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& de belles qualités, qu'ils le créérent Magiftrat, & enfuite Capitaine Général dans la guerre qu'ils eurent contre les Carthaginois. Il leur livra plufieurs combats, avec fuccès: un concours fi heureux des vertus politiques & guerriéres charma les Syracufains de façon, qu'ils l'élevérent tout d'une voix à la Roiauté.

Pyrrhus Roi des Epirotes, lui donna de grandes marques de fon eftime & de fon amitié, & lui procura de grands honneurs. Il étoit très bien fait de fa perfonne, d'une complexion forte & vigoureufe, agréable dans la converfation, d'une grande probité dans les affaires, n'ordonnant rien qui ne fût jufte & raisonnable; enfin ne manquant en rien des vertus & des grandes qualités qui forment les Souverains, que la poffeffion d'un Royaume. C'est l'éloge qu'en fait Juftin.

Il fe gouverna avec tant de prudence, d'efprit, d'adreffe & de jugement, qu'il fut également eftimé des Romains & des Carthaginois: il fit la paix avec les premiers fans rompre avec les feconds. Entre tous les hommes dont les Hiftoriens parlent avec éloge, il n'y en a point qui aient acquis tant de gloire par leurs grandes qualités. Je vais dire une chofe affez remarquable de ce Prince, c'eft qu'il eft peut-être le feul d'entre tous les Souverains & les Etats neutres; qui ait fû fe conferver l'amitié & la confiance des deux partis, dans une guerre qui fe faifoit dans fon voifinage & pour ainfi dire l'enveloppoit, & qui ne fe fentit point des maux dont les Etats qui ne prennent aucun parti entre deux grandes Puiffances, ne font jamais éxempts. S'ils ne font pas la proie du vainqueur, ils trouvent au bout du compte que la guerre leur eût été moins ruineufe que la voie de la neutralité. Si elle n'eft bien ménagée, on s'expofe à la haîne du vaincu & au mépris du vainqueur. La voie du milieu eft toujours dangereuse & fans aucun profit: Éa non media,fed periculofa, aut nulla via eft. Solon avoit raifon de rejetter toute neutralité. Il difoit qu'il falloit fe déclarer & embraffer le parti le plus jufte, pour courre les mêmes périls.

Hiéron fe gouverna fi fagement pendant le cours d'une fi longue guerre & avec tant de prudence, qu'il vêcut dans une paix profonde. Il s'attira par cette conduite l'amour de ses peuples, & fe vit également néceffaire aux deux partis, aufquels il rendit de grands fervices, fans qu'il partit qu'il panchât plutôt pour l'un que pour l'autre: il fembloit pourtant qu'il inclinoit un peu plus du côté des Romains, en qui il connoiffoit plus de vertu & plus de franchife.

Les fecours de vivres que ceux-ci reçûrent de ce Prince pendant le fiége de Lilibée n'étoient point de ces bienfaits que la crainte extorque, ils venoient de fa pure générofité, d'une pure grandeur d'ame. Il avoit affez de courage & de puiflance, pour que les deux partis le ménageaffent; s'il fe fût déclaré pour l'un ou pour l'autre, fes forces étoient telles, qu'il eût pû faire pancher la balance. Dépouillé de tout intérêt & de toute crainte, il prévint les Romains dans leurs befoins pendant le cours de la premiére guerre Punique; dans la feconde il les fecourut gratuitement de vivres & d'argent, dans le tems que leurs affaires touchoient aux derniers périls. Dans la guerre que Carthage foutint contre fes propres armées qui fe foulevérent, Hiéron les aida & leur envoia des fecours confidérables. Il n'en avoit rien craindre en ce tems-là. Ils avoient été chaffés de la Sicile, dont les Romains étoient devenus les maîtres. Cette action eft d'un cœur magnanime. Il fuffifoit qu'on fût malheureux & dans l'infortu ne, pour qu'il devançat vos befoins. Sa libéralité ne s'étendit pas feulement fur des peuples entiers & qui tomboient dans quelque difgrace, mais encore fur les hommes illuftres & les gens de lettres.

