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CORBEAU DOUBLE POUR ROMPRE L'EFFORT DU BELIER.

tieu de flèches ces grosses pièces de bois, ils les décochoient tout à coup contre les ennemis.

Ce qu'il y a de bien surprenant dans tout ceci, c'eft qu'aucun des Critiques, ni des Commentateurs, ne s'est apperçû que cet Historien ne dit ici que des mots qu'il n'entend pas lui-même. Qu'on remarque bien ceci. Il met les poutres, les faux, les mains de fer, les corbeaux, les grapins, tout cela péle-méle ensemble, en maniére de faifceaux d'armes. Puis aiant bandé leurs machines, faites comme des arbalètes,ils les décochent tout à coup contre les ennemis. Cela n'eft-il pas bien admirable. Le bon Quinte-Curfe ne favoit ce que c'étoit que toutes ces machines. Pourquoi donc fe méloit-il d'en parler? Et Perrault n'auroit-il pas mieux fait de chercher quelqu'autre Auteur plus ancien que notre Rhéteur, qui parlât du corbeau des Tyriens? S'il avoit pris cette peine, Diodore de Sicile lui en eût donné des nouvelles les plus claires qu'il eût pû desirer.

Les Tyriens, dit cet Auteur, aiant attaché des faux à l'extrémité des vergues de leurs galéres, s'approchoient des béliers qui battoient en bréche; & lorfqu'ils fe trouvoient à portée de ces machines pour pouvoir les atteindre, ils baiffoient les antennes où ces faux étoient enmanchées, & coupoient les gros cables, au bout defquels les béliers étoient fufpendus: de forte qu'ils devenoient tout à fait inutiles & fans effet.

Voilà le corbeau dans toutes les formes, & avec toutes les qualités requises à cette machine; il eft vrai que Diodore ne l'appelle pas de ce nom, mais le nom ne fait rien: car l'antenne fait le même effet que le long bois qu'on hauffe, qu'on abaiffe, & qui tourne fur fon pivot. On pouvoit donc également, ou y fufpendre le cone de Duillius, ou des griffes de fer pour enlever, ou y enmancher des faux pour trancher & couper les cables qui foutenoient les poutres béliéres. Il y a pourtant cette différence, que le corbeau de Tyr me femble plus fimple, outre qu'il fe transporte où l'on veut, fe trouvant attaché au mât du vaiffeau dont la corde lui fert de point d'appui, fans être fujet à aucun frottement: avantage que l'autre n'a point. On y pouvoit encore fufpendre le Dauphin des Grecs; ce que l'on ne pouvoit faire à l'autre. Outre ce corbeau les Tyriens ne laifférent pas d'emploier celui dont Tacite fait mention dans la guerre de Civilis. Il le regarde comme nouveau, mais il a tort, les Tyriens s'en étoient fervis. Diodore nous l'apprend deux lignes après ce que je viens de citer. Voici le paffage: Ils uférent, continuë-t-il, de certaines machines, (il entend les catapultes) avec lesquelles ils jettoient des plaques de fer enflammées, aux endroits où les affiégeans donnoient en foule. Ils faifoient tomber en même tems des crocs & des mains de fer, avec lesquelles ils accrochoient & enlevoient les hommes poftés fur les couvertures des tortues béliéres. Voilà donc les Romains dépoffédés de l'invention du, corbeau harponeur. Je ne dirai pas d'où Diodore a tiré le corbeau de Tyr. Arrien, qui a écrit fon Hiftoire fur les mémoires de Ptolomée & d'Ariftobule, deux Généraux d'Alexandre le Grand, & qui l'avoient accompagné dans toutes fes entreprises, ne dit pas un feul mot du corbeau de mer & de terre, dont ceux de Tyr fe fervirent dans la défenfe de leur ville.

Perrault étoit très-certainement un Auteur diftingué, fon Commentaire François fur Vitruve eft digne de l'attention de fes lecteurs; mais comme il n'y a point d'ouvrage, quel qu'il puiffè être, où l'on ne puiffe trouver à redire, il me femble que celui-ci eft bien fterile & bien vuide de certaines chofes dont il étoit aifé de l'enrichir. Qu'auroitil coûré, par éxemple, d'y inferer mille curiofités Hiftoriques fur le corbeau? L'Auteur n'auroit eu pour cela qu'à fe rappeller fes lectures, ou à chercher ce que les Auteurs ont dit de cette machine. Il y en a tant d'autres que Polybe, que Frontin, & que

Quinte-Curfe, qu'il auroit pû citer. Rien ne plait, n'inftruit & ne délaffe davantage que cela. Ou n'auroit jamais fini s'il falloit citer tous, ce feroit une vraie pedanterie; mais du moins on choifit les éxemples les plus remarquables.

