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après cela il feroit facile de jetter du fecours dans la place & de fe retirer, fans que nous puffions les combattre. Dans ce cas nous voilà dans la néceffité de lever le fiége. Ces raifons étoient fages & prudentes, & conformes aux conjonctures. Ce que dit le Cardinal de Richelieu, qu'il n'avoit jamais lû dans l'Hiftoire qu'on fût forti de fes lignes, après avoir demeuré fi longtems à les faire, n'eft pas encore une raifon de n'en pas fortir. Cela dépend du tems & des conjonctures. Qui lui avoit dit qu'il n'y eût rien de tout cela dans l'Hiftoire? Les éxemples de pareils faits y font fans nombre. Celui d'Agrigente n'en eft-il pas un? Si Richelieu eût été à l'école de Hannon, les François n'euffent-ils pas imité Pofthumius, qui fortit de fes lignes pour fe délivrer de l'extrémité où il fe trouvoit?

Au dernier fiége de Belgrade, le Prince Eugéne fe trouva dans le cas de fortir de fes lignes, il n'y manqua pas, & c'eft à mon fens une des plus belles actions qu'il ait faites en fa vie: ce qu'il y a de fingulier & de bien extraordinaire, c'est qu'il fe foit trouvé des gens, qui aient trouvé à reprendre fur la conduite de ce grand Capitaine, qu'ils qualifioient d'imprudente & de téméraire. Je leur demanderois volontiers des preuves démonstratives de leur créance: fans doute qu'ils fe verroient très-embaraffés s'ils étoient obligés de nous en donner quelqu'une; ce feroit les jetter dans un défilé très-embaraffant, & dans un guet-à-pens très-incommode.

Que dirons-nous du dernier fiége de Turin? Ecarterions-nous un tel éxemple qui s'eft paffé fous nos yeux? Nous n'avons garde, il fait trop bien à notre fujet & à notre propre inftruction, à laquelle nous vifons toujours. Je ne crois pas devoir entrer dans aucun détail d'un événement fi extraordinaire, il eft trop connu dans le monde: on fera feulement quelques remarques fur certaines circonftances les plus capitales, & aufquelles perfonne n'a peut-être encore pensé. Aurions-nous dû fortir dé nos lignes, ou n'en pas fortir? C'eft une queftion qu'un homme du métier réfoudra fans peine: qui peut douter que le premier parti ne fût le meilleur, lorsqu'on eut appris la nouvelle que les ennemis étoient paffés en deçà du Pô? n'auroit-on pas dû aller à leur rencontre, fans délibérer, & au plus vite? Cela étoit dans les régles; mais ç'eût été furieusement s'en écarter lorfqu'ils eurent traversé la Doire. Nous n'avions alors à défendre que le côté de la circonvallation, qui étoit au-delà de cette riviére, c'est-à-dire un front d'une très-petite étenduë; & cependant ce côté-là ne fe trouva-til pas abfolument dénué de troupes? Il le fut à tel point, que la brigade de la Marine fe vit dans la trifte néceffité de border le retranchement fur deux de hauteur. On aura de la peine à croire, qu'on ait laiffé fi fort dégarni un pofte d'une importance fi capitale, dans le tems que les deux tiers de notre infanterie reftent inutiles dans les autres plus éloignés où l'on n'en avoit que faire.

Le deffein de M. le Duc d'Orleans étoit de lever tous les quartiers, & de marcher droit aux ennemis, qui paffoient le Pô à Veillane. C'étoit fans doute le meilleur & le plus honorable parti que l'on cût dû prendre; & digne du courage de ce Prince; il s'y étoit déterminé: mais le Maréchal de Marfin, quoiqu'il fût dans le fond un brave homme, avoit pris de bonnes mefures pour que fes fentimens prévaluffent fur ceux de M. le Duc d'Orleans; il avoit mandé à la Cour qu'il étoit beaucoup plus avantageux d'attendre les ennemis dans nos lignes, que de leur aller au-devant. Il appuïa fon opinion de raisons affez fpécieufes, fans s'appercevoir que la grandeur de la circonvallation nous réduifoit à rien. La Cour lui envoia un ordre du Roi, qui bridoit de telle forte le pouvoir du Prince, qu'il ne pouvoit rien faire que felon le bon plaifir du Maréchal. Celui-ci tint cet ordre fort fecret pour s'en fervir en cas d'occafion. Elle ne pouvoit manquer de fe préfenter, puifque les ennemis accouroient au fecours de la place. LeMaréchal produifit enfin cet ordre, qui fut en partie la caufe de tous nos malheurs. Je

