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tems-là, nous inftruira des véritables raifons qui ont fait naître entre les Romains & les Carthaginois cette guerre fanglante qu'ils fe font faite du tems d'Annibal: éclairciffement qui donnera aux curieux d'autant plus de fatisfaction, que ni les Hiftoriens, ni même les deux partis oppofés, ne font d'accord fur ce point.

OBSERVATIONS
Sur la guerre d'Eryce.

S. I.

Que la plupart des hommes ne jugent du mérite des guerres qu'autant qu'elles font grofJes, & les armées de part & d'autres puiffantes en appareil & en nombre d'hommes.

L faut être connoiffeur pour juger fainement & folidement du mérite des guerres I que rapportent les Hiftoriens tant anciens que modernes. Je connois très-peu de gens qui en foient capables, & dont le goût ne foit de travers fur ce point. Le plus grand nombre de ceux du métier, pour ne pas dire prefque tous, qui lifent les uns & les autres, ne font cas que des groffes guerres, que des guerres de grand appareil. Ils ne s'accommodent pas des petites, elles ne rempliffent pas affez leur imagination & leur curiofité, quoique nous foions très-convaincus qu'il y a beaucoup plus de profit à faire, & plus de moiens de s'inftruire & de parvenir au grand de la guerre dans celles-ci, que dans les autres: au moins c'eft où l'on connoît plus particuliérement & plus fùrement ce que valent les hommes.

Ce que je trouve de bien furprenant, c'eft que tout fe réduit au petit dans la décifion des batailles entre deux grandes armées, parce qu'il fe trouve affez rarement des plaines capables de contenir de fi prodigieufes forces en bataille; de forte que dans une action, la plus grande partie demeure inutile, pendant que le petit nombre décide du tout dans le terrain qu'il peut remplir de part & d'autre. Si l'on m'objecte que chacun des deux partis combattra fur plufieurs lignes redoublées qui fuccéderont les unes aux autres dans le combat, c'eft fuppofer une chofe qui n'arrive prefque jamais, & dont nous n'avons même aucun éxemple dans les Anciens. On peut bien s'imaginer que les Modernes ne nous en fourniront pas non plus. Deux lignes peuvent bien fe fuccéder, c'eft-à-dire la feconde à la premiére, qui n'aura pû réfifter au choc de celle qui lui eft oppoféc. Comme cela s'eft vû à la bataille de Lens, c'est un de ces phénoménes militaires qu'il n'appartient qu'au grand Condé de faire paroître; car fa premiére ligne fut totalement défaite. Je paffe une ligne renverfée & battue, & le mal réparé par la feconde; mais une troifiéme, une quatriéme, ou une cinquiéme qui raccommode tout, & qui remporte la victoire après la déroute des quatre autres, voilà ce que nous n'avons jamais vû ni qui dire. Les Romains nous fourniflent quelques éxemples des Haftaires & des Princes battus, mais non pas totalement; ils fe remettent de leur défordre à la vûe des Triaires. Les Modernes ne nous en fourniffent aucun, la raifon en eft évidente: c'eft qu'il s'en faut bien que nos loix militaires ne foient aufli parfaites que celles des Romains. C'est tout ce qu'on peut demander de la difcipline la plus éxacte, du courage & de l'ex

périence du foldat; il faut de tout cela pour le rendre capable de femblables manœuvres. Quelle conduite, quel fang froid dans l'action, & quelle capacité ne faut-il pas dans un Général qui fait combattre de la forte!

