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guerriers, on exécuta toutes les évolutions militaires dont il est parlé dans le Polybe, qu'ils avoient entre les mains. Le fuccès en fut très grand, & Mr. le Comte de Saxe eut ordre de remercier Mr. de Folard de la part des deux Rois. Quel triomphe pour lui, & en même tems quelle humiliation pour fes envieux & fes ennemis, animés contre fon Livre & contre fa perfonne!

Nous avons ajouté aux fix volumes du Polybe un Supplement, qui en fait le Tome VII. dont nous allons parler en peu de mots. On a placé à la tête les Nouvelles Découvertes fur la Guerre, où l'on trouve l'Hiftoire du Polybe, & le précis du Syftême de Tactique de Mr. de Folard; & comme il les cite fouvent dans fon grand Ouvrage, nous avons cru qu'on feroit bien aife de l'y trouver joint. Mais nous en avons retranché le Traité de la Colonne, qui est déja à la tête du Tome I. avec des corrections importantes. Par exemple, il avoit mis d'abord un cinquiéme de Pertuifanes pour fraizer fa Colonne, & il n'en a mis enfuite qu'un feptiéme, pour contenter ceux qui le blâmoient de vouloir trop diminuer le feu de l'Infanterie.

On trouve enfuite une Lettre critique fur le Polybe. Elle est de Mr. Merfon, vieux Officier François au fervice des Etats, qui avoit trop de mérite lui-même, pour ue pas rendre justice à celui de Mr. de Folard, & à fon habileté dans la Science de la guerre. Cette Piéce, qui eft fort polie, avoit paru dans la Bibliothèque Françoise.

Voici un Ouvrage plus confidérable, que plufieurs perfonnes de France nous ont priés de faire reparoître ici, quoique d'autres ne fuffent pas de cet avis. Ce font les Sentimens d'un Homme de Guerre fur le Polybe de Mr. le Chevalier de Folard, qui parurent fucceffivement en quatre Lettres, qui ont eté attribuées à un Officier Suiffe, Major-général au service des Etats-Généraux. On voit qu'il ne penfe pas en bien des chofes comme l'Auteur François, surtout sur fa Tactique & fa Colonne qui en est la base. Il paroît que l'Auteur ne connoît pas affez bien la Colonne pour en parler. Il la compare à la Phalange des Grecs, dont elle étoit très-différente. La Colonne peut agir dans toutes fortes de Tome I.

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fituations, au-lieu que la Phalange ne pouvoit agir que fur un terrain uni. D'ailleurs elle n'avoit d'autres armes que la Pique, dont la longueur l'embarrassoit, au- lieu que la Colonne n'a qu'un feptiéme de Pertuifanes, plus commodes & plus facilės à manier que la Pique. Le refte eft armé de Fufils & de Bayonnettes. Il fait confifter la principale force de l'Infanterie dans fon feu; Mr. de Folard dans l'arme blanche, lorsque l'on peut joindre l'Ennemi fans obstacle. Il foutient qu'on réuffira mieux en effuyant le premier feu, & en abordant l'Ennemi brufquement. Mr. de Folard eft perfuadé que cette méthode convient mieux aux François que toute autre & il affure qu'ils l'ont toujours fuivie avec fuccès. L'Auteur Critique fait contre le nouveau Systême plufieurs objections, qu'on a prévenuës dans le Polybe, où l'on en trouve les réponses. Mr. de Folard a eu raifon de s'en plaindre, mais avec grande politeffe. Il n'a pas été plus content de le voir débiter gravement, comme de fon propre fonds, des chofes bonnes & utiles qui fe trouvent bien mieux dans le Polybe, fans en faire honneur à celui qui y avoit penfé le premier. Tout ce qu'il dit de la Cavalerie, & fur la néceffité de la mêler avec l'Infanterie, pour la faire combattre avec avantage; tout cela appartient à Mr. de Folard. Permis à l'Officier Suiffe de croire que c'eft la Cavalerie qui gagne les batailles en plaine, & qu'il n'est pas possible à l'Infanterie de lui résister fi elle eft enveloppée. On voit le contraire dans le Polybe.