dis en partie, car il fembloit que la fortune voulût nous affurer la victoire fans for tir de nos lignes. En effet les ennemis, en paffant la Doire pour attaquer la partie de la circonvallation qui étoit de l'autre côté de cette riviére, nous fourniffoient la plus belle occafion du monde de les défaire; car par une manœuvre fi peu fenfée, ils nous mettoient en état de porter toutes nos forces de ce côté-là, fans rien craindre fur tout le reste de la circonvallation qui fe trouvoit entre cette riviére & le Pô, Par là ils nous mettoient en état de les faire repentir de leur entreprise, puifqu'ils alloient tenter par l'endroit le plus difficile: quoiqu'on s'y fût moins précautionné à l'égard des retranchemens, il ne devenoit pas moins impraticable par les forces que nous pouvions leur opposer.

Rien n'empêchoit le Maréchal de Marfin de faire marcher vingt bataillons & autant d'escadrons de ce côté-là, & de tirer quinze autres bataillons de la hauteur des Capucins, où Albergotti étoit avec quarante qu'il avoit fait venir de fon côté. Le Maréchal n'en avoit-il pas reçu ordre de M. le Duc d'Orleans? Il l'oublia, ou fit femblant de l'avoir oublié. Toute la nuit & jufqu'au lendemain, que les ennemis at taquérent, le tems fe paffa en vaines conteftations & en difcours inutiles: les uns difant une chofe, & les autres tout le contraire. Cependant le tems s'écoule & l'occafion s'échape; & pendant que les ennemis fe forment de l'autre côté de la Doire, on n'y envoie aucunes troupes pour renforcer le peu qu'il y en avoit, fans penfer que tout ce qui étoit en deçà étoit inutile: ces quarante bataillons, plantés comme des ter mes fur la hauteur des Capucins, & fous les ordres d'Albergotti, que font-ils là? Ne diroit-on pas qu'ils font à cent lieues de la ligne en-delà de la Doire? Ils n'en font pourtant qu'à deux pas. Je le demanderois volontiers à l'ombre du Maréchal de Marfin, elle me renvoiroit, fans doute à celle d'Albergotti. Si je m'addressois à celleci, quelle bonne raifon en pourrois-je cfpérer? Le fait répond pour elle.

Puifque nous en fommes là, donnons quelque chofe du caractère militaire de cet Officier Général. Je ne dirai rien de fon païs, chacun fait qu'il étoit Italien & d'ume des meilleures Maifons de Florence. Il étoit venu fort jeune en France, & y apporta une grande inclination pour les armes. Il étoit d'une humeur fombre & mélancolique; grave, compofé & retiré en lui-même; un air impérieux & penfif: allant à fes fins autant bien qu'homme de fon païs; parlant peu, & donnant par là lieu de croire qu'il penfoit beaucoup; prévenu en faveur de fes fentimens jufqu'à dédaigner ceux d'autrui, quels qu'ils fuffent. Circonfpect au-delà des bornes, jamais il ne fe croioit affez de troupes. Ce qu'il falloit éviter, il le prévoioit longtems avant qu'il arrivât, & pour n'y pas tomber il trouvoit dans fon fond des précautions fans nombre. Cette fécondité eft bonne, mais il faut la refferrer aux précautions néceffaires: fans cela elle étouffe le vrai courage, & produit bien des fautes. Je ne m'arrêterai pas fur toutes celles que l'on a reprochées à M. d'Albergotti, il en eft peut-être dont on a eu tort de le charger. D'ailleurs j'honore ce qu'il avoit de bonnes qualités, & ce feroit outrer la cenfure que de nier qu'il en eût. Je me borne à l'affaire de Turin: on ne me fera pas un crime d'en penfer & d'en dire ce que tout le monde en penfe & en dit.