On peut voir dans cette idée qu'il eft bien plus noble de faire une chofe gratuitement, que de la faire par des vûes intéreffées; & qu'ainfi plus l'on approche du don gratuit, & plus l'on approche du grand & du beau. Il refta toute fa vie dans une

exacte neutralité & conftamment dans fes maximes, fans les perdre jamais de vûe, & c'est proprement ce qui caractérise fon régne. Il ne s'eft rien vû de plus admirable dans l'antiquité, ni rien de plus rare & de plus beau que la conduite de ce grand homme. Qu'il me foit permis de faire quelques remarques fur ce que je viens de dire; la chofe eft affez curieufe pour s'y étendre un peu.

Les Puiffances, à qui l'on a recours aujourd'hui dans des conjonctures malheureuses, n'en ufent pas ce me femble ainfi. Il fuffit que la fortune nous tourne le dos, pour qu'elles nous le tournent elles-mêmes. Si nous avons recours à elles pour nous aider dans nos befoins les plus preffans, bien qu'il foit de leur intérêt d'empêcher que nous ne fuccombions, ce n'eft pas là où elles vifent, mais à fe faire acheter bien cher & avec ufure dans les traités que la néceffité extorque. Dans ce cas je ne vois point qu'on foit obligé à la reconnoiffance. C'eft réduire à la nature de l'ufure, ce qui devroit en être entiérement dépouillé. Au lieu que lorsqu'une Puiffance voifine en ufe généreusement à l'égard d'un voifin engagé dans une guerre fâcheufe, la reconnoiffance n'a point de bornes. Il y a mille éxemples qui font voir la vérité de cette maxime, que les bienfaits ne lient point les Puiffances, quelques grands qu'ils puiffent être. Elles s'aiment, fauf à fe haïr dès qu'il leur conviendra. L'intérêt forme leurs nœuds, l'intérêt les rompt.

Une Puiffance qui fait acheter fon alliance & des fecours par des conditions onéreufes ne peut raisonnablement fe plaindre, fi fe trouvant dans la même fituation au lieu d'être reconnoiffant, on ufe de repréfailles. Quelle obligation a-t-on à un marchand qui nous vend fa marchandise à crédit, chérement & fur gages?

Hiéron en ufa-t-il en marchand à l'égard des Romains & des Carthaginois? Austi vêcut-il dans le repos & dans une paix profonde au milieu des guerres qui agitérent F'Italie, l'Afrique & l'Espagne. Comme il ne troubla jamais perfonne, perfonne n'ofa jamais le troubler. C'eût été choquer les Romains & les Carthaginois. Hiéron eft peut-être le feul en fait de neutralité qui ait pû dire bienheureux les pacifiques.

S. IV.

Parallèle de la neutralité que firent les Vénitiens en 1701. entre les Impériaux & les François avec celle de Hiéron. Il eft plus avantageux de fe déclarer que de de-meurer neutre. Exemple des Siennois & de Léon X

L

Es Vénitiens fuivirent des maximes bien différentes de celles du Roi de Syracufe dans la guerre de 1701. entre les Impériaux & les François. Ils voulurent se conferver neutres, Ils s'imaginérent que les deux partis les ménageroient, dans la crainte qu'ils ne fe tournaffent du côté de celui pour lequel ils auroient le plus de pen chant, & que cette crainte les feroit refpecter. Qui fait, fi parmi tant de gens gra ves, quelqu'un du Sénat, bien fourni de préceptes Hiftoriques, ne s'avifa pas de citer le Roi de Syracufe, fa conduite & fa politique, & de le propofer pour modéle dans une conjoncture toute femblable à celle où il s'étoit trouvé, & fi tout cela ne fut pas mis en délibération; car dans les conduites, les conjonctures & les circonftances femblables, il en résulte néceffairement des conféquences femblables. La neutralité de Hiéron lui acquit non feulement beaucoup de gloire: mais elle fut encore avantageufe à fon païs & à lui-même; fuivons les mêmes principes & les mêmes régles de politique & de conduite, fans l'imiter dans fes bienfaits & fon défintéreffement. Vous allez voir fondre, dans nos états de mer & de terre, tout l'or & tout l'argent des deux armées ennemies par la vente de nos denrées de toute efpece, dont

elles auront fans doute befoin. Ce confeil auroit été le plus beau du monde s'il fe fût trouvé un Hiéron dans cette affemblée, avec les mêmes qualités de cœur & d'efprit, & le même pouvoir d'agir comme bon lui fembleroit, & felon les mœurs & l'efprit des deux nations qui étoient en guerre: mais il falloit là un Hiéron, & ces fortes de gens ne font pas aifés à trouver, il eft peut-être unique.

