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J'aurois une infinité de chofes à dire, & d'excellentes obfervations à faire fur ces deux actions de Tyndaride, tant la matiére & abondante, belle & curieufe: je ne m'y arrêterai pas davantage, cela me méneroit où je ne veux pas aller, au moins pour cette fois. Polybe, qui embraffe toutes les parties de la guerre dans les faits qu'il rapporte, nous fournira affez d'occafions d'épuifer tout ce qui regarde les furprifes d'armées par des principes certains & affurés: or comme cette partie de la fcience militaire, & ces principes ne font pas fort connus, qu'aucun de nos Auteurs dogmatiques n'en a écrit, & que c'eft de toutes celle à laquelle je me fuis appliqué avec plus de fuin, je ferai tous les efforts dont je fuis capable pour la pouller aufli loin qu'elle peut aller.

LA

OBSERVATION S.

Sur la bataille navale d'Ecnome.

S. I.

Que l'habileté du Général fupplée au nombre & à la valeur.

A bataille navale, qui fait le fujet de ces obfervations, eft fans contredit une des plus famcufes & des plus mémorables de l'antiquité. Ce qui excite & redouble le plus l'attention & la curiofité des gens du métier, c'est la fcience & l'expérience des Chefs, la direction & l'ordonnance des armées dans les actions générales de la guerre; or toutes ces grandes parties paroiffent ici dans tout leur jour.

Qu'une action ait été longtems & obftinément difputée, fans que la victoire panchât plus d'un côté que de l'autre; que cette Décffe fe foit enfin déterminée pour le plus fort, & pour le plus brave, cela ne prouvera jamais que le victorieux foit un grand Capitaine; en eût-il gagné dix de cette nature, il ne recevra ce glorieux titre que de la part de ceux qui n'étant pas du métier, l'accordent indifféremment au vainqueur ignorant, & au vainqueur habile. Mais les connoiffeurs ne prodiguent pas ainfi leur encens. Ils favent diftinguer entre fait de hazard, où de routine, & fait de conduite ou d'habileté. Ils n'écrivent pas alors du camp à leurs amis: M. tel a gagné une bataille, mais, nous avons gagné une bataille. En effet qui eft-ce qui pour l'ordinaire a l'unique part à l'honneur de la victoire? Ce n'eft pas fans doute le Général. Il range fon armée felon la coûtume, & tout fe gouverne felon cette coûtume, autant d'un côté que de l'autre. Tout s'ébranle du même mouvement, l'on en vient aux prifes; & lorfqu'on actionne de la forte, c'eft le hazard ou la valeur du foldat qui décide: le Général n'y est presque pour rien. Le vainqueur cft heureux, & le vaincu malheureux. Celui-ci a fait une multitude de fautes, il falloit qu'il fût battu : l'autre n'a pas moins bronché, mais beaucoup moins lourdement: il faut qu'il foit victorieux.

Pour bien juger d'une victoire, il ne faut pas tant la confidérer en elle-même, que dans les moiens dont on s'eft fervi pour la gagner. C'eft uniquement la difpofition dans une bataille rangée, qui doit régler notre jugement dans le blâme comme” dans la louange. Il n'y a que les experts dans le métier qui foient capables de cette analyfe militaire.

La gloire des armées, foit de mer ou de terre, dépend bien moins du nombre, ou de la valeur des troupes, que de l'excellence de l'ordre de bataille, le nombre ou la valeur fût-elle égale, & même fupérieure de l'autre côté. D'où vient que les Grecs, & après eux les Romains, envioient fi peu la fuperiorité du nombre aux nations barbares contre lesquelles ils étoient en guerre? D'où vient même qu'ils les méprifoient, quoiqu'ils inondaffent les campagnes de leurs troupes? Quelle pouvoit être la cause de ce mépris? Etoit-ce la confiance en leur courage, & là lâcheté de ceux contre lefquels ils combattoient? Mais ils n'ont pas toujours eu à combattre contre des laches. Ils n'ont pas toujours eu en tête des Perfes efféminés; ces Perfes mêmes, dont on décrie tant la valeur, n'ont été fi méprifables, que parce qu'ils manquoient de Chefs capables de les commander, & de difcipliner leurs armées; combien d'éxemples ne le démontrent-ils pas? Memnon n'en eft-il pas une preuve vifible? Le paffage du Granique, que celui-ci défendit contre Alexandre le Grand, marque-t-il la lâcheté des Perfes? Si Alexandre eût eu longtems un tel antagoniste, cette belle espérance de la conquête de l'Afie eût été une vraie chimére. Le projet de Memnon étoit fi beau & fi fenfé, que s'il eût été fuivi, tout eût abouti au paffage du Granique, & peut-être Alexandre ne l'eût-il jamais traverfé. Laiffons là ces Perfes, & revenons aux Grecs. N'eurent-ils jamais que des Afiatiques à combattre? Ils ont fouvent trouvé des ennemis, qu'ils appelloient barbares, qui les valoient bien, & qui valoicnt plus même du côté de la valeur, ou tout au moins le courage étoit pareil. Il n'y avoit de différence que dans les Généraux. Ceux des Grecs étoient très-habiles & très-profonds dans la tactique, ou dans l'art de fe ranger & de combattre, & les autres très-ignorans ; la méthode des premiers étant iufiniment meilleure & plus profonde, il falloit qu'elle furmontat l'autre. Une favante difpofition accompagnée de l'avantage des armes, & de la difcipline, fuppléoit au défaut du nombre & de la valeur.

