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S. II.

Que le coup d'œil militaire produit le grand & le beau d'une guerre. Qu'il peut s'acquérir par l'étude & l'application. Erreur de ceux qui prétendent que c'est un préfent de la nature.

'Eft le fentiment général que le coup d'œil ne dépend pas de nous, que c'eft un préfent de la nature, que les campagnes ne le donnent point du tout, & qu'en un mot il faut l'apporter en naiffant, fans quoi les yeux du monde les plus perçans ne voient goute, & marchent dans les ténébres les plus épaiffes. On fe trompe, nous avons tous le coup d'œil, felon la portion d'efprit & de bon fens qu'il a plû à la Providence de nous départir. Il naît de l'un & de l'autre, mais l'acquis l'affine & le perfectionne, & l'expérience nous l'affure. On voit par les actions & la conduite d'Amilcar, qu'il l'avoit très-bon & très-fin, parce qu'il poffédoit toutes les qualités qu'on demande pour le coup d'œil, & dans le plus haut point de perfection, où peut-être jamais Général les ait pouffées, comme on le peut remarquer dans cette guerre d'Eryce, & plus encore dans celle des foldats rebelles d'Afrique.

Avant que d'entrer dans l'explication de la méthode dont on peut fe fervir pour acquérir ce talent, qu'on croit fauffement être un don de la nature, il eft néceffaire d'en donner la définition. Le coup d'œil militaire n'eft autre chofe que l'art de connoître la nature & les différentes fituations du païs où l'on fait, & où l'on veut porter la guerre, les avantages & les défavantages des camps & des poftes que l'on veut occuper, comme ceux qui peuvent être favorables ou défavantageux à l'ennemi. Par la pofition des nôtres, & par les conféquences que nous en tirons, nous jugeons fûrement alors des deffeins préfens, & de ceux que nous pouvons avoir par la fuite. C'eft uniquement par cette connoiffance de tout un païs, où l'on porte la guerre, qu'un grand Capitaine peut prévoir les événemens de toute une campagne, & s'en rendre pour ainfi dire le maître; car jugeant par ce qu'il fait de ce que l'ennemi doit néceffairement faire, obligé qu'il eft par la nature des lieux à fe régler fur fes mouvemens pour s'opposer à fes deffeins, il le conduit ainfi de camp en camp, & de pofte en pofte, au but qu'il s'eft proposé pour vaincre. Voilà en peu de termes ce que c'eft que le coup d'œil militaire, fans lequel il eft impoffible qu'un Général puiffe éviter de tomber dans une infinité de fautes d'une extrême conféquence; en un mot, il n'y a rien à espérer pour la victoire, fi l'on eft dépourvû de ce qu'on appelle coup d'oeil à la guerre; & comme la fcience militaire eft de la nature de toutes les autres, qui demandent l'ufage pour les bien pofféder dans les différentes parties qui la compofent, celle dont je traite ici eft une de celles qui demandent la plus grande pratique.

Philopomen, un des plus grands Capitaines de la Gréce, qu'un illuftre Romain appella le dernier des Grecs, avoit un coup d'œil admirable: on ne doit pas le confidérer en lui comme un présent de la nature, mais comme le fruit de l'étude, de l'application, & de fon extrême paffion pour la guerre. Plutarque nous apprend la méthode dont il fe fervit pour voir de tout autres yeux que de ceux des autres pour la conduite des armées. Le paffage mérite d'être rapporté.,, Il écoutoit volontiers les difcours, & lifoit les traités des Philofophes, dit l'Auteur Grec: non tous, mais feulement ceux qui pouvoient l'aider à faire des progrès dans la vertu. De toutes les grandes idées d'Homére, il ne cherchoit & ne retenoit que celles qui peuvent éguifer le courage, & porter ,, aux grandes actions. Et pour toutes les autres lectures, il aimoit fur tout à lire les ,, traités d'Evangelus, qu'on appelle les Tactiques, c'est-à-dire l'art de ranger les trou

