Imágenes de páginas
PDF
EPUB

vent être entrevues, foupçonnées, & jamais démêlées. Quoi qu'il en foit, l'Hiftoire ancienne préfente à chaque inftant cette erreur de l'efprit. Les Grecs qui n'ont jamais manqué ni de fineffe ni d'efprit, fe font abandonnés à cette foibleffe, ou plutôt à cette fauffe vanité. Ce procédé bien établi nous conduit à croire que les Philofophes de tous les pays ont été rarement écoutés, & que l'amour-propre, au moins le national, a toujours prévalu; car Platon, & les autres hommes célébres ont dit la vérité à l'égard des origines, mais ils ne l'ont pas perfuadée.

Les Phéniciens fe trouvent, par rapport à nous, trop mêlés & trop confondus avec les Egyptiens, pour être en état de diftinguer aujourd'hui avec une certitude évidente, ce qui appartient à l'un ou à l'autre de ces peuples; mais le doute doit être une raifon de plus pour chercher à démêler les idées les plus probables.

1

Ces peuples occupés uniquement du commerce, ont porté les lettres qu'ils avoient apprifes des Egyptiens 3 comme une commodité dont ils faifoient ufage, & qu'ils ont communiquée aux Nations chez lefquelles ils abordoient, dans la fimple vûe de leur plaire, & de les féduire en leur faveur, fans même avoir laiffé aucune trace de l'arrogance, ou du droit de propriété, auquel un Inventeur a toujours été en droit de prétendre; d'ailleurs comme ils n'ont rien écrit en leur propre nom, au moins il ne nous en refte rien, il paroît qu'ils ont laiffé aux Grecs une liberté entiere pour dire, ou plutôt écrire tout ce qu'ils ont voulu; les Phéniciens ont d'autant moins cherché à les contredire qu'ils les avoient obligés, non comme des Sçavans, dont les procédés ne font pas fi tranquilles, mais comme des Marchands. Les Grecs ont profité de cette indifférence pour répandre des voiles fur leur premiere ignorance, dans la vûe de diminuer l'exceffive obligation qu'ils avoient aux Egyptiens: la divifion des fources étoit un premier moyen pour y par

venir. La féparation des Inventeurs de l'écriture étoit en effet une démarche néceffaire pour arriver à des objets plus particuliers, c'est-à-dire, aux moyens de voler impunément les Egyptiens dans la fuite des temps fur le culte, les loix &c. Telle eft la conduite du mauvais cœur éclairé par l'efprit. Cette ingratitude des Grecs n'a pas été fans succès, elle a jetté de profondes racines, elle a même dominé dans de certains fiecles, & le plus grand nombre regarde encore aujourd'hui les Phéniciens comme les inventeurs des lettres. Cependant en examinant avec attention le texte des Auteurs, ils les ont feulement apportées dans la Grece, mais enfin le travail continu des Sçavans, leur critique répétée & fuivie l'Imprimerie qui a confervé toutes leurs obfervations commencent à prendre le deffus; le produit de ces der nieres circonstances me paroît une œuvre admirable, on ne peut mieux le comparer qu'à ces montagnes coupées, ou bien à ces bâtiffes énormes que la répétition des petites parties raffemblées éleve, ou que la fucceffion des coups de pic donnés détruit; après tout on ne peut dire que le projet des Grecs ne fut réfléchi, & fait avec efprit, il faut même convenir que ceux qui l'avoient conçu & imaginé, devoient fe croire à l'abri de toute contrariété, mais l'exemple de la vérité que le temps découvre tôt ou tard, devroit fuffire pour corriger de tout menfonge.

PLANCHE XXV. No. I, II. & III.

Les monumens rares, font la fortune & l'agrément d'un Antiquaire. Celui-ci, quoique d'une efpece commune chez les anciens, fe rencontre très-rarement. Cependant on fçait que les Grecs meubloient avec profufion leurs Temples, non-feulement des chofes néceffaires, mais qu'ils y plaçoient encore des objets curieux par leur matiere & leur travail, & qui ne fervoient qu'à remplir

ce qu'on appelloit le tréfor d'un Temple. Telle eft cette lampe de marbre blanc qui pouvoit porter dix méches. La grandeur jointe au peu au peu de fupport que l'on apperçoit fur la partie fupérieure me détermine à la regarder comme une lampe votive. Si l'on vouloit fe perfuader qu'autrefois on l'éclairoit & qu'on la posoit à plat, j'objecterois que le marbre n'auroit pû fervir que très-défagréa blement à cet ufage, rien n'étant auffi facile à s'emboire que cette matiere, que l'on fçait être infiniment po+ reufe, & l'effet de l'huile étant encore plus defagréable fur le marbre blanc. De plus les bas reliefs, dont la partie inférieure eft ornée, s'oppofent absolument à cette idée, puifqu'ils auroient été placés en pure perte, & qu'ils auroient nuit à la pofition de ce monument.

