des Athéniens com

ample magnificæque fue- facta pro maximis cele runt verùm aliquanto brantur. Ita corum quæ minores tamen quàm fecêre virtus tanta habefamâ feruntur. Sed quia tur, quantum eam verbis provenêre ibi fcriptorum potuêre extollere præclara magna ingenia, per.terra- ingenia. Salluft. in bello sum orbem Athenienfium Catilin.

me tout ce qui s'eft jamais fait de plus grand: Per terrarum orbem Athenienfium facta PRO MAXIMIS CELEBRANTUR. Toutes les nations, féduites & comme enchantées par les charmes des Écri vains Grecs, mettent les exploits de ce peuple au-deffus de tout ce qui s'eft fait ailleurs de plus beau. Voilà, felon Sallufte, le fervice qu'a rendu aux actions des Athéniens l'hiftoire écrite comme élle T'eft par les Grecs; & il eft bien fàcheux que la nôtre, faute d'un pareil fecours, ait laiffé périr une infinité de belles actions & de belles paroles, auxquelles l'antiquité eût bien fu donner du relief, & qui feroient beaucoup d'honneur à la nation.

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Mais, quoi qu'il en foit, on doit convenir qu'il ne faut pas toujours juger du prix d'une action, ni du mérite de ceux qui y ont eu part, par l'importance de l'événement. C'eft dans les fiéges & dans les combats, tels que ceux dont il eft parlé dans la guerre du Péloponnéfe, que paroit véritablement toute l'habileté d'un Général. Aussi remarque-t-on que ce n'eft qu'à la tête de petites armées, & dans des pays affez peu étendus, que nos plus grands Capitaines du fiécle paffé ont fait paroitre leur grande capacité; & ont égalé

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