Que fait donc M. d'Albergotti fur la hauteur des Capucins? Il fe plaint qu'il n'y eft pas trop en fûreté, & qu'il n'a pas affez de quarante bataillons pour fe défendre. Le Maréchal devoit-il avoir égard à fes terreurs & à fes craintes imaginaires? Pouvoit-il ignorer que l'ennemi n'avoit de ce côté-là qu'un corps de cinq à fix mille hommes de milice du païs, de miferables païfans, & deux ou trois bataillons de troupes reglées, & le tout pour la mine. Albergotti le voioit bien, il fe plaint pourtant qu'il n'a pas affez de vingt mille hommes; on les lui laiffe pendant qu'on néglige tout le front de la circonvallation de l'autre côté de la Doire, où l'armée du fecours paroît en bataille fans

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aucune distraction de fes forces, ne pouvant même entreprendre fur nous que par ce feul endroit de la riviére dès qu'ils l'ont une fois paffée.

Lorsqu'on vit que c'étoit tout de bon, & qu'on alloit être attaqué, on envoie à Albergotti; on lui demande un fecours de dix ou douze bataillons; il répond qu'il va être attaqué, qu'on s'y difpofe: en effet cinq ou fix mille païfans étonnés & tremblans de fe voir fr près de lui font des gens fort redoutables. On a beau lui repliquer que ce n'eft pas à fon pofte que les ennemis en veulent, puifqu'ils en font féparés par le Pô & par la Doire. Il ne veut rien écouter de tout cela. Cependant les ennemis attaquent toute cette partie de la circonvallation ainfi dégarnie, la pénétrent à la droite, où il n'y avoit prefque perfonne, & l'emportent fans peine, bien moins par l'habileté de leurs Généraux que par la faute du Maréchal. Que peut-on penfer de cette conduite? Que peut-on penfer après cela des éloges qui furent faits de la conduite d'Albergotti devant & après cette action, qui nous fut fi malheureuse, pendant qu'on ne dit mot & qu'on ne tient aucun compte de quelques Officiers Généraux très-estimables, qui pensérent toujours bien, & qui firent très-bien leur devoir?

Tout ce que je viens de dire ici touchant d'Albergotti, ne touche en rien fon honneur. Nous n'avons garde de lui difputer le courage, on fait qu'il n'en manqua jamais par tout où il a été befoin de le faire paroître; on lui rend volontiers cette juftice; on ne lui refuse pas non plus fon grand talent dans le détail des chofes militaires, & plufieurs belles qualités très-eftimables & très-louables; mais nous ne pou vons convenir qu'il eût celles qui compofent le Général d'armée. Après l'affaire de Turin, fans parler des autres, ne fommes-nous pas bien fondés? Mais remarquez, s'il vous plaît, l'étoile de ce Général. Cette conduite, qui eût dû faire rabattre prodigieufement de l'idée qu'on avoit de fon favoir, & de l'eftime qu'on faifoit de lui, l'éléve & lui produit une profufion d'éloges. Ne fut-il pas lui-même l'unique & principale caufe d'une infortune fi accablante? Qui peut en douter fans abfurdité? Que fait ce Général après avoir joué le perfonnage de Spectateur immobile? Il décampe de fon pofte, & fe retire à Pignerol, où les débris de notre armée s'étoient fauvés. Ornez & parez tant qu'il vous plaira cette retraite de toutes les fleurs de la Rhétorique, ce ne fera jamais qu'une marche très-accélerée. Ne falloit-il pas qu'il fe retirât? Cependant on admira cette retraite, comparable, difoit-on, aux plus mémorables. Il falloit que fes panégyriftes fe connuffent bien mal en retraites pour fe récrier fur celle-ci; car on ne qualifie jamais de ce nom tout corps d'armée qui fe retire fans combat & fans être fuivi. Une retraite, proprement dite, eft lorfqu'une armée ou un grand corps de troupes fe trouve fuivi, harcelé & attaqué à fon arriéregarde, pris en flanc, en queue, ou en tête dans des païs difficiles & dangereux; ou Torfqu'on s'échape à toutes ces attaqués par la rufe, par l'artifice & par des mouve-mens bien concertés, qui donnent le change à l'ennemi, comme celle du Général Bannier, fi célébre dans l'Hiftoire: toutes les autres n'ont rien qui mérite qu'on en faffe la moindre mention. Tout ce qu'on peut dire de celle dont nous parlons, c'eft qu'après la levée du fiége, M. d'Albergotti fe retira heureusement depuis la hauteur des Capucins jufqu'à Pignerol, fans aucune mauvaife rencontre.

