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le Comte de Rethel étoit revenu de Tours, quand le Baron de Montmorenci arriva, entierement. guéri de fa bleffure. Sa prétence caufa autant de joie à Adelaïde, & à Roger, qu'à la Maréchale. Cette mere ambitieufe, ne refpiroit qu'après la confolation de voir fon fils marié avec Mademoitelle de Montmorenci. Elle avoit de plus des allarmes fecrettes, que cette union prochaine pouvoit feule calmer; elle craignoit toujours que le Maréchal ne découvrit l'Amant que Mademoiselle de Couci lui préféroit, & qu'il ne voulût fe vanger d'une telle injure. Le retour du frère de Conftance, troubla Alberic; il accufoit tout bas le Roi d'injuftice & de violence à fon égard: mais il falloit obéir à ce Prince, ou renoncer pour jamais à fon amitié! L'ambition a bien-tôt décidé fur un pareil choix.

On ne parloit à Paris que du mariage du Maréchal. C'étoit tous les jours quelque Fête nouvelle. La Maréchale, le Baron de Montmorenci, le Grand Sénéchal,

le Comte de Dreux, & le Vicomte de Melun, en donnerent tour à tour. Le Comte de Rethel brilloit d'autant plus dans toutes ces auguftes Fêtes, que les regardant comme un triomphe pour lui, il y portoit une liberté d'efprit, propre à mettre en valeur tous les heureux talens. La belle Adelaïde, fans être de tous ces plaifirs, les reffentoit plus vivementt que les perfonnes qui les partageoient; ils fortifioient dans fon cœur l'efpérance. Le Maréchal portoit dans tous ces divertiffemens, une trifteffe qu'il vouloit en vain furmonter! En vain s'étudioit-il à remarquer tous les charmes de Mademoiselle de Montmorenci ! cette étude ne fervoit qu'à rehauffer, dans fon efprit prévenu, tous ceux de Mademoiselle de Couci. Enfin, il ne pouvoit penfer qu'avec défefpoir,qu'il ne la pofféderoit jamais, & qu'il feroit bien tot condamné à la voir faire le bonheur d'un autre. La veille que le Maréchal de voit recevoir la main de Conftance de Montmorenci, il alla au lever

du

du Roi. Ce Prince en lui voïant un air abattu, lui fit des reproches d'une trifteffe fi déplacée. Alberic honteux & accablé du noir chagrin qui le dévoroit, fortit, fans avoir eu la force, ni de s'excufer, ni de fe remettre: rempli de fes idées, il defcendit dans les Jardins. Des pentées bien différentes y avoient aufli conduit Roger. Le mariage du Maréchal le mettoit au com ble de fes vœux: ce que lui on coûtoit pour contenir les mou vemens, qui fans ceffe vouloient l'entraîner vers Adelaïde, le mettoit à de cruelles épreuves: pour fe confoler d'une contrainte qu'il regardoit comme une espéce d'abfence, il fe retiroit souvent à l'écart, pour contempler Mademoifelle de Couci, dans le Portrait de la Comteffe de Dammartin: Alberic l'apperçut affis fur un banc, les yeux attachez fur une boëte, qu'il foupçonna renfermer un Portrait. Un mouvement non développé, infpire au Maréchal un défir dé curiofité; il penfe d'abord à le fatisfaire; il

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avance; il paffe doucement derriere Roger il regarde jufte Ciel quelle eft la furprife! La fureur s'empare de lui. J'ai donc enfin trouvé ce Rival heureux, s'écrie t'il! perfide Adelaïde, je vais vous punir & me vanger. L'étonnement du Comte de Rethel fut extrême il fentit d'abord fon imprudence par les paroles du Maréchal. Alberic, lui dit-il, ne Vous y trompez pas; ce Portrait eft celui de la Coniteffe de Dammartin.... La feinte eft inutile, reprit le Maréchal. Roger ajoutat'il, en mettant l'épée à la main, fongez-y, je vous la reprocherois un jour comme un manque de courage. La réponse du Comte de Rethel, à des paroles fihautaines, tut de fe mettre en état de fe défendre & d'attaquer. Le combat fut vif; mais Roger s'étant apperçû que le Maréchal avoit reçu une bleffure, dont le fang couloit en abondance, s'écria: Maréchal', vous êtes bleffé! vous n'êtes plus en état de vous battre ! eh quoi ! lui cria t'il en reculant, & ne se

fer

fervant plus de fon épée que pour rabattre les coups redoublez que lui portoit Alberic, voulez-vous que je vous arrache la vie? foiez affez généreux pour ne pas m'y forcer, j'ai dans ce moment trop d'avantage fur vous. La fureur d'Alberic ne lui permettoit, ni de rien entendre, ni de s'arrêter: mais affoibli par le fang qu'il perdoit, il tomba aux pieds de fon ennemi. Roger touché du fort d'Alberic le lecourut avec tout l'empreffement d'un ami généreux; il faifoit fes efforts pour le foulager, loríqu'il entendit marcher derriere une Paliffade: il appelle, il demande du fecours, fans fçavoir à qui fa voix s'adreffe. C'étoit le Grand Sénéchal, & le Baron de Montmorenci, qui traverfoient les Jardins pour aller chez le Roi. Quelle fut leur furprise! ils voient Alberic étendu, prefque fans connoiffance ! & Roger, plein d'agitation, occupé à le fecourir. Ah! Sénéchal, lui dit le Comte de Rethel, queje fuis malheureux! Quelle fatalité ! mais je vous laisle G 5

au

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