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,, pes en bataille, & les Hiftoires de la vie d'Alexandre: car il penfoit qu'il falloit tou,,jours rapporter les paroles aux actions, & ne lire que pour apprendre à agir; à moins ,, qu'on ne veuille lire feulement pour paffer le tems, & pour fe former à un babil infructueux & inutile. Quand il avoit lû les préceptes & les régles des tactiques, il ne faifoit nul cas d'en voir les démonftrations par des plans fur des planches, mais il en faifoit l'application fur les lieux mêmes & en pleine campagne. Car dans les marches il observoit éxactement la position des lieux hauts & des lieux bas, toutes les cou,, pures & les irrégularités du terrain, & toutes les différentes formes & figures que les bataillons & efcadrons font obligés de fubir à caufe des ruiffeaux, des ravins & des défilés qui les forcent de fe refferrer ou de s'étendre; & après avoir médité fur cela ,, en lui-même, il en communiquoit avec ceux qui l'accompagnoient. En général il ", paroît que Philopomen avoit une inclination trop forte pour les armes, qu'il embraffoit la guerre comme une profeffion qui donnoit plus d'étendue à la vertu; & en un mot qu'il méprifoit ceux qui ne s'appliquoient pas à ce métier, comme gens oifeux & inutiles".

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C'eft en abrégé les préceptes les plus excellens qu'on fauroit donner à un Prince, à un Général d'armée, & à tout Officier qui veut parvenir & monter aux grades les plus éminens de la milice. Cette méthode eft unique, & rend, comme dit fort judicicufement le Traducteur, la pratique des préceptes bien plus aifée dans l'occafion, que de voir les plans fur des planches. Plutarque accufe & blâme même Philopoemen d'avoir porté la paffion de la guerre au-delà des bornes raifonnables. M. Dacier ne manque pas de lui applaudir. L'un & l'autre jugent très-peu équitablement de ce grand Capitaine, fans favoir trop bien ce qu'ils difent: comme fi la fcience de la guerre n'étoit pas immenfe, qu'elle ne renfermât pas prefque toutes les autres dans fon tourbillon, & que pour en acquérir la connoiffance il ne fallût pas une application longue & pénible. Plutarque n'étoit pas guerrier, fon Traducteur encore moins: ni l'un ni l'autre n'a pris garde que Philopoemen étoit favant comme la plupart des grands Capitaines, & qu'il s'attachoit à l'étude de la Philofophie & de l'Hiftoire, fi néceffaire aux gens de guerre: pourquoi trouver mauvais qu'un homme s'applique & fe livre entiérement à l'étude des fciences qui ont rapport à fa profeffion? Celle des armes n'eft pas feulement la plus noble, elle eft encore la plus étendue & la plus profonde, & par conféquent clle éxige une plus grande application; ce que fait ce grand Capitaine pour se former le coup d'œil, eft une chofe très-néceffaire & très-importante pour le commandement des armées, de là dépend le falut & la gloire d'un Etat.

On ne peut douter que la tactique, ou l'art de mettre les armées en bataille, de les camper & de les faire combattre, ne foit tout à fait roiale. Quelle raifon avoit Annibal de mettre Pyrrhus, Roi des Epirotes devant Scipion, & immédiatement après Aléxandre, quoique celui-ci ne fût pas fi habile? Il n'en eut fans doute point d'autre, finon que le premier avoit excellé pardeffus tous dans cette grande partie de la guerre, quoique Scipion ne lui cédât pas fur ce point, comme il le fit voir à Zama. Annibal y fut-il moins éxercé que les deux autres? Philopomen voioit que l'étude de la tactique & les principes d'Evangelus ne lui ferviroient de rien, s'il n'y joignoit le coup d'oeil fi néceflaire au Général d'armée: fa méthode nous a toujours plû, & nous l'avons toujours pratiquée dans nos voiages comme dans l'armée.

S. III.

Qu'il ne faut pas attendre l'occafion de la guerre pour fe former le coup d'œil, qu'on peut l'apprendre & l'acquérir par l'exercice de la challe. Eloge de Machiavel.