Quoique nous nous fuffions rangés fur cinq ou fix lignes en deçà de la trouée de Malplaquet, & que nous en euffions formé tout autant à notre gauche, vis-à-vis & le long du bois, il n'y a qui que ce foit de ceux qui s'y font trouvés comme moi, qui ofe me foutenir qu'elles ont toutes combattu. Il y eut beaucoup de fpectateurs d'une très-grande volonté, & peu de ceux qui la fatisfirent. La Maifon du Roi fe fit prefque toute affommer, & chargea toujours fans ceffe & fans relâche, fans qu'on penfat à faire fuccéder de nouvelles lignes à cette premiére, qui foutint tout l'effort & toutes les charges des corps ennemis: après que l'infanterie, qui bordoit le retranchement de la trouée d'entre les deux bois, eut quitté partie fans trop grand fujet, ou pour mieux dire fans aucun. Ailleurs l'infanterie, fi l'on en excepte deux ou trois corps de la gauche, donna toutes les marques du courage le plus intrépide, fans qu'on s'apperçût qu'on fit combattre les corps tour à tour. On oublia auffi les dragons, car les dragons ne doivent pas être, & ne font pas des cavaliers, mais proprement de l'infanterie à cheval, pour courir au plus preffe, & s'y tranfporter plus promptement. C'est mal, ce me femble, de nous les donner en titre de cavalerie.

Les ennemis formérent plus de douze lignes redoublées dans la trouée, après nous avoir chaffé du bois, où nous avions notre gauche, par la fupériorité de leur nombre, & la faute de quelques régimens qui lâchérent le pied. Celui qui prétendra que ces lignes fe font fuccédées les unes aux autres, ne s'eft pas trouvé à cette bataille, ou s'y est trouvé fans la voir.

On pourroit démontrer, par un bon nombre d'éxemples tirés de la guerre de 1701. où l'on vit des armées formidables de part & d'autre, que dans prefque toutes les actions qui fe font paffées, ce n'eft pas le grand nombre qui a remporté la victoire. A-ton remarqué que le combat ait couru d'une aile à l'autre, & fur tout le front d'une ligne? Combien de corps de cavalerie & d'infanterie font reftés les bras croifés à Hochftett, à Ramilies, à Oudenarde, & prefque par tout comme à Malplaquet? La cavalerie, dont on eft aujourd'hui fi fort entêté, & dont on reviendra quand nous reviendrons à notre bon fens, a-t-elle été d'un plus grand fervice en Flandre & en Allemagne ? La France a-t-elle jamais mis fur pied de plus grandes armées que celles qui ont paru fous le régne de Louis le Grand, & particuliérement dans la derniére guerre, qui a fermé fon régne? Les Alliés contre la France ont-ils fait de moindres efforts? Ils en ont même fait de plus grands. Les victoires ou les défaites ont-elles dépendu du grand nombre? Remontons deux, trois, quatre fiécles plus haut, pouffons fi l'on veut jufqu'aux plus reculés, on verra la même chofe, ou peu s'en faut. Je ne citerai qu'un éxemple. Dans la derniére bataille qui décida de l'Empire des Perfes entre Aléxandre & Darius, celuici avoit une armée fi nombreufe & d'une difproportion fi grande à celle du premier, que cela femble inconcevable. On ne peut s'empêcher d'en être furpris dès le premier coup d'œil. Les gens qui s'imaginent que le nombre fait tout, tombent dans l'admiration: il ne fit pourtant rien. L'a-t-on bien remarqué? Dans cette grande bataille, comme dans celle qui la précéda, qui donna le branle & la premiére fecoufle au renversement de ce vafte Empire, le terrain ne permettoit pas que les Perfes s'étendiflènt beaucoup au-delà du champ de bataille de l'armée Macédonienne, & l'on remarqua, comme cela fe remarque prefque toujours, qu'une partie donnoit tandis que l'autre reftoit fpectatrice de toute une journée, & fans rien faire; car de ce million d'hommes à peine y en eut-il cent mille qui chargeaffent: au lieu que tout fe remue & tout agit dans les petites armées bien conduites & bien ordonnées : c'est-à-dire lorfque dans la crainte d'être tourné

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& envelopé par les troupes qui furpaffent nos ailes, on affure & on couvre fes flancs par quelque avantage naturel, ou par celui de l'art. Aléxandre ne craignant rien à fa gauche, ne fongea qu'à couvrir fa droite, où l'ennemi pouvoit replier. Il la fit foutenir d'une feconde ligne, dont les Chefs avoient ordre, s'ils étoient inveftis à cette aîle, de faire tête de ce côté-là, & de former une potence; ce qui ne pouvoit être autrement.

