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bile Auteur fur le combat de Denain, où il fe trouva. S'il reléve les fautes des Alliés, il ne diffimule pas celles des François, & il fait voir qu'un Général médiocre les auroit facilement arrêtés au paffage de l'Efcaut & enfuite du Marais qu'ils devoient franchir, & que les troupes qui marchoient en diligence au secours du camp retranché, feroient arrivées à tems pour le défendre. Rien n'empêchoit les Alliés de continuer le fiége de Landrecies; la perte de leurs Magafins pouvoit être réparée, & le Quefnoy regorgeoit de Munitions de guerre. On pouvoit faire entrer en Fiance plufieurs gros détachemens, & empêcher le Maréchal de Villars de repaffer l'Escaut pour s'y oppofer. Il eut été lui-même très-embaraflé. Mais, dit Mr. de Folard, la tête tourna aux Alliés, qui ne laifférent pas au Prince Eugéne, qui l'avoit très-bonne, la liberté d'arrêter les progrès des François. On fait voir enfuite que ces derniers ne poufférent pas leurs avantages autant qu'ils le pouvoient. Nous remarquerons une chofe qui fait beaucoup d'honneur à Mr. de Folard: c'eft promqu'il loue la conduite & la bravoure du Maréchal de Montes quiou, qui attaqua Denain à la tête des troupes & l'emporta l'épée à la main. Ces louanges font d'autant moins fufpectes, que le Maréchal n'aimoit point cet Officier, qu'il a nourri fon averfion pour lui très chérement jusqu'à la mort, fans manquer aucune occafion de lui en donner des marques, ni rien négliger de ce qu'il croyoit pouvoir contribuer à lui nuire. La franchise

Tom.

Préf. p.

IX.

de Mr. de Folard, qui defapprouvoit souvent les manœuvres des Généraux, déplaifoit au Maréchal. 11 loue, il blâme toujours avec une équité fcrupuleufe, & fes plus grands ennemis pouvoient y compter, lorfqu'ils faifoient une belle action.

Il fe fait un plaifir de rendre justice aux ennemis de la France; nulle prévention n'influë fur les jugemens; il admire la science militaire & les belles actions par tout où il les trouve. Il regarde Mr. de Vendôme comme un très-habile Général, qui réparoît en un moment les fautes qui lui échappoient quelquefois; mais dans le parallèle qu'il en fait avec Mr. le Prince Eugéne de

Savoye, il paroît décider en faveur de celui-ci, quoique fouvent battu par Mr. de Vendôme; il le met au deffus pour la difcipline militaire, & ne fait pas difficulté de l'appeller le Héros du Siécle. Il rend bonne juftice au Duc Marlborough, illuftre par ses victoires fur les François, & il fe fait un plaifir de remarquer les belles actions qui l'ont rendu l'admiration de l'Europe, quoiqu'il ne le trouve pas plus exemt que les autres grands-hommes des foibleffes inféparables de l'humanité. Le Comte de Schulembourg, le Comre de Staremberg, & le Marquis de Santa Cruz, lui paroiffent avoir fur-tout excellé dans la fcience de l'Infanterie, dont très peu d'Officiers connoiffoient la force. Ces habiles Généraux étoient dans les mêmes principes, quoique leurs fyftêmes ne fuffent pas entiérement les mêmes. La maniére de Mr. de Folard de faire combattre la Cavalerie, toujours foutenuë de l'Infanterie, n'eft plus, dit-on, de mode; mais elle n'en eft pas moins raifonnable. Les autorités dont il appuye fon fentiment, font des plus fortes, & il feroit difficile de leur en oppofer de capables de les contrebalancer. L'Amiral de Coligny, Henri IV. Roi de France & très grand Capitaine, Gustave-Adolphe Roi de Suéde, Mr. de Turenne, le grand Condé, & tant d'autres hommes dont la compagnie infpire la plus grande confiance à Mr. de Folard, puifque les petites Armées bien conduites les faifoient triompher des plus grandes. Ce n'eft, felon lui, ni le nombre, ni la brayoure des troupes qui affurent la victoire, mais la maniére de les. faire combattre, & la fcience du Général.