S. VI.

Corbeau à laqs courans, & à pinces. Tellenon.

J'ai un du coliè-live nuts en fournit un aurre, qui fait 'Ai déja apporté un éxemple du corbeau à laqs courans dont ceux de Platée fe fervirent contre les efforts du bélier. Tite-Live nous en fournit un autre, qui fait affez connoître que ces lacets, pour faifir le bélier, étoient attachés à des corbeaux: car il paroît par ce que dit l'Auteur, que ceux qui défendoient Heraclée contre les Romains, manquoient de ces fortes de machines contre les béliers: en effet, dit-il, les Romains attaquoient bien moins la ville par la force de leurs armes, que par celle de l'art; tout au contraire des Etoliens, qui abandonnoient celui-ci & recouroient aux autres car tandis qu'on battoit leurs murailles avec les béliers, ils négligeoient les moiens ordinaires pour les rendre inutiles, & en détourner les coups en les faififfant par des lacets à laqs courans. Ils fe contentoient d'inquiéter les Romains, par les continuelles forties qu'ils faifoient fur leurs batteries pour tâcher d'y mettre le feu.

Le Conful Fulvius aiant affiégé Ambracie, la garnifon n'eut garde de fuivre l'éxemple de celle d'Héraclée. Elle mit en œuvre tout ce que l'art, l'intelligence & la valeur ont de plus redoutable. C'eft Tite-Live qui nous apprend ceci ; toutes les machines dont on fe fervoit en ce tems-là dans l'attaque des places, parurent dans celle d'Ambracie.

Les Romains formérent cinq attaques; ce qui ne s'étoit peut-être jamais vû dans aucun fége, ni chez les Grecs, ni chez les Romains. Quel appareil de machines ne falloit-il pas? Les murailles étoient très- fortes, les affiégeans élevérent plufieurs , batteries de béliers, qu'ils approchérent des murs de la place: les affiégés les rendirent bientôt inutiles & fans effet par le moien de leurs corbeaux à bacule, au bout defquels ils fufpendirent de groffes maffes de plomb, ou de gros quartiers de pierre d'une énorme pefanteur, qu'ils élevoient & faifoient tomber enfuite fur les béliers; ce qui rompoit la force des coups, ou les détournoit à droit ou à gauche du point fixe auquel ils étoient fufpendus.

Ils n'eurent pas moins à fe défendre contre les corbeaux démoliffeurs, avec lefquels les Romains arrachoient les pierres ébranlées par les béliers, & tiroient à bas les crenaux des murailles de la ville: à ceux-ci les affiégés en oppofoient d'autres; car outre leurs bacules, dont ils fe fervirent pour les rompre & les brifer, ils mirent encore en ufage les corbeaux à laqs courans & à pinces, avec lefquels ils enlevoient pardeffus les murailles, ces grands crocs, ou pates d'ancres enmanchées à de longs bois, & pouffées contre les crenaux pour en arracher les pierres, & les amener à bas.

Le tellenon, fous la figure que Végéce nous le reprefente, eft d'une grande rareté dans les fiéges des anciens. Cette machine ne devoit pas être d'un grand effet puifqu'il fe trouve fi peu d'Auteurs qui en parlent. Stéwechius, dans fon Commentaire fur Végéce, nous en donne la figure: mais il s'en faut bien qu'elle ne foit conforme à fon texte. On ne peut s'empêcher de rire en voiant huit ou dix foldats, enfermés & fufpendus dans un tonneau ou dans un cuvier de haut bord, & deux hommes feulement qui font mouvoir la machine, qui la hauffent & qui t'abaiffent fur une des tours des affiégés, fans qu'il paroiffe que le matéreau en tra

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A.de Putter facit.

CORBEAU A CAGE, OU LE TELLENNON, dont les anciens se servoient pour transporter des hommes sur les deffences des villes assiégées.

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