Si la neutralité des Vénitiens n'a pas été trop bien ménagée, & fi elle n'a pas eu tout le fuccés qu'ils s'en étoient promis, on ne doit pas le trouver fort étrange; c'est un point fi difficile que c'eût été une espece de miracle, s'ils euffent réuffi. L'Hiftoire nous fait affez voir, qu'il n'eft rien de plus rare, qu'un Prince qui fe maintient neutre & inviolable entre deux grandes Puiflances. Bienheureux les pacifiques, cela eft vrai, dit Bayle en parlant de neutralité, quant à l'autre monde, mais dans celui-ci ils font miférables. Ils veulent être marteau, cela fait que continuellement ils font enclumes à droit & gauche. Mais ce que je trouve de bien fingulier, c'eft la conduite des François ou la politique qu'ils obfervérent à l'égard des Vénitiens; il me paroît que l'on agît avec eux avec un peu trop de ménagement, On témoigna de la crainte, où il n'y avoit rien à redouter. On baiffoit tous les jours d'un ton & les Vénitiens l'élevoient à mefure; cela alla fi loin dans les deux premiéres campagnes, que le Sénat fe mit fur le pied de louer ou de faire paier le dommage que l'on faifoit dans nos marches & dans nos campemens. A ne rien diffimuler cela doit paroître prefque incroiable. A ce défintéreffement on joignoit quelquefois des dégats & des maraudes imaginaires, on faifoit des menaces à des gens qui avoient les armes à la main, qui étoient en pouvoir de fe faire craindre, & de les obliger de fe déclarer de gré ou de force; nous ufions de prieres où il étoit befoin d'ordonner. Car quand même ils fe feroient tournés contre nous, nous n'en euffions guéres été plus mal, & ç'eût été même un avantage pour les François; car en prenant pofte, en nous établiffant dans leur païs de terre ferme au delà de l'Adigé, nous euffions fait la guerre avec beaucoup plus d'avantage & de fûreté, puifque par là nous nous portions fur les paffages par où les Impériaux entrérent dans l'Italie, que nous étions en état d'infulter Vérone, ou de l'affiéger, de lâcher nos corfaires fur les Vénitiens, de manger leur païs & de conferver le nôtre, & que c'étoit le feul moien de renvoier les Imperiaux d'où ils étoient venus.

On reconnoît tous les jours, dit un Auteur, la folidité de certaines maximes du Général Bannier, qu'il ne faut point fouffrir qu'un Prince neutre demeure armé, parce qu'on ne peut s'affurer de lui, & qu'il eft toujours en état de prendre un parti felon le fuccès du vainqueur; qu'on doit l'aller chercher chez lui pour le contraindre à fe déclarer; il dit cela à propos des Princes d'Allemagne, qu'il eft important, dit-il, de traiter les armes à la main & de les réduire à la néceffité de s'accommoder à leur defavantage. Toutes ces maximes ne pourroient-elles pas fe retorquer contre les Princes d'Italie, & particuliérement contre les Vénitiens, qui font les plus puiffans & les plus avantageufement poftés de l'Italie? Car pour les autres Puiffances de ce païs, je ne crois pas que les François aient befoin de politique pour empêcher qu'elles ne leur nuifent.

