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mais non pour connoître quand ils y feront fuffifamment difpofés. Car comment difcerner fi c'est l'amour, ou fi ce n'eft encore que la crainte qui produit le renoncement au péché, & le commencement d'une vie nouvelle ?

la

Pour éclaircir cette difficulté, MES CHERS FRERES, il n'eft pas neceffaire d'examiner ce que crainte feule des peines éternelles peut produire au dedans & au dehors. Les défenfeurs de l'attrition fervile prétendent que la crainte feule fans aucun amour de Dieu & de fa juftice, peut non-feulement arrêter la main c'est-à-dire fupprimer les actes exterieurs du péché, mais encore la volonté intérieure & l'affection du peché : de forte qu'un pécheur frappé de la crainte feule des peines éternelles peut

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frang. S 108. lat.

fe trouver fans aucune affection ni pour Dieu, ni pour la créature. En quoi premierement ils font manifeftement oppofés à Saint Auguftin, & à la bonne Théologie, qui enfeignent conftamment & évidemment que le cœur de l'homme ne pouvant être fans aimer quelque chofe,ou Dieu, ou la créature, il ne peut être fans affection pour le péché, tant qu'il eft fans amour pour la veritable juftice, & tant qu'il ne commence pas à s'élever vers Dieu par le chaste amour. Vous trouverez ce principe clairement marqué dans le Traité que nous vous donnons, où M. de Meaux le donne en paffant comme inconteftable: & dans le rapport qu'il fit à l'Affemblée du Clergé de 1700. fur la matière dont il s'agit ici. Et fecondement ils ne gagnent

rien à cette chimerique fuppo fition. Car trois chofes feront toûjours conftantes. La premiere, que la juftification du pécheur, par quelque moyen exterieur qu'elle s'opere, fe fait par une libre acceptation de la charité formée & habitante, c'cft-à-dire de l'amour parfait, ftable & conftant de la juftice. La feconde, que le cœur n'eft jamais difpofé, comme il faut, à accepter la juftice & la charité, tant qu'il ne la préfere pas aux amours qui lui font oppolés. Et la troifiéme, que le defir de la juftice & de la charité ne peut être ni la crainte même, ni autre chose qu'un amour commencé. D'où il s'enfuit que fuppofer une ame frappée de la crainte feule fans amour, c'est la fuppofer fans defir de la juftice, fans retour du cœur à

Dieu, & par conféquent toûjours dans l'éloignement & dans l'averfion de Dieu, de fa grace, & de fa juftice, & incapable d'accepter volontairement cette grace & cette juftice, c'eftà-dire incapable de toute juftification.

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Quand donc on fuppoferoit qu'un pécheur peut par la force de la crainte feule renoncer au peché, & commencer à faire le bien à l'exterieur ; je dis en premier lieu après M. de Meaux, que la crainte ne pouvant tout au plus que réprimer la pente au peché, & non jamais la guérir, elle ne peut mettre dans le cœur qu'une difpofition paffagere & chancelante, qui le laiffe bientôt retomber dans fes défordres. Ainfi les rechûtes fréquentes feront bientôt connoître que ce péni

tent n'a encore ni ce ferme propos & cette réfolution ftable de fe foumettre à la juftice de Dieu, ni cette douleur & cette haine fouveraine du peché qui naît de l'amour de la juftice, puifque cette difpofition exclut manifeftement la rechûte dans le défordre.

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Je dis en fecond lieu que quelque force que l'on imagine dans la crainte pour étouffer & reprimer l'affection du peché, & changer la conduite. exterieure elle ne poura jamais empêcher que le pénitent ne fente bien s'il defire, ou s'il ne defire pas la juftice & la charité, s'il demande de tout fon cœur la grace de fa converfion à Dieu, s'il est réfolu d'observer les Commandemens par amour, s'il fait des efforts pour y parvenir, ou s'il n'en fait point..

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