Ceux, qui ne font cas des guerres qu'à proportion du nombre des troupes qui combattent de part & d'autre, & qui dédaignent toute guerre qui n'eft pas groffe, & qui ne leur préfente que de petits objets, feront fervis très-abondamment, & felon leur goût, dans celle-ci. Le prodigieux nombre de troupes & de vaiffeaux, qui combattirent des deux côtés, eft à peine croiable. Ce qu'il y a de plus furprenant, c'est que deux fi nombreufes flottes ne fuffent compofées que des feules forces des deux Républiques. Carthage étoit affez puiffante pour fournir à cette dépense: mais que Rome ait pû mettre une telle puiffance en mer, & fe mefurer avec Carthage en fait de marine, cela furprend. Les Romains étoient fi pauvres & fi peu confiderables en ce tems-là, qu'on ne peut coucevoir comment, & par quels moiens ils ont pû dreffer une flotte fi formidable de navires de guerre & de charge équipés de tout point; mais ce qui m'étonne le plus, c'eft que cette République montée au plus haut point de fa gloire & de fa grandeur, n'ait jamais pû pouffer auffi loin fes forces navales; c'eft ce qui fait auffi l'étonnement de Polybe, qui vécut affez pour voir Rome dans les deux extrémités oppofees, c'eft-à-dire devant & après la feconde guerre Punique. J'avoue que les Perfes ont combattu avec de plus grandes forces à la bataille navale de Salamine; mais fi l'on fait attention à la puiffance & aux richeffes prodigieufes de ces peuples, & au nombre de leurs alliés, on n'aura aucun lieu d'être furpris qu'ils aient pû dreffer une flotte de 1207. vaiffeaux de guerre, fur laquelle on comptoit plus de 500000. hommes d'équipage; mais ce qui confirme ici la vérité que je viens de prouver, c'eft que cette fameufe flotte fut battue par une autre de 217. navires: quoique très-inférieure en nombre, elle l'emporta fur celle de Xerxés, par l'adreffe & l'intelligence des Généraux, & le courage des troupes, dreffées & expérimentées aux combats de mer. Les Généraux, qui ne fe croient jamais affez forts, apprendront de là,

que dans les batailles rangées, la valeur foutenuë de la fupériorité du nombre, eft de peu de conféquence contre un Chef d'armée foible, mais habile & éclairé, qui oppofe une difpofition plus favante & plus rufée à fon ennemi. On ne fauroit attribuër la défaite des Carthaginois à leur foibleffe, puifqu'ils étoient infiniment fupérieurs aux Romains ni au défaut de courage & d'expérience, ils ne manquérent jamais de ce côté-là, mais feulement dans la difpofition de leur ordre de bataille.

Motif de la bataille.

S. VI.

Ordonnance des deux armées.
Romains, quoique victorieux.

Ette fameufe action se paffa entre Héraclée & Ecnome.

Fautes des Amiraux

Notre Auteur nous ap

C que le étoit de paffer en d'en faire le

de la guerre, afin que les Carthaginois n'euffent plus la Sicile à défendre; mais eux mêmes,& leur propre pais. Le Sénat de Carthage jugea affez par les grands préparatifs des Romains, qu'ils en vouloient à l'Afrique. L'entreprise n'étoit pas difficile. La fameufe diverfion d'Agatocles leur étoit affez préfente. Celle des Romains leur fembla bien plus à craindre & plus redoutable, ils n'avoient aucune frontiére, ni aucune place qui couvrit Carthage; toutes ces raifons les déterminérent à des efforts conformes aux maux qui les menaçoient. Ils fongérent à éloigner les Romains de leurs côtes, & de les aller combattre fur celles de la Sicile.

