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tinct fupérieur à l'étude, plus für que le raifonnement, plus rapide que la réflexion. Son premier coup d'œil le trahiffoit rarement, il faififloit fur le champ les beautés & les défauts.

Je laiffe aux Artiftes le foin de développer fes talens dans la gravure, qui fit long-temps fa pafsion. Il me fuffit de dire qu'il fit paffer fur le cuivre tous les deffeins des grands maîtres, qui lui tomberent fous la main, & que par la facilité & l'affiduité de fon travail, il fe forma un œuvre qui pour le nombre des pieces furpaffe celui du graveur le plus fécond & le plus laborieux. M. Mariette fon ami eft peut-être le feul qui pofféde cet œuvre complet. Dans ce Cabinet, digne d'être appellé le Sanctuaire des Arts, les effais de M. le Comte de Caylus fe trouvent affociés aux chefd'œuvres des Artistes les plus renommés.

C'est à fon amour pour les Arts, c'est au désir de faire connoître à toute l'Europe ce que la France pofféde de plus rare en ce genre, que nous fommes redevables du magnifique ouvrage, qui met fous nos yeux les pierres gravées du cabinet du Roi. Pour rendre la vérité & la pureté du trait, M. le Comte de Caylus employa le crayon de Bouchardon, ce parfait deffinateur, qui par l'ïmitation de l'antique, qu'il s'étoit rendu familier par de longues études, eft devenu lui-même inimitable. Pour l'explication des fujets, il falloit une plume dont la justesse & les graces fçuffent rendre la dé

licateffe

licatesse de tant d'excellens ouvrages. Il la trouva entre les mains de M. Mariette : cet habile connoiffeur a épuifé cette matiere dans plufieurs traités, où il développe la marche qu'ont tenue les Artistes célebres dans un Art, qui par l'intelligence & la fineffe du travail fur de fi petits objets, femble imiter l'industrie de la nature dans la formation des infectes.

Reçu en 1731 dans l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture, en qualité d'honoraire Amateur, M. le Comte de Caylus qui aimoit à réaliser les titres, & qui les trouvoit trop légers, s'il ne pouvoit y attacher une fonction, n'épargna ni fon travail, ni fon crédit, ni fa fortune, pour éclairer, aider mettre en mouvement les Artistes. Il compofa la vie des plus fameux peintres & fculpteurs, qui ont fait l'honneur de cette illustre Académie ; & pour étendre les limites de l'Art, qui lui sembloit tourner dans un cercle trop étroit, il recueillit dans trois ouvrages différens de nouveaux fujets de tableaux, qu'il avoit rencontrés dans la lecture des Anciens. C'eft aux Artistes à juger de l'utilité de ces recueils, & à décider fi ces belles images, que le pinceau de Virgile & celui d'Homere fçavent tracer avec autant de légereté, que de force dans l'efprit de leurs Lecteurs, font toutes de nature à être déposées sur la toile, ou taillées dans le marbre..

Le zele des écrivains qui fe proposent d'inf

b

truire, n'est pas toujours défintéreffé. Ils fe payent de leurs leçons par la réputation qu'ils efperent en retirer. M. le Comte de Caylus ne méprifoit pas cette noble récompenfe. Mais ce qui prouve qu'il aimoit les Arts pour eux-mêmes, ce font les bienfaits fecrets par lefquels il s'empreffoit d'encourager les talens, qui n'étoient pas fecondés par la fortune. Il alloit les chercher jufques dans les retraites où l'indigence les tenoit cachés. Il prévenoit leurs befoins; il en avoit peu lui-même ; fa libéralité faifoit tout fon luxe. Quoique fes revenus fuffent fort au-deffous de fa condition, il étoit riche pour les Artiftes; & lórfque vers la fin de fa vie la fortune fe fut accrue de celle du Duc de Caylus fon oncle, il n'ajouta rien à fa dépense, il ne lui furvint aucun nouveau besoin; il mit à sa place les Arts & les Lettres ; tout l'héritage tourna à leur profit ; il n'en fut que le régiffeur. Sa générofité n'a été égalée que par celle de plusieurs Artiftes qui ont avoué fes bienfaits.

Outre les préfens dont il gratifioit de temps en temps l'Académie de Peinture & de Sculpture, il y a fondé un prix annuel pour celui des éleves, qui dans un concours réuflit le mieux à deffiner, ou à modeler une tête d'après nature, & à rendre avec vérité les traits caractéristiques d'une paffion donnée. Il animoit par des récompenfes l'étude de l'anatomie & de la perfpective; & s'il eut vêcu plus long-temps, il auroit exécuté le dessein qu'il

avoit formé de fonder un nouveau prix en faveur de ceux, qui s'attacheroient avec le plus de fuccès à ces deux branches effentielles de l'Art. Il auroit voulu pouvoir reffusciter l'antiquité toute entiere. Il voyoit avec regret que les ouvrages des anciens peintres, dont on a fait de nos jours la découverte, s'effacent & fe détruisent presque au fortir des fouterreins où ils étoient enfevelis. Un heureux hazard lui procura le moyen de rappeller à nos yeux la compofition & le coloris des tableaux de l'ancienne Rome. Les deffeins coloriés qu'avoit faits à Rome le célebre Pietre-Sante-Bartoli d'après des peintures antiques, lui tomberent entre les mains. Il les fit graver, & avant que d'en enrichir le cabinet des eftampes du Roi, il en fit faire à ses dépens une édition, à la perfection de laquelle fe prêta l'intelligence éclairée & fcrupuleufe de M. Mariette. C'eft peut-être le livre d'antiquités le plus fingu lier qui paroîtra jamais. Toutes les pieces en font peintes avec une précision & une pureté qu rien n'égale. C'est la vivacité, les nuances, la fraîcheur du coloris qui charma les yeux des Céfars. Les exemplaires qui ont été donnés au public se réduifent à trente: on ne peut efpérer qu'il y en ait jamais davantage. Quel fera dans la fuite le prix de ces admirables copies, fideles & uniques monumens de la peinture antique, qu'elles font revivre avec toutes fes graces!

M. le Comte de Caylus s'occupoit en même

temps d'une autre entreprise, plus honorable encore pour la grandeur Romaine, plus intéreffante pour la nation Françoife. Dans le dernier fiecle des Godetz, fous les aufpices de M. Colbert, donna les antiquités de Rome. Cet ouvrage fit l'admiration de l'Europe entiere, & les nations les plus jaloufes de notre gloire n'ont pu mieux en relever le mérite, qu'en s'efforçant de l'imiter. C'est ce qui a fait naître cette infatigable émulation, qui de nos jours a transporté d'habiles Voyageurs à Spalatro, à Balbec, & jufque fur les fables brûlans de Palmyre, pour vifiter les ruines fameuses de tant de fuperbes édifices & les étaler à nos yeux. C'eft ce qui nous a rendus fpectateurs des monumens d'Athenes, de cette mere des Lettres, des Sciences & des Arts, qui fçavoit imprimer fi profondément dans toutes ses productions le caractere d'immortalité, si rien pouvoit être immortel dans les ouvrages des hommes; où malgré les injures du temps & des barbares, tant d'illuftres fculpteurs & architectes vivent dans les débris de leurs édifices, ainfi que tant d'auteurs incomparables refpirent encore dans les précieux fragmens qui nous reftent de leurs écrits. Le même M. Colbert avoit formé le projet de faire graver les antiquités Romaines qui fubfiftent dans nos provinces méridionales. Mignard l'architecte en avoit par fes ordres exécuté les deffeiens, que M. le Comte de Caylus eut le bonheur de recouvrer. Il réfolut d'achever

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