Imágenes de páginas
PDF
EPUB

lui témoigner de l'amitié, fut à elle d'un air ouvert & aflez empreffé; mais Mademoiselle du Mez ne put répondre à ce que lui dit d'obfigeant Adelaide, que d'une maniere embarraffée, qui ne fut pourtant point apperçue de Mademoiselle de Couci..

La nouvelle du retour de la fille d'Enguerrand, ferépandit d'abord. Madame de Couci tranfportée de joie, courut aufli tôt chez la Reine Mere: le filence, les larmes, & les embraffemens de la mere & de la fille, furent d'éloquens témoignages de leur tendreffe mutuelle. La joie de Madame de Couci, quoique extrême, n'égaloit pas celle de Raoul, les mouvemens de l'amour fe joignoient à ceux de la plus tendre amitié. Le retour de fa foeur lui faifoit fentir l'effet féducteur des charmes qui accompagnent tou jours l'efpérance. Il vit d'un coup d'oeil, que les étroites liaifons entre Mademoiselle de Couci & Madame de Fajel, lui fourniroient des occafions ou des prétextes pour voir & entretenir fouvent ce qu'il A S aimoit:

aimoit: il reffentoit auffi un plaifir fenfible en voïant toute la Cour s'intéreffer au retour de fa fœur ; il applaudifloit fecrettement aux louanges qu'on donnoit à sa beauté, à fon génie & à fa vertu; aflemblage heureux que la Nature fait rare

ment

2

Le premier foin du Maréchal d's qu'il le fut remis de fa furprife, fut d'envoier un Courier à Enguerrand. Il lui apprit que le Roi avoit été à Chelles, qu'il en avoit ramené Mademoiselle de Couci, & que la Reine Mere avoit confenti, avec plaifir, à la garder auprès. d'elle. Quelle nouvelle pour Enguerrand!

Raoul attendoit, avec impatience, le moment de pouvoir parler: à Adelaïde: il avoit mille chofes à lui demander, mille chofes à lui dire; des confeils à lui donner, & des. mefures à prendre avec elle, il ne put cepandant trouver ce moment que le lendemain. Il fut content, & de fon entrevûë avec le Roi, & de la fageffe de fes réponses: il lui confeillă de fe contraindre avec Al

beric, & de s'en tenir toujours avec le Roi, à l'éloignement général qu'elle lui avoit montré pour tout engagement. Il lui dit que fi ce Prince la preffoit, elle devoit avec douceur, & fans laiffer voir une résistance invincible, demander du tems. Elpérez tout, ma four, de ce tems que vous vous donnerez toujours, & qui peut faire naître mille événemens imprévus, propres à vous dégager enfin du Maréchal. Roger & vous, ajoutat'il, devez vous armer de patience; fur tout, la prudence & le miftere font vos retranchemens les plus fûrs. Vous avez à la Cour une Rivale, d'autant plus dange renfe, qu'elle eft foeur d'Alberic. Il n'eft plus tems de vous le cacher; vous avez à vous défier de fes regards pénétrans: elle va fans ceffe étudier vos mouvemens, vos démarches, & fur tout votre vilage, dès qu'à quelque occafion (& elle en fera naître) on parlera du Comte de Rethel; je n'en puis douter, elle foupçonne votre intelligence; peut être la voit-elle! Adelaide A 6 frémit

frémit à ces mots. Les malheurs qu'elle prévoïoit, lui cauferent un effroi mortel; effroi où la jaloufie. n'avoit nulle part. Elle rendoit juftice à la paflion de Roger, mais elle craignoit pour le fecret; il dépendoit d'une Rivale: comment ofer efpérer qu'il pût être toujours ignoré d'Enguerrand & d'Alberic? Comme fœur du Maréchal, Mademoiselle du Mez lui avoit toujours paru redoutable; elle la lui. parut encore plus, en apprenant qu'elle aimoit le Comte de Rethel. Adelaïde pria fon frere de conjurer. Roger de ne point paroître à la Cour. Raoul touché des allarmes. de fa foeur, lui promit tout ce qui pourroit concourir à fa tranquillité & à fon bonheur. Je confens avec plaifir, lui dit-il en l'embraffant, à être pour vous une autre Mademoifelle de Rocheville; mon amitié vous fervira du moins auffiutilement, que la fienne vous a fervie. F'écrirai tous les jours à Roger; il fera inftruit de tout: je vous montrerai fes Lettres, & ce fera avec yous que je lui ferai mes répon

fes, duffai-je encourir la difgrace de mon pere! Comptez fur moi, ma foeur, je vous aime tendrement, & Roger m'eft trop cher, pour ne pas tout facrifier au défir de vous. voir tous deux heureux. Ce défir fe fait fentir à mon cœur d'autant

plus vivement que ma paffion pour Madame de Fajel me fait fentir combien vous êtes à plaindre ! Ah! ma fœeur! oubliez quelques momens votre fituation, pour vous intéreffer à la mienne! Vous êtesvous souvenue à Chelles de parler de-moi à Madame de Fajel? Lui avez-vous dit que je l'adore? Le croit-elle ? Vous a-t'elle du moins écouté fans colere? M'avez-vous rendu le fervice de lui vanter mon refpe& pour elle? Enfin, que vous a t'elle dit? ne me le cachez point. Madame de Fajel, répondit Adelaïde, vous eftime; elle eft contente de votre refpe&t & certaine de votre tendreffe: elle vous plaint; mais, ne pouvant faire votre bonheur, elle voudroit que vous fusfiez indifférent pour elle. Ne defire- t'elle point de quitter la Cour, demanda

A 7

« AnteriorContinuar »