ce, ainsi que toute autre vertu, ne fe forme que par degrés, & ne parvient qu'avec le tems à sa maturité. Semblable aux De voc. gent. l. 1. C.II. plantes & aux arbres que la terre produit, qui n'arrivent à la perfection de leur être, & à leur maturité naturelle que par degrés & par des accroissemens reglés, la vertu n'est pas tout d'un coup ce qu'elle doit être. Elle n'est d'abord qu'une espece de semence & de germe qui se développe insensiblement, & qui ne parvient à sa maturité qu'avec le tems & par degrés. C'est l'idée que JESUS-CHRIST Math.XIII même nous en donne dans l'E- 31. vangile. Et parce que la vertu de penitence trouve de grands obstacles à surmonter, elle ne se forme qu'à force d'efforts & de combats. XV. D'abord donc, suivant le Quelles font les difpofitions qui par leur progrez fervent de l'état de peché à l'état de grace, Trid. feff. 1.6.6. plan que nous a tracé le faint Concile de Trente, le pécheur réveillé & excité par la grace s'ébranle pour se convertir à passage de Dieu qui lui découvre sa justice & ses promeffes. Et ce premier ébranlement du cœur est le mouvement de la foi. C'est le preConcil. mier pas que le pécheur fait pour se rapprocher de Dieu & de sa justice. Et quoique ce ne foit encore qu'une velleïté & un defir imparfait, il ne faut pas le confondre avec ces idées superficielles de converfion, qui ne pénétrant pas jusqu'au cœur du pécheur, le laissent sourd à la voix de Dieu qui l'appelle. Mais ces premieres conceptions du faint Amour, avorteroient ordinairement bientôt, si la crainte de la justice vengeresse des crimes ne venoit les foûtenir. Dieu donc découvrant au pécheur ses égaremens & les châtimens dont il est menacé, lui imprime une salutaire frayeur qui jointe à l'efperance, ce premier fruit de la foi dont la douceur tempere, releve & raffure la crainte, d'un côté reprime & arrête l'effort de ses paffions; & de l'autre anime & fortifie sa foi, & lui fert comme d'aiguillon pour le faire hâter de se rapprocher de Dieu & de se jetter entre les bras de fa mi-. fericorde. C'est ainsi qu'à l'aide de cette crainte qui naît de la foi, & que l'efperance rassure, l'amour acquiert de nouvelles forces, que le defir de la justice & de la charité s'accroît, & que le pécheur parvient enfin jusqu'à la préferer à tout ce qu'il a de plus cher, à hair souverainement sa vie paffée, cette vie honteuse, destituée du saint s'achevent mour, Amour, & livrée à l'amour de foi-même & des creatures; à renoncer au peché, & à former une ferme résolution d'aimer d'ac Dieu de tout fon cœur, complir tous ses Commandemens par amour, & de fatisfaire à sa justice par ses mortifications & fes bonnes œuvres. XVI. Telles font, felon l'Ecriture Que toutes & la Tradition expliquées par ces dispositions com- le faint Concile de Trente, les mencent & difpofitions qui servent de pafpar l'a- fage à l'état de la justice. Et vous volez MES CHERS FRERES, qu'elles commencent & se perfectionnent par l'amour ; & qu'il est très-certain que rien ne prépare à la charité habitante & justifiante, que la charité commencée. M. de Meaux qui met aujourd'hui la verité de cette proposition dans tout fon jour, l'avoit avancée comme incon Lett. de M. l'Evêque de testable dans un autre Ouvrage, fuftif. des où cependant, fil'on en croit M. Réflexions l'Archevêque de Sens, il ne fait mor. p. 80. que tâcher d'excufer ce qu'il PArch. de n'auroit pas voulu dire lui-mê- Sens à M. me. Quelle étrange prévention Troye que celle que la plus vive lu- 163. miere ne peut diffiper? Quel étonnant difciple que celui qui n'est occupé qu'à déguifer la doctrine de fon maître, & qui plûtôt que de la réconnoître, aime mieux lui faire dire perpetuellement le contraire de ce qu'il dit le plus clairement ? Estce donc fimplement excuser une proposition, que d'en prendre la défense, que de dire qu'il n'y avoit rien à y ajoûter pour une pleine expression de la verité, que ces deux mots, charité commencée, & charité habitante; que d'afsurer que la proposition ainsi expliquée ne peut recevoir |