Les Romains ne dûrent pas être fachés d'engager un combat loin du voifinage de l'Afrique, où tout leur étoit ennemi, & où ils n'avoient ni parti ni intelligence: car fi la fortune leur eût été contraire, leur retraite en Sicile devenoit très-difficile & très-dangereufe, & leur perte manifefte.

L'ordre de bataille des Romains cft très-aifé à comprendre, quoique moins fimple, que celui des Carthaginois. Il me paroît profond, mais bien hazardeux, & fujet à de grands inconvéniens. Il n'étoit propre que dans une mer calme & tranquille. Cet ordre avoit été prémedité & concerté dans le cabinet entre les deux Confuls, au cas que le tems le permit. Il fe trouva conforme à leurs defirs, le moindre vent eût dérangé toute l'économie de l'ordre, & la confufion n'eût pas manqué de s'y mettre. Cet ordre eùt fans doute été différent, fi la mer n'eût pas été calme. La prudence demande que l'on prenne fes mefures de loin, afin que quelque changement qu'il arrive au tems & aux conjonctures, on ne foit pas obligé à cet avcu, plus honteux au Général d'armée qu'au fage, je n'y avois pas penfé.

On a cet avantage dans la guerre de mer, que l'on peut fe former un plan de conduite prefque certain pour toute la campagne; ce n'eft pas la même chofe fur terre, il eft difficile d'y établir rien d'affuré, parce qu'elle eft fujette à de plus grandes variations & à des précautions incommodes, par la différence des lieux & des païs. Un Général y eft obligé de changer autant de fois fes ordres & fes mouvemens, qu'il voit de différence dans les lieux où il campe, où il marche, & où il combat. Pour cela quel coup d'œil, quelle capacité, quelle expérience, quelle fcience des grandes manoeuvres ne faut-il pas? Ajoutez l'attention & l'inquiétude où il eft pour fes vivres, & pour les places d'où il les tire. Mais dans la guerre de mer, bien que les vents ne foient pas toujours favorables à nos deffeins, à moins qu'ils ne foient tout à fait contraires, l'on forme fon ordre de bataille, & l'on combat felon le fyftéme qu'on s'est propofé dans le cabinet, fans y changer beaucoup, parce que la mer eft toujours autant pour l'un que pour l'autre. Un Amiral fe trouve peu embaraffé fur fa difpofition. Les

voiles fe tournent; mais dans la guerre de terre on ne fuit pas toujours la route qu'on s'eft propofé de tenir.

Les Romains avoient leur droite vers la côte, & les Carthaginois leur gauche. L'ordonnance des premiers paroîtra fans doute finguliére, & elle l'eft en effet. Les obfervations que nous allons faire fur cet ordre, donneront une idée fort avantageuse de l'habileté & de l'expérience des Amiraux Romains, & feront voir qu'ils redoutoient bien moins le nombre & le courage de leurs ennemis, que la légéreté de leurs bâtimens.

Ce qui les détermina à hazarder cet ordre de bataille, qui n'avoit guéres d'exemples fur mer, c'eft que leurs navires n'étoient ni fi fins, ni fi légers aux manoeuvres que ceux des Carthaginois. Ils craignirent encore: que fe formant fur plufieurs lignes, felon la coûtume ordinaire, (car en ce tems-là, comme aujourd'hui, on n'avoit guéres qu'une méthode,) les ennemis ne les doublaffent à caufe de leur nombre, & ne fe coulaffent entre-deux en même tems fans pouvoir les éviter. Ils penférent encore à fe ranger de telle forte qu'ils pûffent faire front de tous côtés, de peur que les Carthaginois, qui étoient en beaucoup plus grand nombre, ne les doublaffent ou ne gagnaffent les côtés: outre que par cet ordre ils fe mettoient en état de faire ufage de leurs corbeaux, & par conféquent d'attirer les Carthaginois à l'abordage.

Ils formérent leur premier ordre (2) en figure triangulaire, la ligne (3) oppofée à l'angle én formoit la bafe. Ce triangle étoit foutenu & flanqué d'une ligne de vailfeaux de charge (4) qui s'étendoient fort au loin des deux côtés, & fur lefquels on avoit embarqué les troupes de débarquement. Ces navires de charge étoient encore foutenus d'une autre ligne (5) qui débordoit, & s'étendoit bien au-delà de celle qui la précédoit. Voilà en peu de mots l'ordonnance de l'armée Romaine.

Outre les raifons qu'ils eurent de fe ranger ainfi, ils craignoient extrêmement les rufes Africaines; ils crurent obliger par là leurs ennemis à les abandonner, &. à mettre toutes leurs efpérances dans le nombre de leurs troupes & dans leur propre courage: c'eft fur quoi les Confuls comptoient le moins, ils fe trompoient peut-être.