I'd

L y a plufieurs chofes néceffaires pour parvenir à cette connoiffance, une très-gran de application à fon métier, c'est là la bafe; on prend enfuite une méthode: quoique celle du Capitaine Grec foit bonne, nous croions avoir beaucoup enchéri, ou du moins trouvé ce que l'Auteur Grec a négligé de nous apprendre plus particuliérement. L'on ne fait pas toujours la guerre. Il ne faut pas s'imaginer non plus qu'on puiffe s'y rendre habile par la feule expérience, fur laquelle la capacité de la plus grande partie des gens de guerre eft fondée aujourd'hui; elle ne fait que perfectionner, & ne fert prefque de rien, fi l'on ne joint l'étude des principes: car la guerre étant une fcience, elle s'apprend comme toutes les autres où l'on ne fauroit fe rendre habile, fi l'on n'y commence par l'étude des principes. Deux fiécles de guerre perpétuelle fufliroient à peine pour nous conduire par l'expérience des faits; il faut la laiffer en propre aux ames ordinaires, & fournir aux grands Capitaines des moiens plus courts pour monter à la gloire fans la devoir à la capacité des autres, qu'on ne rencontre pas toujours. Il est donc néceffaire d'étudier la guerre avant que de penfer à la faire, & de s'appliquer toujours & fans ceffe lorfqu'on la fait.

J'ai dit plus haut qu'on ne fait pas toujours la guerre, j'ajoute encore que les armées ne font pas toujours affemblées & en mouvement: l'on eft au moins fix mois dans le repos d'un quartier d'hiver, & fix mois ne fuffifent pas pour nous former le coup d'œil pour la guerre. Il est vrai qu'on l'apprend beaucoup plus dans les marches, dans les fourrages, & dans les différens camps & les divers poftes où les armées campent; les idées font plus nettes alors pour juger & réfléchir fur le païs que l'on voit, & les pratiques que l'on obferve; mais cela n'empêche pas que, par le fecours de l'efprit & de l'imagination, on ne puiffe en faire ufage ailleurs que dans les armées, & qu'on ne s'affine le jugement & la vûe à la chaffe, ou en voiageant. J'en puis parler par l'expérience que j'en ai faite.

Rien ne contribue davantage à nous former le coup d'oeil que l'éxercice de la chaffe; car outre qu'il nous met au fait du païs & de fes différentes fortes de fituations, qui font infinies, & jamais les mêmes, on apprend encore dans ce bel éxercice mille rufes & mille chofes qui ont rapport à la guerre: mais la principale eft la connoiffance des lieux qui nous forme le coup d'œil, fans que nous y prenions garde; & fi l'on s'éxerce à cette intention, pour peu de réfléxions qu'on y ajoute, on pourra acquérir la plus grande & la plus importante des qualités d'un Général d'armée. Le grand Cyrus eut moins fon plaifir en vûe, en se livrant tout entier à la chaffe pendant la jeunefle, que le deffein de fe rendre propre pour la guerre, & pour la conduite des armées. Xenophon, qui a décrit fa vie, ne nous laiffe aucun doute là-deffus. Il dit que ce grand homme allant faire la guerre au Roi d'Armenie, raifonnoit fur cette expédition comme s'il fe fût agi d'une partie de chaffe entreprise dans un païs de montagnes. Il s'expliquoit ainfi à Chryfante, un de fes Officiers Généraux, qu'il envoioit dans les endroits les plus âpres, & dans les vallées les plus difficiles, pour en gagner les entrées & les ifftës, & couper la retraite à fes ennemis.,, Imagine-toi que c'est une chaffe que nous allons faire, & que tu as la charge de demeurer aux toiles, tandis que je battrai la campa,, gne. Sur tout, fouviens-toi qu'il ne faut point commencer la chaffe que les pafla,,ges ne foient occupés, & que ceux qui font en embuscade ne doivent pas être vûs,

,, pour ne pas effaroucher le gibier..... Garde-toi de t'engager dans le fort du bois, dont tu aurois peine à te retirer, & commande à tes guides, qu'à moins d'abréger extrêmement le chemin, ils te conduifent toujours par les routes les plus faciles: car en fait d'armée, le plus beau chemin eft toujours le plus court.

