vie, auquel elle a préferé la créature, ne mérite plus que la fouftraction de fa prefence & de tous fes dons; & n'ayant rien par où elle puiffe s'y rejoindre, elle demeureroit éternellement dans cet état de mort & de ténebres, fi Dieu par une mifericorde incomprehenfible ne l'en retiroit lui-même, & ne fe rapprochoit d'elle pour la ramener à lui. Comment d'un de ces à états l'autre. Car il y a cette difference XIII. prodigieufe entre l'état de la on paffe juftice, & l'état du peché, que pour tomber dans celui-ci l'ame n'a befoin que d'elle-même, & de fe laiffer aller au penchant qui l'entraîne : au lieu que pour fortir de l'état du peché elle a befoin que la main toute-puiffante de Dieu vienne à fon fecours qu'elle l'arrache de la puiffance des ténébres > pour Celoff. tranferer dans le Royaume de fon Fils bien-aimé. Mais ce que ces deux états ont de commun, c'eft l'on que ne paffe pas ordinairement toutà-coup de l'un à l'autre. La chûte, comme nous venons de le dire, a fes progrès, & fe prépare de loin par des affoibliffemens infenfibles de la charité. Il eft encore plus ordinaire que la charité une fois éteinte ne fe rallume que par degrés ; & qu'elle a des commencemens qui y préparent & y ramenent, & qui fervent comme de paffage à l'état de la juftice. Ces verités font d'un grand ufage, MES CHERS FRERES. D'un côté elles nous font craindre les moindres affoiblissemens de la charité, & en nous rendant humbles, vigilans, précautionnés & fervens, elles fer vent vent à conserver & à faire croître en nous la charité. De l'autre côté, en même tems qu'elles nous encouragent à marcher vers la juftice, c'est-à-dire à tendre de toutes nos forces à la charité, lorfque nous en fentons les premices & les commencemens, elles nous apprennent à ne pas croire que nous l'ayons atteinte, dès-là que nous fommes en chemin & dans la voye qui y conduit. nairement Car comme de l'état de pe- xiv. ché à l'état de la juftice, la dif- Qu'ordi tance eft immenfe, le paffage le paffage de l'un à l'autre eft ordinaire de l'état du ment long & penible, fur tout peché à l'état degrace pour ceux qui font tombés plu- ne fe fait feurs fois dans des pechés confi- pas cout derables, qui ont croupi long- mais par tems dans le vice, & qui en ont degrés, & contracté l'habitude. d'un coup, avec un tems affez C'eft une verité que l'Ecritu- long. e re & la Tradition, l'experience & la raifon s'accordent parfaiEccli.1. 15. tement à nous enfeigner. Les méchans fe corrigent difficileProv.xx11. ment. On ne quitte point même dans la vieilleffe,la voie qu'on a Jerem. 13. fuivie des fa jeuneffe. Il eft auffi difficile à un homme accoûtumé au mal de faire le bien, qu'à un Ethiopien de changer de peau. MES CHERS 6. 23. 1 Et ne croyez pas, FRERES, que cette difficulté ne vienne de la force fi conque nue & fi terrible de l'habitude. Ce n'eft pas cette force prefqu'infurmontable de la mauvaife habitude qui fait dire à l'AHebr.v1.4. pôtre S. Paul: Qu'il eft impoffible que ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don du Ciel, qui ont été rendus participans du faint Efprit, qui fe font nourris de la fainte parole, & de l'esperance des grang 8.6. · deurs du fiecte à venir, & qui après cela font tombés, fe renouvellent par la penitence. C'est l'énormité inconcevable des crimes commis après le Baptême qui fait paroître à l'Apôtre la difficulté de recouvrer la grace perduë, fi grande & fi extrême, qu'il ne trouve point d'autres termes pour l'exprimer que celui d'impoffible. C'eft, dit ce Ibid. grand Apôtre, parce qu'ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu en eux-mêmes, & l'expofent à l'ignominie. Pensez-vous en effet, dit S. Cyprien, qu'a- Cyp. No près avoir fait à Dieu l'outrage laps de violer fon Temple, vous puiffiez appaifer fi promptement fa colere? Non, ce n'eft qu'à force de tems, de larmes & de S. Chryfoft gémiffemens que vous pouvez fur l'Ep. laver les fourllures que votre aux Hebr. ame a contractées par le peché. Hom. 12. |