Enfin on voit ici la Réponse de Mr. de Folard aux deux Officiers Hollandois, telle qu'elle parut dans le Tome XVI. de la Bibliothéque Françoife. Cette Piéce eft remplie de marques d'eftime pour ces deux Meffieurs & pour toute la Nation Hollandoife, dont il louë fort l'Infanterie & la Difcipline Militaire. Lorsqu'il la donna il n'avoit encore vû que les deux premiéres Lettres des Sentimens d'un Homme de Guerre, mais il ne jugea pas devoir y répondre, & il ne voulut pas permettre à Mr. de Robert fon neveu de le faire pour lui. Il crut ne devoir pas s'engager plus avant dans cette querelle, & que l'approbation des plus grands Guerriers de

l'Europe le dédommageoit affez de celle qu'il ne pouvoit obtenir d'un homme dont il avoit trop eftimé les lumières.

Nous avions espéré d'enrichir ce Supplément de quelque Ouvrage pofthume de Mr. de Folard fur la Guerre, furtout des Obfervations importantes dont le Tome VI. devoit être accompagné. Il nous apprend lui-même qu'elles étoient presque finies, lorsque des ordres fupérieurs l'obligérent de les fupprimer. Il avoit promis de les envoyer en Hollande, avec les Mémoires de fa vie, qui ne devoient paroître qu'après la mort, avec quelques Piéces très-curieuses. Il oublia fes promeffes, & légua l'année derniére tous les Papiers à Mr. le Maréchal-Duc de Belleifle; & comme l'Ami de Mr. de Folard a l'honneur d'en être particuliérement connu, il lui écrivit pour tacher d'en obtenir quelque chose pour nous. Voici partie de la Réponse de ce Seigneur, qui nous laiffe peu d'espérance pour le présent.

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» Je partage plus que perfonne, Monfieur, votre affliction de la perte du Chevalier Folard, dont je connoiffois de longue main tout le mérite & les talens. Il eft vrai qu'il avoit projetté de retoucher & d'ajoûter à fon Polybe, mais je doute qu'il ait ,, eu le tems de rien rédiger par écrit fur cet objet, & je n'ai pas encore eu celui de vérifier, fi dans les papiers de toutes efpéces, en plus grande partie informes & découfus qu'il m'a laiffes, il », s'y trouve rien qui y puiffe être adapté; moyenant quoi je deses», pere de pouvoir contribuer, comme je le voudrois, à enrichir la nouvelle Edition que je vois qu'on a commencé à metfous preffe, &c. &c. &c.

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Outre les Ouvrages dont nous avons fait mention ci-deffus, on que Mr. de Folard avoit travaillé fur les Commentaires de Céfar, & que les matériaux étoient prêts depuis longtems pour une nouvelle Edition de cet Auteur. Il vouloit aufli nous donner la Difcipline Militaire des Grecs & des Romains, & y joindre une Difcipline Militaire Moderne, accommodée aux Mœurs & aux Ufages de notre tems. Mr. de Folard mourut l'année derniére à Avignon fa Patrie, âgé de 80. ans.

LETTRE

DE MONSIEUR LE

CHEVALIER DE FOLARD,

L

à Mr. D. S.

A Paris le 12. Janvier 1729%

A lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, mon cher Monfieur, eft venue dans un tems fâcheux pour moi, où l'on n'a guére l'efprit libre. Elle n'a pas laiffé de me faire beaucoup de plaifir, je vous affure. J'ai fini & commencé l'année dans cet état. Je ne vous fouhaite pas une fin ni un commencement d'année pareil au mien. La Philofophie, fert beaucoup, mais cela n'empêche pas que je ne croye que la douleur & les chagrins ne foient deux grands maux; m'en voilà pourtant délivré; il ne refte que l'avenir qui m'inquiéte un peu, car les gens auxquels j'ai affaire ne font pas peu redoutables. Les Héros aiment la vengeance de quelque nature qu'elle puiffe être, du moins ceux qui ne font pas arrivés au plus haut degré de l'Héroïfme; car ceux qui l'ont atteint, ne fe faiffent pas aveugler par leurs paffions. Ces Héros font rares, & ne font pas de ce fiécle-ci ni de l'autre; il faut remonter pour le moins deux fiècles révolus, & même au-delà.