Que Xenophon ait romanifé cette Hiftoire de Cyrus pour nous donner un abrégé de fcience militaire traité hiftoriquement, peu nous importe, fi tout ce qui a rapport à cette fcience eft vrai & folide. Il veut nous faire connoître que la chaffe nous méne à bien des connoiffances; que c'eft un éxercice honnête, & très-néceffaire à ceux qui font nés pour commander comme pour obéir, parce qu'elle nous rend plus propres à foutenir les fatigues de la guerre, fortifie le tempérament, & forme le coup d'œil: car une connoiffance éxacte d'une certaine étenduë de païs nous facilite celle des autres, pour peu qu'on les voie. Il ne fe peut qu'ils n'aient quelque conformité entr'eux, quoiqu'ils foient tous différens, & la parfaite connoiffance de l'un nous conduit à celle de l'autre, dit Machiavel dans fes Difcours politiques. Au contraire, ceux qui ne font point formés à cette habitude, ont beaucoup de peine à y parvenir: au lieu que les autres d'un coup d'œil apperçoivent l'étenduë d'une plaine, l'élévation d'une montagne, la grandeur & l'aboutissement d'une vallée, toutes les cironftances des différentes natures du terrain, aufquelles ils fe font formés autrefois par beaucoup d'expérience & d'étude. Je ne pense pas qu'aucun Auteur ait traité cette matiére que celui que je viens de citer; le refte eft excellent: je vais le copier.

Rien n'eft plus vrai, continuë-t-il, que ce que j'avance ici: s'il en faut croire TiteLive, & l'exemple qu'il nous met devant les yeux de la perfonne de Publius Décius, qui étant Tribun dans l'armée commandée par le Conful Cornelius contre les Samnites, il arriva que ce Général se laissa pouffer dans un vallon où l'ennemi auroit pú le renfermer: dans cette extrémité Décius dit au Conful, voiez-vous cette éminence qui commande les ennemis? c'eft un pofte qui doit fervir à nous tirer d'affaire, fi nous ne perdons pas un feul moment pour nous en rendre maîtres, puifque les Samnites ont eu l'aveuglement de l'abandonner. Et avant que Décius eût parlé de cette forte au Conful, Tite-Live dit que Décius avoit apperçû au travers des bois une colline qui commandoit le camp de l'ennemi; qu'elle étoit affez efcarpée & de difficile accès, pour des troupes pefamment armées; mais qu'elle étoit aifée pour des foldats armés à la légére. Que le Conful commanda au Tribun de s'en rendre maitre, avec trois mille hommes qu'il lui donna; ce qu'aiant heureufement éxécuté, toute l'armée fe fauva pour se mettre auffi en lieu de fûreté, avec les troupes qu'il commandoit, ordonna à quelques gens de le fuivre, pendant qu'il y avoit encore un refte de lumiére, afin de découvrir les endroits gardés par l'ennemi, & ceux par où l'on pouvoit faire retraite ; & il alla à la découverte habillé comme un fimple foldat, afin que les Samnites ne s'apperçûffent pas que c'étoit un des Officiers Généraux qui battoit l'eftrade.

Si l'on fait réfléxion fur tout ce que Tite-Live dit ici, continuë Machiavel, l'on verra combien il eft néceffaire à un bon Capitaine de favoir juger de la nature d'un païs: car fi Décius n'eût pas eu cette connoiffance, il n'auroit pú favoir combien il étoit avantageux aux Romains de s'emparer de cette hauteur, & il n'auroit pû voir de loin fi elle étoit de facile ou de difficile accès: quand enfuite il en fut le maître, & qu'il étoit queftion d'aller rejoindre le Conful, il n'auroit pu non plus découvrir de loin les poftes que l'ennemi gardoit,& ceux par où ils pouvoient faire retraite. Il falloit donc abfolument que Décius fut fort intelligent dans ces fortes de chofes; car avec cette connoiffance il fauva l'armée Romaine en s'emparant de cette hauteur,& enfuite il troua le moien de fe délivrer des ennemis qui l'environnoient dans ce pofte.