L'Hiftoire nous fournit un grand nombre de faits très-remarquables contre les admirateurs & les partifans des grandes armées, & contre ceux qui ne font jamais affez forts. Quel moien de les guérir de leur erreur, & de les réduire au fentiment le plus raisonnable? Il feroit difficile d'en venir à bout: il leur faut néceflairement des armées tout au moins de cent mille hommes: fi le nombre en eft plus grand, les guerres leur paroiffent plus recommandables, & les Généraux plus habiles. Dans la même guerre d'Aléxandre contre Darius, il n'y a rien d'admirable & de furprenant que la puiffance d'un Roi de Perfe, & le prodigieux nombre de fes troupes. Cela étonne d'abord, l'on jette enfuite les yeux fur le victorieux, on le regarde comme le plus grand homme du monde; on eft faifi d'admiration, quoiqu'il n'y ait pas grand fujet. Contre qui a-t-il combattu? Contre une multitude d'hommes & peu de foldats, & infiniment moins qu'il n'y en avoit dans l'armée Gréque. Ce qui diminue encore la gloire d'Aléxandre, c'eft cette prodigieufe facilité qu'il trouva à vaincre ces nations Afiatiques molles & efféminées, qui combattoient fans aucun art & fans difcipline. Ce qu'il y a encore de plus facheux pour fa gloire, c'eft qu'il fe trouve avoir en tête un Général qui ne fut jamais l'ombre d'un Capitaine médiocre. Quels embarras! quels obftacles! quelle valeur le Grec a-t-il à furmonter? Ces Perfes étoient-ils bien dignes d'un Capitaine, & d'une milice intrépide comme celle qu'il commandoit? N'eût-elle pas acquis une renommée & une gloire plus inconteftable en Occident qu'en Orient? Céfar, dans la bataille qu'il gagna contre Phamaces avec une rapidité, qui produifit la lettre fameufe qu'il écrivit à Rome après cette victoire, Veni, vidi, vixi: Céfar, dis-je, envioit à Pompée, & aux autres Généraux des armées Romaines, le bonheur d'avoir acquis tant de gloire à fi bon marché en Orient. C'étoit bien toute autre chofe en Occident. Voilà les Turcs qui font aujourd'hui la conquête de la Perfe, quelle facilité ne rencontrent-ils pas? Qu'ils viennent en Occident, ils trouveront à qui parler avec leurs forces innombrables. Car que peut le nombre contre la valeur inftruite, contre un plus grand art, & des armes plus avantageufes, qui fuppléront au défaut du nombre?

Selon les partifans des grandes armées, la guerre d'Eryce & celle contre les rebelles d'Afrique, dont nous parlerons dans ce premier Livre, font d'une très-petite confidération. Celle du Peloponéfe eft felon cux peu digne de Thucydide, qui nous l'a donnée, quoiqu'elle nous offre des Capitaines, dans l'un & l'autre parti, d'une intelligence profonde & d'une expérience confommée; mais comme ils commandent de petites armées, & dont les plus fortes vont à peine à vingt mille hommes, ils paffent pour trèsmédiocres dans leur imagination. Que penfer de cela? Un homme eft-il plus habile, & fe rend-il plus digne de notre eftine & des cornets de la renommée, parce qu'il marche en plus grand appareil & en plus grand équipage? Je fai que les grands fujets, & les événemens extraordinaires, qui décident des grandes Monarchies, font plus d'impreffion, & plaifent beaucoup plus à l'efprit. Cela vient de leur rareté; mais font-ils de quelque inftruction pour les gens de guerre? D'aucune: fans remonter plus haut, on fait les conquêtes de Cyrus, d'Aléxandre le Grand, de Mahomet, de Gingifcan, de Timur-Bec: y a-t-il beaucoup à apprendre? Quel profit peut-on faire de la conduite de ces Conquérans? Ce font pourtant des Conquérans, des torrens impétueux qui inondent, qui fe débordent & qui s'épandent fur toute l'Afie, jufques dans les Indes, & qui pour le moins valent bien Aléxandre, qui furmonte tout fans aucune ré

Giftan

fiftance; au lieu que ces premiers trouvent des hommes en leur chemin, & des hommes très-redoutables.