Le Prince Eugene ne fe fût pas plutôt avancé fur l'Adigé, qu'on s'apperçut qu'il ufoit d'une politique toute contraire, moins circonfpecte & moins timide; il fouragea les Vénitiens & les marauda avec toute la tranquillité poffible, fans aucun ménagement. Il n'ignoroit pas qu'ils ne s'écarteroient jamais de la neutralité, quelque botte qu'on leur portât. Ils craignoient trop qu'en fe déclarant ils ne devinffent la proie du victorieux, fi le malheur vouloit qu'ils couruffent la fortune du vaincu. Ils furent traités en gens dont on redoutoit peu la puiflance. On n'acheta pas leurs marchandises, on

les leur prit, & on les faifoit contribuer fous le nom de prêt, lors même qu'on pilloit leur païs. Ces idées chimériques d'arbitres, de ménagement, de refpect & de crainte s'évanouirent. A la venue des Impériaux & fur la fin, le Grand-Prieur de France fit brûler & piller un village confidérable aux portes de Vérone pour une bagatelle, & fans qu'ils le reffentiffent. La douceur, les ménagemens, les égards ne font pas toujours de faifon. Il eft des peuples avec lefquels on doit agir avec quelque hauteur, Ils vous méprifent & vous tournent le dos, fi vous les traitez autrement. Ils s'ima ginent qu'on n'en useroit pas ainfi, si on ne les craignoit, ou fi l'on n'étoit les plus foibles.

Bien loin d'en user comme nous avons fait, nous euffions dû imiter les Allemands; car ils ne furent pas plutôt les maîtres, qu'ils firent contribuer tous les Princes d'Italie. Pourquoi n'en avons-nous pas ufé de même? Au lieu de remplir le païs de notre or & de notre argent, nos troupes fe fuffent bien mieux trouvées, fi à la maniére des Impériaux, nous leur euffions donné de bons quartiers d'hyver chez des peuples qui nous étoient bien plus ennemis, que ceux contre lefquels nous étions en guerre. Pour revenir aux Vénitiens ils fe trouvérent au bout du compte également en proïe aux deux partis, & également haïs ou auffi peu aimés du victorieux que du vaincu. C'est le deftin inévitable des Puiffances neutres; elles croient avoir fait un grand coup que de voir la guerre à leur voifinage, fur la fauffe opinion qu'elles n'en fauroient éprouver les incommodités. La campagne eft à peine ouverte que ces Etats fe voient expofés à l'infulte des deux partis tout à la fois. Ils fe font des ennemis fans fe faire des amis, au lieu qu'en fe déclarant chaudement pour l'un, ils ont des amis & des ennemis. Sort fâcheux & déplorable qu'on ne puiffe avoir de repos chez foi, lorsqu'on croit l'avoir attrapé. On a beau tenir la balance dans le parfait équilibre, fans la faire pancher d'un côté plus que de l'autre, on ne le croira jamais, & chaque parti nous regardera comme ennemi couvert & par conféquent très-dangereux.

On a beau dire, il eft cent fois meilleur de fe déclarer pour un parti que de prendre la voie du milieu. Mal en prit aux Siennois de s'y être tenus. Dans certaine guerre, ils en furent les dupes & fe trouvérent à la fin faccagés & pillés par les troupes des deux partis, fur quoi le Roi Alphonfe dit plaifamment, qu'il étoit arrivé aux Siennois ce qui arrive à ceux qui logent au fecond étage d'une maison, qui font également incommodés de la fumée de ceux d'en bas & de l'urine de ceux d'en

haut.

Le Pape Léon X. imagina une neutralité d'une espéce toute finguliére. Si elle eft opposée à l'honnête, c'est de quoi je ne déciderai pas; je m'en rapporte aux Politiques rigides & aux Cafuiftes fi l'on veut. J'ai cherché ce cas dans Grotius fort inutilement. J'ai été plus heureux dans Machiavel: je l'y ai trouvé, non comme pendable, mais feulement en qualité de bon tour qu'il approuve & auquel il applaudit. Tacite en parle encore dans la guerre de Vefpafien contre Vitellius. Quoiqu'il en foit, ce Pape, voyant François I. & les Suiffes engagés dans une guerre pour les affaires du Milanois, fe réfolut de ne prendre aucun parti, quoique chacun tâchât de le mettre de fon côté. Le faint Pere avoit bien d'autres penfées: certains Politiques lui confeillérent de refter neutres, ou pour mieux dire de feindre de l'être. Si vous prenez ce parți, lui dirent-ils, vous êtes en pouvoir de redonner la liberté à l'Italie, & vous fecouez le joug des étrangers qui l'oppriment. Ils lui propoférent là-deffus de fe joindre aux Espagnols, de s'approcher des frontiéres du Milanois fous le prétexte de couvrir l'Etat de l'Eglife: mais en effet pour être au voifinage des deux armées, jufques à ce qu'elles en vinflent aux mains. Ces gens-là s'imaginoient que la bataille feroit fi fanglante entre deux nations fi braves & fi aguerries, que le vainqueur ne feroit gué