Il y a très-peu de gens de guerre capables de tirer d'un fait hiftorique les obfervations

qu'on vient de lire dans ce paffage de Machiavel, c'eft tout ce que pourroit faire l'homme le plus confommé dans le métier des armes, Je n'en fuis nullement furpris, une étúde profonde & réfléchie de l'Hiftoire nous méne néceffairement à une infinité de connoiffances qui nous mettent en état de juger fainement & folidement de tout. L'étude de la politique, dont l'Hiftoire eft le fondement, eft un puiffant moien pour nous perfectionner l'efprit & le jugement. Les Difcours politiques & militaires de cet Auteur fur les Décades de Tite-Live, font un ouvrage immortel: je le trouve digne de la curiofité des gens de guerre, & d'en être bien lû & bien médité. Sa vie de Caftrucio, un des plus grands Capitaines de fon fiécle, quoique peu connu, n'eft pas moins admirable: elle est toute ornée de faits curieux, très-inftructifs, & pleins de réfléxions & d'observations militaires que peu de gens favent faire, tant cet homme avoit le génie tourné au métier; hors un livre de guerre de fa façon qui ne lui fait pas beaucoup d'honneur, quoiqu'il ait pillé Végéce, qu'il a très-mal travefti, il eft admirable en tout. Il s'étoit trouvé dans un tems où l'Italie étoit agitée de tant de troubles & de guerres inteftines & étrangères, qu'il ne faut pas être furpris qu'un homme d'efprit & de jugement, favant d'ailleurs, ait été capable d'un fi bel ouvrage; car comme il fe trouvoit fur les lieux, il étoit en état d'avoir d'excellens mémoires, & de confulter Jes Officiers qui s'étoient trouvés dans ces guerres.

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S. IV.

Le coup d'œil réduit en principes & en méthode.

N Général qui eft à la tête d'une armée doit penfer, méditer fans ceffe & perpétuellement, foit dans fon camp, foit dans fa marche, voir tout par fes yeux, s'il lui eft poffible, & jamais par ceux d'autrui: il n'y en a pas, dit-on, de meilleurs que ceux du maître. En effet il eft prefque impoffible à un Général d'armée de bien régler l'état de la guerre, & de juger des deffeins de fon ennemi, non plus que des fiens propres. s'il n'eft parfaitement inftruit du païs où il fait la guerre: tout Chef d'armée qui néglige une chofe fi importante, ne mérite point le nom de Général, Les foldats & les Officiers de fon armée font difpenfés de foin; mais ceux de ces derniers qui veulent avancer dans la fcience des armes, & qui veulent pouffer au loin leur fortune, ne le font pas. Ceci ne regarde pas moins les grands Seigneurs, dont le nom fait fouvent tout le mérite, & leur donne le droit de nous commander, que ceux qui fe l'acquiérent uniquement par leur application & par leur courage: ceux-ci comme les autres, qui veulent ajouter à leurs titres les vertus & les qualités qui peuvent les rendre capables de la conduite des armées doivent néceffairement s'attacher à fe former le coup d'œil pour la guerre: c'eft là le premier principe du Général, il n'est pas moins celui de l'Officier particulier; c'eft le feul peut-être de la fcience des armes, qui demande la plus grande pratique, & le feul eucore qui nous méne au grand de la guerre très-facilement: il nous conduit à tout.

Pour avancer & fe former dans cette connoiffance, il faut que notre imagination travaille conftamment, à la guerre, à la chaffe, dans nos voiages, ou dans nos promenades à pied ou à cheval. Dès qu'on eft arrivé dans un camp, on doit éxaminer, en repos & dans fa tente, la carte du païs où l'on eft, & le pofte que l'on occupe avec beaucoup d'attention; confidérer auffi où l'ennemi eft campé, fi l'une ou l'autre des deux armées couvre fes places; fi la ligne de communication eft bien obfervée pour la fuivre, & couler fur la même paralléle felon les mouvemens que chacun peut faire, & fi l'un peut fe faifir d'un pofte important plutôt que l'autre; files deux armées font affûrées à leurs aî

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