que ces

Le Polybe avoit paru avant les deux derniéres guerres, & Mr.. de Folard n'aiant plus rien donné au Public, n'a pu nous faire connoître ce qu'il penfoit des événemens considérables guerres ont produit. Il ne fe feroit pas contenté de célébrer les. actions du Maréchal-Duc de Belleifle & du Comte de Saxe qu'il eftimoit particuliérement, & qui penfoient comme lui en bien. des chofes. Il auroit rendu juftice avec la même équité aux Généraux étrangers, qu'il fe contentoit d'admirer avec fes. Amis, n'aiant plus la liberté d'écrire. Que n'eût il pas dit du fage & há

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bile Général Khevenhuler & de tant d'autres Généraux Allemans & Pruffiens qui fe font fignalés par tant de beaux faits d'Armes ? Surtout que n'eût-il pas dit du Roi de Pruffe, ce Héros du Nord, célébre par tant de victoires, dont il étoit moins redevable à la valeur de fes troupes, qu'à fes propres vertus militaires, à fon intelligence, & fa bonne conduite?

Il est tems de parler des grands fuccès de Mr. de Folard, & de la gloire qu'il a acquife par fon Ouvrage, unique en fon efpéce, & le plus beau qui ait paru fur la Guerre. Tout ce qu'il y a en France de gens eftimables pour les Sciences & diftingués dans les Armes, foit parmi les Généraux, foit parmi les Officiers particuliers, ont applaudi à un homme né pour illuftrer fa Nation, & lui montrer le véritable chemin de la gloire. Il nous apprend lui-même que les plus habiles Guerriers des autres Nations, Allemans, Anglois, Hollandois, avoient approuvé fon Ouvrage, & qu'il avoit dans le Nord un grand nombre de Profelytes, qui mettoient en pratique une partie des chofes utiles que fon Livre renfermoit. Nous nous contenterons de citer deux témoignages bien glorieux pour Mr. de Folard; l'un est celui du Comte Schulembourg, dont on trouve deux belles Lettres dans le premier & le cinquéme Tomes de Polybe; l'autre eft du Veldt Maréchal Comte de Starenberg, qui écrivit à notre Auteur qu'il penfoit comme lui fur les Principales parties de la Guerre & la véritable maniére de faire combattre l'Infanterie; que s'il étoit capable d'écrire fur la Science Militaire, il ne fuivroit point d'autres Principes que ceux qu'il établissoit dans son Commentaire fur Polybe; & que s'il avoit eu le bonheur de faire pendant fa vie quelque chose de louable, il le devoit à ces mêmes Principes, dont une longue expérience lui avoit appris à connoître la vérité. Mr. de Folard ne fit point imprimer cette Lettre; il fe contenta de la communiquer à fes bons Amis, furtout à celui de Hollande, en qui il avoit une entiére confiance.

Voici des fuffrages bien précieux & propres à confoler un homme moins fenfible à la perte de fa fortune, qu'à la gloire

Nouv.

fur la

VIII.

d'avoir mérité l'approbation de plufieurs grands Princes, plus refpectables encore par leurs lumiéres que par l'élevation de leur rang. En 1709. 1709. il eut l'honneur de préfenter à Mgr. le Dau-Découv. phin Duc de Bourgogne, le Projet de fon Ouvrage fur la Guer- Guerre, re. Ce Prince éclairé le lut & le trouva beau, encourageant l'Au-Chap. teur à exécuter fon entreprise. Un tel Protecteur affuroit à Mr. de Folard des ressources que la mort de ce grand Prince fit évanouïr avec les espérances de la France. Il s'en étoit fait connoître avantageusement pendant le Siége de Lille, par plusicurs beaux Projets qu'il préfenta, ou qu'il exécuta lui-même avec autant d'habileté que de courage. Il ne tint pas à lui que cette importante Place ne fût fecouruë, & Mr. le Duc de Vendôme y étoit résolu, mais la mefintelligence qui régnoit entre les deux Princes, & qui avoit déjà éclaté à l'affaire d'Oudenarde, mit obstacle à cette grande entreprise, dont on pouvoit espérer un heureux Succès. Les Armées furent en préfence, mais les François se retirérent sans tenter le fecours, comme on s'y attendoit. Mr. de Folard compofa une Relation de cette fameufe Campagne, & quoique tout dévoué à M. le Duc de Vendôme, il avoit fi bien ménagé les chofes, que les deux Princes à qui il préfenta la Pićce, en furent très fatisfaits. Ce morceau, que nous connoiffons par fes Lettres, doit fe trouver parmi les Papiers qu'il a laiffés à Mr. le Maréchal Duc de Belleille.