Ces fortes de guerres, ces armées innombrables, & les événemens prodigieux qu'elles produisent par le bouleversement de plufieurs Monarchies, plaifent & amufent comme les Romans, & les Romans comme les Hiftoires de ces fameux conquérans, inftruifent peu les gens de guerre. Il y a par tout à apprendre dans les petites guerres, & c'eft dans celles-ci uniquement que la fcience & l'intelligence paroiffent le plus particuliérement: il faut même plus de l'une & de l'autre que dans les grandes, dont le nombre fait tout le mérite. On apprend infiniment dans la guerre du Peloponéfe, qui faifoit toute l'étude de Charles-Quint, & qu'il lifoit fans ceffe. On s'inftruit beaucoup plus encore dans les deux de Barcas. Nous trouvons beaucoup plus à profiter dans la guerre de Céfar contre Afranius, que dans les trois meilleures campagnes d'Aléxandre le Grand en Afie: celle du même Céfar auprès de Dyrrachium, ou pour mieux dire, celle qui décida de l'Empire Romain contre Pompée, eft encore un très-grand fujet d'admiration. La campagne de M. de Turenne de 1674. vaut bien une des plus belles de Céfar. Celle de l'année fuivante, qui fut la derniére de ce grand homme, fut fon chef-d'œuvre. Elle eft comparable à celle d'Afranius. Décidons, fans être trop hardi, elle cft au-deffus.. Car cet Afranius, quoique fort habile, ne valoit pas Montécuculi: celui-ci étoit digne d'être oppofé à Céfar, & non pas l'autre. Il le fut à M. de Turenne, quelle campagne! Je n'en vois point de fi belle dans l'antiquité ; il n'y a guéres que les experts dans le métier qui puiflènt en bien juger. Combien d'obftacles réciproques à furmonter! Combien de chicanes, de marches & de contre-marches, de variations d'armes & de manovres profondes & rufées! C'eft en cela feul que l'on reconnoît les grands hommes, & non dans la facilité de vaincre, & dans le prodigieux nombre de troupes qui combattent des deux côtés.

Il y a peu de maximes de l'invention de nos Modernes qui ne clochent dans quelqu'un de leurs membres. Dieu n'eft pas plus pour les gros efcadrons contre les petits, que pour les petites armées contre les grandes. Il y a mille éxemples de cette vérité, & pour le moins autant pour les petites que pour les grandes. Henry le Grand, & M. de Turenne, ont été plus heureux qu'aucun des Modernes ; ils étoient comme infpirés, leurs maximes font des oracles. Celui-ci difoit qu'une armée, qui paffoit cinquante mille hommes, devenoit incommode au Général qui les commandoit, & aux foldats qui la compofoient. Rien n'eft plus judicieux & plus vrai que cette maxime. Les mauvais Généraux cherchent toujours à réparer par le nombre le défaut de leur courage & de leur intelligence; ils n'ont jamais affez de troupes, quoique l'ennemi en ait moins. Ils épuifent toutes les garnifons d'une frontiére, & les vivres tout en même tems, pour groffir leurs armées, & gagner l'avantage du nombre, & l'avoir bien audelà; ils donnent envie à l'ennemi d'affiéger ces places, & font voir en même tems qu'ils fe défient de leur capacité; & s'ils ne font rien avec des forces fi fupérieures, ils nous font juger que c'eft à bon droit qu'ils fe rendent juftice, & que leur hardieffe n'eft pas telle qu'ils la vantoient.

Un Général, qui trouve un tel antagoniste en tête, quoique plus foible, ne doit jamais l'éviter, & encore moins le ménager; il en aura raifon par le ftratagême & par les chicanes qu'il peut lui oppofer, car la foibleflè vive & agiflante eft une espéce d'offenfive comme elle cherche à éviter fon ennemi, elle trouve toujours des poftes qui lui font avantageux & favorables contre la fupériorité du nombre. C'étoit le grand principe de Zifca, qui fe réfervoit toujours la liberté de profiter de l'occafion, ou de la faire naître, & de n'en fournir aucune à fon ennemi.