CHAPITRE IV.

Les Romains fe mettent en mer pour la première fois. Manière dont ils s'y prirent. Imprudence de Cn. Cornelius & d'Annibal. Corbeau de C. Duillius. Bataille de Mile. Petit exploit & mort d'Amilcar. Siéges de quelques villes de Sicile.

LA nouvelle de la prife d'Agrigente remplit de joie le Sénat, & lui

donna de plus grandes idées qu'il n'avoit euës jufqu'alors. C'étoit trop peu d'avoir fauvé les Mamertins, & de s'être enrichi dans cette guerre. On penfa tout de bon à chaffer entiérement les Carthaginois de la Sicile: rien ne parut plus aife & plus propre à étendre beaucoup la domination Romaine. Toutes chofes réuffiffoient affez à l'armée de terre. Les deux Confuls nouveaux L. Valerius & T. Octacilius, fucceffeurs de ceux qui avoient pris Agrigente, faifoient dans la Sicile tout ce que l'on pouvoit attendre d'eux. D'un autre côté comme les Carthaginois primoient fans contredit fur la mer, on n'ofoit trop répondre du fuccès de la guerre. Il eft vrai que depuis la conquête d'Agrigente beaucoup de villes du milieu des terres, craignant l'infanterie des Romains, leur avoient ouvert leurs portes; mais il y en avoit un plus grand nombre de maritimes que la crainte de la flotte des Carthaginois leur avoit enlevées. On balança longtems entre les avantages & les inconvéniens de cette entreprife: mais enfin le dégat que faifoit fouvent dans l'Italie l'armée navale des Carthaginois, fans que l'on pût s'en vanger fur l'Afrique, fixa les incertudes, & il fut réfolu que l'on fe mettroit en mer auffi-bien que les Carthaginois. Et c'eft en partie ce qui m'a encore porté à m'étendre un peu fur la guerre de Sicile, pour ne pas laiffer ignorer en quel tems, de quelle maniére, & pour quelles raifons les Romains ont commencé à équiper une flotte.

Maniére Ce fut pour empêcher que cette guerre ne tirât en longueur, que la dont ils pensée leur en vint pour la premiére fois. Ils eurent d'abord cent galé

s'y pri

rent.

res à cinq rangs de rames, & vingt à trois rangs. La chofe ne fut pas peu embaraffante. Ils n'avoient pas alors d'ouvriers qui füffent la conftruction de ces bâtimens à cinq rangs, perfonne dans l'Italie ne s'en étoit encore fervi. Mais c'eft où fe fait mieux connoître l'efprit grand & hardi des Romains. Sans avoir de moiens propres, fans en avoir même aucun de quelque nature qu'il fût, fans s'être jamais fait aucune

idée de la mer (a), ils conçoivent ce projet pour la première fois, & l'éxécutent avec tant de courage, que dès-lors ils ofent attaquer les Carthaginois, à qui de tems immémorial on n'avoit contesté la fupériorité fur la mer. Mais voici une autre preuve de la hardieffe prodigieufe des Romains dans les grandes eutreprises: lorfqu'ils réfolurent de faire paffer leurs troupes à Meffine, ils n'avoient ni vaiffeaux pontés, ni vaiffeaux de transport, pas même une felouque; mais feulement des bâtimens à cinquante rames, & des galéres à trois rangs, qu'ils avoient empruntées des Tarentins, des Locres, des Eleates & des Napolitains. Ce fut fur ces vaisseaux qu'ils oférent transporter leurs armées.

