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demoiselle de Couci, & tous les jours il goûtoit de plus en plus fon caractere: il fe plaifoit à l'entretenir; le plaifir qu'il y trouvoit, le délaffoit agréablement de fes gran. des occupations. Un jour ce Prince dit au Grand Sénéchal : Si j'étois capable d'une foibleffe, Mademoifelle de Couci me rendroit fenfible; peut-être même dois-je au respect que j'ai pour la vertu, & aux égards dûs à fon nom, ma résistance à tant de charmes; mais l'eftime que j'ai pour elle, défend à l'amour d'attaquer mon cœur. Sénéchal, pourfuivit le Roi, les foupçons d'Enguerrand font injure à Adelaide ; elle eft obfervée de trop près, trop d'yeux font attachez fur les démarches, pour qu'elle pûr les tromper, fi fon cœur étoit prévenu en faveur de quelqu'un. Oui! fes actions répondent de la vérité de fes difcours. Que le Maréchal eft malheureux, de ne pouvoir plaire à cette illuftre fille! je le fens, ies foins ne gagneront point cette ame infenfible. Adelaïde eft ferme dans Les réfolutions. Je prévois que le

moment

moment où le Maréchal fera forcé à me fuivre dans la Palestine, fera pour lui un inftant bien terrible: ce tems approche;. tous les Croifez font en état de marcher, l'E, tendart va bien- tôt fe déploïer. Le Roi ne lifoit que trop bien dans le cœur d'Alberic: fa paflion pour Mademoiselle de Couci, lui faifoit regarder avec effroi, tous les préparatifs pour l'expédition de la Terre Sainte. Auffi paffionné, mais moins malheureux, le défir de la gloire lui auroit adouci le chagrin de s'éloigner de l'objet qu'il adoroit.

Tous les François montroient à l'envi, un zéle ardent pour fecourir Jérufalem; ce zéle ne put avoir un prompt effet: les préparatifs en furent fulpendus, & le voïage fut differé par la Guerre que PhilippeAugufte porta en Berri. L'amitié que ce Prince, & le Roi d'Angleterre s'étoient jurée lorsqu'ils avoient reçû la Croix; les motifs de Religion qui les avoient défarmez au premier bruit des malheurs de la Palestine, furent bien-tôt facrifiez

à leurs interêts. Henri étoit ambitieux, injufte, & défiant ;

peu

fon

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de bonne foi avec les enfans jui rendoit toujours la leur fufpecte. Richard, fon fils & fon fucceffeur à la Couronne, étoit entreprenant, inquiet, & brave (a); & Philippe, ardent à profiter de leurs divifions domeftiques, habile à les faire naître & à les nourrir, empêchoit par cette fine politique, que Henri ne fût affez tranquile pour être redoutable. Philippe craignoit que Richard, grand Capitaine, & audacieux, ne fût aflez content de fon pere pour ne plus lę traverfer: il ne vouloit pas que le fils à la tête de toutes les forces de fon pere, qui n'étant plus disperfées auroit fait une Armée formidable, fût en état de se faire redouter.

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Le Roi envoia fes ordres dans toutes les Places où étoient fes Troupes, pour les faire marcher au lieu du Rendez-vous général. Son départ fuivit de près fes ordres.

(*) On l'appelloit Cœur de Lion

Le

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Le Maréchal & le Comte des Barres, fentirent juíques où peut aller la douleur de s'éloigner de ce que l'on adore; mais leurs regrets, & leurs plaintes s'adreffoient à deux ingrates qui voïoient couler leurs larmes fans en être touchées. Roger regnoit dans les cœurs d'Adelaïde & de Mademoiselle du Mez, fans y laiffer même de place à la pitié, ni pour Alberic, ni pour des Barres. Le Sire de Couci étoit plus heureux ; il étoit cependant à plaindre; il partoit. Depuis quelques jours il n'étoit occupé qu'à chercher le moment de pouvoir entre tenir Madame de Fajel. La veille de fon départ, il la trouva enfin chez Mademoitelle de Couci. Ma fœur lui dit il, obtenez de Madame, la permiffion que je lui dife (fi ma douleur m'en laifle la force) ce qu'il m'en coûte pour m'éloigner du féjour qu'elle habite! Ah! Madame, pourfuivit-il, pardonnez quelque chofe à un infortuné qui ne vous reverra peut-être jamais; du moins ne lui refusez pas un fimple mouvement de pitié; & fi je B.7

fuis

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fuis affez heureux pour vous l'inspirer, aiez affez de bonté pour ne pas me le cacher. Adouciffez, par un feul mot, ma cruelle fituation, ou accablez moi aflez de votre rigueur, pour me faire défirer la mort comme le feul remede à mes maux. Je vais où elle fera; je la trouverai. Vous me faites frémir, repartit Madame de Fajel: pourquoi vouloir chercher la mort ? épargnez à une tendre foeur, les larmes que votre perte lui coûteroit. Croïez, ajouta-t'elle en laisfant échapper un foupir, que je ne pourrois les effuïer fans en répandre. Ah! Madame, s'écria Raoul en voulant fe jetter à fes pieds. . . . . Arrêtez, lui dit-elle avec émotion! moderez ce transport; il me cauferoit peut-être des remords trop amers : qu'il vous fuffile de fçavoir que j'unirai en votre faveur mes vœux avec ceux d'une fœur qui vous adore. Mais refpectez-moi affez pour m'épargner d'entendre ce qu'une trop vive reconnoiffance voudroit vous fuggérer. Mademoifelle

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