Pour vous tirer au-plutôt de peine, Monfieur, je vous apprendrai que j'ai été attaqué par deux miférables Auteurs crottés, l'un eft celui de la miférable Ecole de Mars, dont l'Edition eft encore toute entiére chez le Libraire, & l'autre eft l'Hiftorien bas & flatteur de l'Hiftoire Militaire de LOUIS LE GRAND. Je me fuis un peu moqué de ces deux Meflieurs dans mon Livre. Vous me direz peut-être qu'ils n'en valoient guére la

LETTRE DE MONSIEUR LE CHEVALIER, &c. XXI peine, & que j'aurois pu employer un peu mieux mon tems, auffi bien que contre ce vieux radotteur de Barras, fi riche & fi abondant en expreffions de Comité ou de Forçats dans fes admirables Brochures. Je faifois un peu plus de cas des deux premiers, mais aujourd'hui j'en fais un beaucoup moindre. Quand je vous tiens ce langage, ce n'est pas fans de grandes raifons. Ces deux malhonnètes gens ont ufé de repréfailles. Ils n'ont pas cru devoir s'amufer à une Critique, ils ne fe font pas trouvés en état de la faire; ils s'y font pris d'une autre façon, ils ont extrait de mon Livre tout ce qu'il leur a plu. D'ufer de bonne foi, ils n'euffent rien trouvé qui pût les fatisfaire; ils ont fuivi la belle méthode des Journalistes de Trévoux, aufli ont-ils eu besoin de leurs confeils, & ils les ont affez bien fuivis; car je jurerois bien fans craindre de faire un parjure, que ces gens de bien ont attifé le feu, & ont laissé au Sr. Guignard, qui eft le feul qui ait paru, à l'entretenir. Celui-ci aidé de l'autre a fait un Ouvrage manufcrit de plus de 300. pages, l'a préfenté à Mrs. les Maréchaux de France fous le titre de Dénonciation, où mon Livre & ma perfonne ne font pas épargnés, & de la manière du monde la plus indigne & la plus lâche. Vous ne fauriez vous imaginer qui a pouffé ces gens-là à une fi méchante action, jufques ici fans exemple dans des Gens de guerre, fi on peut mettre en ce rang un Hiftorien Militaire qui n'a jamais fait qu'une campagne en fa vie, & qui fut fait Brigadier en cette confidération; & l'autre n'a jamais fait la guerre que daus un nouveau Régiment. Ces deux gens de bien m'accufent dans leur Piéce d'avoir calomnić toute la Terre, & la Nation même, & fe font fervis de tous les actes de mauvaise foi & de toutes les rufes dont les Journalistes de Trévoux ignorans & malins fe fervent pour fe divertir & fe venger de ceux qu'ils n'aiment pas, ou qui les méprifent; & ceux-là font toujours les plus honnêtes gens de la République des Lettres. Ces deux méchans Auteurs ont fuivi cette route; & fe font fait comme un point d'honneur de fe deshonorer. Ils ont affez bien réuffi. Ils ont falfifié & corrompu tous les paffages de mon Livre de la manière du monde la plus groffiére & la plus maligne, s'imaginant qu'ils feroient crus comme Evangile, & que perfonne ne s'aviferoit de chercher s'ils en ont ufé de bonne foi. Cette belle Piéce fut préfentée au Maréchal de Villeroi; mais comme il eft vieux & infirme, elle fut renvoyée. au Maréchal de Villars, qui eft fàché contre moi pour avoir dit fur la foi d'une Patente du Roi, que le Préfident le Fevre d'Orval étoit l'auteur du Projet de Denain. Ce péché eft. irrémiffible, malgré les éloges verfés à pleines mains dans mon Livre. On opina d'abord à. s'affurer de ma perfonne, mais cela parut trop violent; & l'on crut. bien fi Mrs. les Maréchaux de France s'affembloient, on penferoit tout autrement, & qu'il faloit auparavant examiner fi j'étois cou

que

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