Cette partie eft décorée d'une affez grande tête de Médufe, aujourd'hui un peu mutilée, encadrée au milieu de cinq têtes plus petites, une de Silene, deux de Faunes, & deux de Satyres, féparées par des feuilles d'Acanthe. Ce qui prouve encore que l'on ne doit faire aucune attention au trou dont le fond de ce monument eft percé; ceci pourroit lui faire foupçonner un autre ufage que celui que je lui donne, mais ce trou ne peut être que moderne, il a été fait fans aucun ménagement pour la tête de Médule, & pour la fymétrie du reste du monument,

L'ouvrage eft bon, fait avec foin, & il n'eft poing du tout mal confervé.

Plus grand diamettre un pied & demi,

Diametre intérieur un pied.

Profondeur intérieure deux pouces cinq lignes. Longueur du bec au diametre intérieur trois pouces fix lignes.

Longucur de la tête de Médufe quatre pouces.

Les cinq autres têtes ont chacune trois pouces de longueur,

PLANCHE

PLANCHE XXVI. N°. I, II. & III.

L'intention & la difpofition de cette figure de bronze font auffi agréables que fon exécution eft jufte & précise, auffi ne puis-je m'empêcher de regarder ce monument comme un ouvrage Grec, quoiqu'il ait plufieures apparences Romaines, & qu'il ait été trouvé à Rome dans le cours de l'année 1763. Sa maniere d'être affife, & la pofition de fa main, qui paroît avoir foutenu un corps plat, font d'abord imaginer que cette jeune perfonne repréfente une Prêtreffe faifant une offrande à fa Divinité, mais sa coëffure ne donne aucune indication de culte ni de cérémonie. Quand on se rappelle ce que dit Ciceron de l'antiquité des Dieux révérés dans la ville de Rome, on peut donner l'effor à fon imagination, mais c'eft un point qu'il faut traiter fobrement. Je n'ai pu retrouver une pierre gravée, ni fon empreinte, que je me fouviens d'avoir vû & admirée, le travail en eft Grec, & fait voir, autant que je puis m'en reffouvenir, une jeune femme traitée dans cette même difpofition, & avec une femblable élégance, elle lit un rouleau ou Volumen, à l'ufage des anciens, elle le tient élevé d'une main, &. le foutient de l'autre. Une pareille difpofition convient à cette figure, j'ai cherché, mais inutilement, cette cmpreinte, je voulois en donner le deffein pour autorifer ma conjecture, au moins fur la fource premiere de la figure représentée fur cette planche; la pierre pourroit être Greque, & la figure une très-belle copie Romaine. Cependant elle me paroît originale, mais comme il eft bon de tirer partie de tout, & de fçavoir fe confoler, file bras qui manque exiftoit, il auroit caché né:cffairement plufieurs parties du corps que l'on voit au n^. I, & qui préfente une élégance dans le trait, & une légéreté dans la draperie, rares à trouver fur quelque mo nument que ce foit.

Tome VII.

V

Il est difficile de pouvoir porter un jugement fur la forme du fiége, le délâbrement auquel le temps l'a réduit, augmente cette difficulté, on peut juger par les trois afpects de la figure, de fa fingularité & de fon ancienne forme, & décider qu'elle n'eft pas Romaine ; on voit encore que le fiége a été fait pour être à jour le n°. premier ne laiffe point de doute à cet égard, le derriere de la draperie, dont les jambes font accompagnées, étant travaillé avec autant d'attention que toutes les autres parties, par conféquent cette agréable figure eft encore recommandable par la fingularité d'un fiège, dont les monumens ne nous avoient point encore donné d'exemple.

Hauteur totale fix pouces & demi.

Longueur du pied du fiége quatre pouces cinq lignes.

PLANCHE XXVII. No. I.

J'ai témoigné plus d'une fois dans le cours de cet ouvrage l'altération inévitable que les deux opérations du deffein & de la gravure caufoient aux beaux monumens. Ce beau morceau Grec éprouve le malheur de ces deux genres de copies. Les muscles couverts d'une peau délicate n'offrent dans l'original que ce qu'il eft néceffaire pour donner l'action qui convient aux figures. Le coulant & la fineffe des contours, le caractere fublime des têtes font autant de fineffes réelles que les éclairés ne laiffent point échapper, mais qui fe refusent au crayon de quiconque entreprend de les rendre par la feule voie de l'imitation. C'est beaucoup, fi en présentant cette co pie, on peut réuffir à faire fentir l'élégante proportion des figures, & l'art avec lequel le Graveur Grec a fçu allier la fimplicité avec la noblesse, & former, avec auffi peu de travail, une compofition auffi riche qu'agréable

Ceux qui ont apporté à Paris cette pierre, ont fait entendre qu'elle avoit été trouvée en Italie affez récemment, ni Raphael, qui vivoit il y a plus de deux ficcles,

« AnteriorContinuar »