90.

En 1716. Mr. de Folard profita de la paix pour aller en Sué- Ibid. p. de, où le Roi Charles XII. l'avoit fait appeller. Il y paffa incognitò avec le Comte de la Marck, Ambassadeur de France. Il y porta tous les papiers fur la guerre, & ce qu'il avoit écrit fur Po lybe, dans le deffein de finir fon Commentaire fous les yeux du plus brave & du plus grand Capitaine de notre fiécle. Ce Monarque fit un accueil extraordinaire à un Guerrier dont il reconnut bientôt le profond génie, le vafte favoir, & les rares talens. Il le confulta fur diverses parties de la guerre,& voulut furtout en apprendre ce qui regardoit les Siéges & les Mines. Mr de Folard admiroit à fon tour les vertus & les rares connoiffances

de ce Prince, & il en faifoit fon profit. Il avoit pour lui une fi haute eftime, qu'il nous dit que quand il n'auroit mérité que l'approbation de cet illuftre Héros, il fe croiroit affez dédommagé de tous fes travaux. Il avoit presque achevé fon Polybe, qu'il devoit faire imprimer en Hollande, & dédier au Roi de Suéde. Enfin comblé des faveurs & des bienfaits du grand Charles XII. il partit, lui laiffant un neveu agé de quinze ans, qu'il avoit élevé avec grand soin. Ce jeune-homme fut le Page favori du Roi, qu'il ne quittoit jamais; il étoit à fon côté lorfque ce Monarque fut tué à Fréderikshal. C'est Mr. de Robert, Officier fort habile qui a fervi depuis dans le Régiment de Picardie. Le retour de Mr. de Folard ne fut pas heureux. S'étant embarqué à Gottembourg, il fit naufrage fur la côte de Jutland, & il eut de la peine à fe fauver nud en chemise. Il perdit avec les préfens du Roi, tous fes papiers, dont la perte lui fut très fenfible. Ce malheur ne le rebuta pas. En paffant à la Haye il dit à fon Ami qu'il alloit s'enfermer à Paris, & qu'il rétabliroit fon Polybe, ou qu'il mourroit à la peine: il tint parole fans fe rebuter d'un fi grand travail. Après avoir perdu le Roi Charles XII. il lui restoit une reffource dans la protection du Duc d'Orléans, Régent de France, à qui il dédia fes Nouvelles Découvertes fur la Guerre. Prince qui aimoit les Sciences, & dont le génie fupérieur s'étendoit à toutes, avoit connu en Italie Mr. de Folard, & distingué fon rare mérite: il prenoit plaifir à s'entretenir avec lui fur tout ce qui regardoit la guerre. Il ne vécut pas affez longtems pour aider dans fon entreprise, un homme qui avoit befoin de fa faveur pour l'éxécuter. Il en vint à bout malgré une infinité de traverses & d'obstacles qui ne fervirent qu'à lui faire honneur.

Ce

A peine le Polybe cut il paru que de tous côtés on rendit justice au profond favoir de l'Auteur. Mr. le Comte de Saxe fon Ami le fit connoître à la Cour de Dresde, où il se trouvoit alors. Le Roi de Pologne Augufte II. qui entendoit parfaitement la guerre, fit affembler le magnifique Camp de Mulhberg, où il invita le feu Roi de Pruffe. Là fous les Là fous les yeux de ces deux Princes

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