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demanda Raoul à Adelaïde? Ne fonge t'elle point à déterminer Fajel à s'en éloigner? j'ai mes raifons, ma foeur > pour vous faire ces queftions. Répondez-moi naturellement. Adelaide ne cachapoint à fon frere le défir que Madame Fajel avoit de quitter une féjour où fa fanté étoit toujours languisfante. Le frere & la foeur furent interrompus par Madame de Fajel elle-même, qui venoit embraer Adelaïde. Quelle eft ma fatisfaction, belle Adelaide, lui dit-elle, de vous revoir à la Cour ? Cet heureux changement que je n'ofoisefpérer, lera fuivi d'un bonheur parfait: mon cœur me le dit, prêtez-vous à fon augure. Adelaide, après les expreffions & les tranfports les plus fincéres de l'amitié, n'eut rien de plus preffé que d'apprendre à Madame de Fajel, qu'elle avoit trouvé une Rivale dans Mademoifelle du Mez, tort éprile de Roger.. Ce nouveau fujet d'inquiétude & de crainte pour Mademoiselle du Couci, fit celui de la conversation. Raoul trouva plus d'une occafion

de

de placer des chofes d'autant fines. qu'elles paroiffoient générales. Madame de Fajel y découvroit la paffion, les peines & le respect de cet Amant délicat & miftérieux. Arrêtée par le plaifir de le voir elle croïoit accorder aflez à fon devoir, de l'écouter fans faire femblant de l'entendre. Elle étoit moins maîtrefle de fes regards; ils étoient doux & quelquefois embarraffez, & fon vifage fe fentoit de cette émotion qu'un cœur tendre communique. Tout enfin apprenoit à Raoul qu'il étoit entendu & pardonné.

Philippe, en arrivant de Chelles, avoit d'abord dépêché un courier vers Enguerrand, pour le rappeller à la Cour ;, & celui que le Maréchal lui avoit envoié, lui apprit que le Roi avoit été à Chelles qu'il en avoit ramené Adelaïde, & que la Reine Mere l'avoit auprès d'elle. Quelle fut la furprife d'En-. guerrand! I admiroit, avec une forte d'indignation, l'habileté & le génie d'Adelaide; il vouloit lui en faire un crime: l'adreffe dont elle

avoit dû fe fervir pour mettre le 'Roi dans les intérêts, confondoit fa raifon. Eh quoi! difoit-il, Adelaïde luttera contre Enguerrand! elle veut en triompher! Quoi! & à peine'fortie de l'enfance, fes détours féduifans renverferont les mefures que j'aurai prifes, ou pour la contraindre à tenir les engagemens qu'elle m'a laiffé contracter, ou pour la punir de l'affront qu'elle fait à Alberic! Enguerrand occupé de ces réflexions, revint à Paris." I alla d'abord chez le Roi. Ce Prince en le voiant entrer dans fon Cabinet, fit retirer tout le monde.

Vous fçavez déja que j'ai été à Chelles; dit Philippe; j'ai voulu voir & entendre, Mademoifelle de Couci, ou pour approuver, ou pour condamner votre févérité; mais, quoique prévenu contre Adelaide, je l'ai trouvé, malgré fa révolte, trop digne de ma protection, pour ne ne la lui avoir pas accordée. Que d'efprit que de raifon ! que de vertu! Enguerrand, une fille fi accomplie, mérite plus d'égards

qu'une

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qu'une autre ! C'eft à la douceur & au tems à vaincre la répugnance qu'elle montre pour recevoir un maître: file tems ne peut rien obtenir laiffez la dans un état libre; fon caractere doit vous aflurer qu'elle foutiendra le nom de Couci avec dignité, & avec les fentimens de vertu qui le font connoître. Si les foiblefles des hommes, pourfuivit le Roi, doivent les porter dans la fociété,à avoir de l'indulgence les uns pour les autres, un pere doit fur tout s'y prêter dans le gouvernement de fa famille! S'il eft trifte pour un homme respectable, de fe voir réduit à exercer trop de rigueur fur des enfans peu dignes de lui, quels remords ne fe prépare t'il pas par une action de violence, dont un enfant d'un mérite reconnu, feroit la victime le refte de fes jours? La nature ne doit aller que par la voie de la douceur ? c'eft là fon véritable caractere; & c'eft auffi la route qui la méne le plus fûrement à fon objet. Enguerrand, ce n'eft pas aflez d'être pere, il faut être

Mon

l'ami de fes enfans; Adelaïde mérite que vous foïez le fien. reffentiment contre une fille rebelle, repartit Enguerrand, ne me rend point injufte à fon égard; je ne lui refufe pas les qualitez que Votre Majefté lui accorde; mais je lui fais un crime, de l'ufage qu'elle fait de fon efprit, de fa raifon, de la fermeté de fon caractere; elle fçait mieux qu'un autre, tous fes devoirs : elle ofe cependant y manquer! elle en eft d'autant plus coupable, & j'en fuis d'autant plus irrité! C'eft cette fermeté qui l'a déterminée au coup hardi de fe fouftraire à l'autorité paternelle !. C'eft cet efprit adroit & féduifant, quia fçû juftifier fa faute aux yeux de Votre Majefté! c'eft lui qui îçait auffi la montrer innocente, au moment même qu'il cache combien fon cœur eft criminel! c'est lui enfin à qui elle s'en fie pour furmonter les obftacles qui s'opposent à ce qu'elle Votre difcours me fait naître des foupçons, dit le Roi. Quoi! Alberic ne feroit-il malheureux que parce qu'un autre feroit aimé? Ade

veut.

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