Lorsqu'ils traverférent le détroit, les Carthaginois étant venus fondre fur eux, & un vaiffeau ponté qui s'étoit préfenté d'abord au combat, aiant échoué & étant tombé en leur puiffance, ils s'en fervirent

(a) Sans s'être jamais fait aucune idée da la mer.] Notre Auteur fe contredit furieufement dans ce paffage; qui voudroit le concilier avec lui-même s'y trouveroit très-embaraffé. Ce qu'il dit dans ce premier Livre; il l'oublie dans fon troifiéme, où il rapporte des Traités très-anciens entre les Romains & les Carthaginois. Il y en a un pris de fi haut qu'il fut fait peu après l'expulfion de Tarquin, c'eft-à-dire fous les premiers Confuls près de 250. ans avant la premiére guerre Punique, & un autre en 402. où l'on voit manifeftement que les Romains ne trafiquoient pas feu lement fur mer, mais qu'ils avoient des Navires propres pour toute autre chofe que pour le trafic & qu'ils le méloient même de piraterie, car Polybe spécifie dans le Traité les differentes efpéces de bâtimens après avoir parlé de vaiffeaux en général. Si ces vaiffeaux n'euffent été que marchands, pourquoi cette diftinction ? les Romains couroient donc les mers foit en bien foit en mal, quoique le métier de Corfaire, qui n'eft pas autrement fort honnête en ce tems-ci, fut alors très-honorable, c'eft Polybe & Thucydite qui nous l'apprénent.

Le paffage de Pyrrhus en Italie ne produifit-il pas un Traité d'alliance entre Rome & Carthage, Pan 573. de Rome? je renvoie mon lecteur à M. Huet, qui me foulage beaucoup dans cette affaire-ci; j'ignorois qu'il eût écrit fur la navigation des Anciens, ce qui ne m'eft guére pardonnable. Il cite Tite-Live fur le Traitté dont je viens de parler qui prétend que c'eft le quatrième. A ces faits, ce poli & favant Ecrivain, avec lequel je ne pouvois éviter de me rencontrer, ajoûte; Il paroit par ce Traité que les Romains avoient alors négligé le foin de la mer. Car ils ftipulent que les Carthaginois leur fourniront des vailleaux dans Le befoin & pour les voiages, & pour la guerre; au furplus les conditions des Traités précedens

font renouvellées. Outre ces preuves que nous tirons de Polybe, contre lui-même, continuë-t'il, nous lifons que l'an de Rome 416. qui préceda la feconde guerre Punique de 74. ans les Romains avoient ruiné le port des Antiates, & s'étant empa rés de leur flotte, qui étoit de 22. Galéres, entre lefquelles il s'en trouvoit fix armées d'éperons, le Conjul Maenius orna de ces éperons la Tribune aux harangues dans la place publique, brúla les navires dépouillés de cette défense, fit remonter les autres jufqu'à Rome, & les fit mettre dans le lieu destiné à la garde & à la fabrique des vaisseaux Ce qui prouve invinciblement que dès ce tems-là les Romains s'appliquoient aux affaires de la marine. Nous lifeus de plus, dit-il quelques lignes plus bas, que les Romains avoient en mer une flotte de dix vaisseaux couverts & armés avant la guerre des Tarentins, c'est-à-dire environ 18. ans avant la première guer re Punique. Ce fut cette flotte qui donna occafion à la guerre contre Farente. Il dit ailleurs que ce Valérius, qui commandoit, exerçoit, felon le témoignage de Tite-Live, la charge de Duumvir na val, dont l'office étoit d'équiper, de réparer & d'entretenir les flottes. Ces charges de Duumvirs fu rent créées l'an de Rome 443. c'eft à-dire environ 50. ans avant le tems où Polybe prétend que les Romains commencérent à s'appliquer à la mer.

Heft donc conftant que les Romairs s'appliquoient à la mer dès le tems de leurs Rois, premiérement pour le negcce, mais que les ennemis qui environ noient leur état dans l'Italie leur fufcitérent tant d'affaires, qu'ils furent contraints de fe relâcher dans le foin de la marine jusqu'au tems de la premiere guerre Punique ; car alors ils la reprirent avec tant d'ardeur & une fi prodigieux fuccès que tout ce qu'ils avoient fait auparavant, ne mérita pas en comparaison d'être compte pour rien. Et c'eft en se fens qu'il faut entendre & expliquer Polybe.

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