res plus en état de fe relever que le vaincu, & que fes troupes furvenant-là-deffus & l'improviste, il acheveroit de ruiner le victorieux & le mettroit hors de l'Italie, & que par ce moien fa Sainteté fe rendroit le maître de la Lombardie & l'arbitre de l'Italie. Quelles vifions! Ces gens-là avoient pris ce confeil chez Tacite dans la guerre d'Othon & de Vitellius, rapportons le paffage, il en vaut la peine. Ceux du parti de Vefpafien, avant que de fe déclarer, trouvérent plus à propos d'attendre l'événement &de lailler battre les autres qui avoient les armes à la main, fachant bien que le vaincu & le vainqueur ne feroient jamais d'accord. D'ailleurs fi les plus grands Capitaines s'étoient laillés corrompre à leur fortune, que devoit-on attendre d'Othon & de Vitellius, finon que l'un feroit ruiné par fa défaite & l'autre par fa victoire.

Voilà fur quoi ces Politiques fondérent leurs rêveries & leurs folles imaginations. Peut-on fe fervir d'autres termes à l'égard de gens, qui fe mettent en tête qu'ils pourront battre & chaffer de l'Italie un Roi de France brave, aguerri & victorieux? Cependant l'armée du faint Pere fe repaît de ces agréables chiméres de conquête & de gloire. L'événement les fit évanouir. L'armée du Pape, qui s'étoit approchée de la frontiére eut à peine nouvelles que les François avoient battu & terraffé les Suiffes, qu'elle prit l'épouvante & s'enfuit, comme fe fentant la confcience chargée d'un mauvais deffein. Je trouve dans Thucydide un éxemple de cette efpéce de rufe que je ne faurois m'empêcher de rapporter. Dans la guerre de ceux de Corcyre contre les Corinthiens, les Athéniens prirent parti pour les premiers: mais affez foiblement & pour empêcher feulement que cette République ne tombat au pouvoir de l'autre. Ils ne vouloient pas abandonner à leurs ennemis, dit Thucydide, une République puissante fur mer: mais vouloient laiffer matter les uns & les autres par une longue guerre pour triompher après du plus foible.

Si quelqu'un m'accufe de m'être un peu trop étendu fur l'article de la neutralité & fur Hiéron lui-même, il ne fera pas beaucoup d'honneur à fon difcernement. Car fans épuifer la matiére à l'égard de l'une, qui eft très-importante, j'ai crû devoir m'y arrêter un peu pour l'instruction d'un grand nombre de perfonnes, & pour fournir des réfléxions profitables à quelques autres qui en ont befoin; & à l'égard de Hiéron il jouë un trop beau rôle pour n'en parler qu'en paffant; car bien qu'il n'ait eu aucune part dans les différends des deux Républiques, il n'eft pourtant pas moins recommandable & moins glorieux par la paix dont il a fù jouir, que les Romains par la guerre. Il ne chercha jamais un grand théatre: mais il fût convertir en un grand théatre celui où il fe trouvoit placé, quelque petit qu'il parût.

S. V.

Conduite que doit tenir dans une place affiégée un Commandant qui fe voit dans certaines extrémités.

Olybe dit que Claudius fe vit dans la néceffité d'attaquer les Carthaginois & les Syracufains qai afliégeoient Meffine. Trois raifons l'y contraignoient, felon le même Auteur; l'ardeur avec laquelle ces deux nations pouffoient le fiége, la honte & le danger qu'il y avoit pour lui à les laiffer plus longtems devant la ville, & les forces qu'avoient les ennemis fur terre & fur mer. Dans cette extrémité Claudius ne crut pas qu'il y eût pour lui d'autre parti à prendre que de fortir au devant des ennemis. Il fortit & fit fort fagement; & l'on me permet de faire une maxime, je dirai que tout grand corps qui fe jette dans une place affiégée & qui s'y voit investi tout

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