Quels efforts ne fit-on pas? quelles prodigieufes forces ne mit-on pas en campagne
Tome I.
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pour réduire ce grand Capitaine, qui a la hardieffe, avec une armée de vingt à vingtcinq mille hommes, d'en attaquer cent mille, de les battre, ou de les diffiper par la feule terreur de fon nom? On voit peu de grandes armées qui réuffiffent lorsqu'on fe défend bien, elles fe diffipent d'elles-mêmes; l'on voit bientôt la confusion & le défordre s'y introduire par la faute de paie, par la difette & les maladies, leur propre grandeur entraîne leur ruine.

Cet article des grandes armées me tenoit au cœur depuis longtems, je l'ai déchargé d'autant, la guerre d'Eryce m'en aiant fourni l'occafion; je ne pouvois fupporter que l'on ne s'apperçût pas que les armées peu nombreuses des deux côtés, font les plus favantes & les plus inftructives.

Je ne vois aucun de nos Auteurs militaires qui ait traité une matiére fi importante, ni aucun du métier ou autre qui n'ait été plus touché, & qui n'ait fait plus de cas des guerres d'Alexandre, & des autres Conquérans à groffes armées, que de celles des Capitaines qui n'en ont jamais commandé que de médiocres.

Nous nous fommes apperçûs, par les entretiens que nous avons fi fouvent eus, & que nous avons tous les jours avec un nombre d'amis & de Savans militaires François & étrangers, qu'ils étoient autant épris & autant admirateurs des groffes guerres que nous le fommes peu. La raifon de cela eft, qu'ils avoient négligé de lire les Hiftoriens qui ont écrit des guerres qui fe font paffées entre les peuples de la Gréce. Ils fe défirent bientôt de leurs préjugés, lorfque nous leur fîmes voir qu'il y avoit tout à admirer & tout à apprendre dans celles-ci, & très-peu dans les grandes, comme nous l'avons fi fouvent répété. Nous leur indiquâmes les Hiftoriens qui en ont écrit, entr'autres Thucydide & Xenophon, comme les feuls, où il falloit puifer les connoiffances pour la conduite des guerres d'une nature toute différente de celles des Conquérans à puissance formidable. Ils ont reconnu, par l'étude qu'ils en ont faite, que nous avions eu très-grande raifon de leur dire que c'étoit à ces fortes de guerres qu'il falloit uniquement s'attacher, les lire & les méditer avec d'autant plus de foin; qu'elles font toutes de conduite & d'un détail tout à fait extraordinaire par rapport aux lieux, aux difficultés, & aux chicanes que deux habiles Chefs d'armées s'opposent l'un à l'autre, & dout chacun tâche de profiter par la science & par l'expérience. L'on voit dans ces Auteurs tout ce que l'art peut imaginer & inventer de rufes & d'artifices dans l'attaque comme dans la réfiftance, les divers poftes qu'on occupe, & les différens mouvemens & campemens qu'on eft obligé de faire pour rendre inutiles ceux de l'ennemi. Pour faire la guerre fur ces principes, il faut l'avoir bien étudiée & pratiquée longtems.

Ces fortes de camps & de poftes favorables pour tirer la guerre en longueur. fe rencontrent par tout dans les païs mêlés, & dans ceux de montagnes & de défilés; mais les Généraux capables de les connoître, les Amilcars, les Fabius, les Céfars, les Zilcas, les Turennes, & les Starembergs font très-rares en tous tems & en tous lieux, parce que cela dépend de l'efprit, de la science & du coup d'œil; qualités qui doivent toujours marcher enfemble & de conferve. Mais qu'eft-ce que ce coup d'œil, dira quelqu'un? s'apprend-t-il? Nous foutenons qu'il s'apprend; c'eft ce que nous allons démontrer dans les deux paragraffes fuivans: la matiére eft un peu féche, mais nous tâcherons de l'égaier; car le dogme a befoin de beaucoup d'artifice & d'un grand art; il veut être orné & paré, l'inftruction fe cache fous ces dehors, & nous l'aimons enfuite indépendamment de la parure.

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