Ils étendirent autant qu'ils purent les Triaires, c'eft le terme dont l'Auteur fe fert pour fignifier le dernier ordre,) non feulement dans le deffein de couvrir leurs vaiffeaux de charge, mais encore pour s'empêcher d'être doublés & envelopés, & voir d'un coup d'oeil ce qui fe paffoit à la premiére flotte (2) pour la fecourir au befoin; car quoiqu'elle fe foutint par elle-même, & que la bafe ou la ligne (3) pût également fe porter par tout: par là chaque ligne fe foutenoit réciproquement.

On peut voir, par toute cette difpofition, qu'ils obligeoient l'ennemi à attaquer avec plus de mefures, & à mettre leur principal à cette premiére tête; car bien que les Carthaginois furpaffaffent, ou débordaffent les Romains à leurs aîles, il leur étoit moins aifé de doubler & d'enveloper le tout, que fi les Romains fe fuffènt rangés dans l'ordre ordinaire de bataille. Leur droite (6) qui tenoit prefque à la côte, étoit plus difficile à embraffer & à ceindre que leur gauche (7). Il falloit des forces doubles pour attaquer le tout enfemble. Cet ordre de bataille me paroît beau & profondément médité contre un ennemi fupérieur, par rapport au tems & à la nature des bâtimens, qui n'étoient autres que des galéres, à qui toute difpofition & toute figure eft propre dans une mer calme & unie. Ce qui me confirme dans mon opinion, eft l'ordre de bataille de l'armée Venitienne contre celle des Turcs auprès de la Canée en 1647. dont il m'eft tombé une eftampe gravée entre les mains. Les Venitiens, qui ne fe battirent pas par le peu de réfolution de leurs Généraux, formérent un triangle de leurs galéres, dont la Tome I.

N

bafe étoit fermée d'une ligne de fix galeaffes, foutenues d'une autre ligne de galéres, qui formoient une courbe, avec une referve partagée en trois corps.

Les Amiraux Carthaginois, ou pour mieux dire, Amilcar jugea à l'aspect de toute cette difpofition des Romains, qu'il n'y avoit pas d'autre parti à prendre, que de faire enforte de détacher & de féparer le premier ordre des deux autres. Il vit bien qu'il n'étoit pas aifé de réuffir par la force ouverte, s'il n'y ajoutoit la rufe & le ftratagême. Il pense à une fauffe retraite, ou à une fuite fimulée à fon centre.

Les Confuls fe préfentérent dans cet ordre au front des Carthaginois. Ceux-ci confidérant l'ordonnance de l'armée Romaine, dit Polybe,rangent les trois quarts de leur. armée fur une feule ligne, étendant leur droite en haute mer... La quatrième partie, qui faifoit l'alle gauche de toute l'armée, étoit difpofée en forme de tenaille,& tiroit vers la terre. Jufques ici l'on voit clair, mais il faut bien fe garder de croire, que ce quatriéme corps fût autre chofe qu'un nombre de vaiffeaux ou de galéres, qui replioient à la premiére ou à la feconde ligne; le deffein de cette tenaille (9), qui eft ce que nous appellons aujourd'hui potence, étoit fondé fur plufieurs raifons qui font fort aifées à comprendre. Le Général Carthaginois s'étoit propofé de feindre une retraite, ou une fuite à fon centre, s'attendant bien que Régulus, trompé par ce ftatagême,ne manqueroit pas de lui donner la chaffe. Il efpéroit par là de le féparer du refte de fa flotte & de l'en éloigner fi fort, qu'il auroit le tems de fe replier deffus, de le doubler, & de l'enveloper de fes deux grandes aîles, pendant que la tenaille (9) à fa gauche, & une partie de fa droite (10) tomberoient fur les deux lignes (4) (5). D'ailleurs en formant une tenaille plutôt qu'une ligne ou une referve, il falloit moins de tems & une manœuvre plus fimple pour arriver fur (4) & (5).

Tel fut le projet de ce Capitaine, & le fujet de la tenaille : je laiffe aux connoiffeurs de juger de cette difpofition. Je ne fai s'il n'eût pas fait plus prudemment de former un rentrant. Il fe fût trouvé par cette difpofition fur les côtés du premier ordre; car en fuiant & fe refufant au centre (11), il faifoit en même tems avancer fes ailes fur (4) & fur (5), pendant que le premier ordre (2) s'en éloigneroit. Les Turcs s'étoient rangés en formant le croiflant, avec de groffes referves obliques, contre les Venitiens, dans l'éxemple que j'ai cité plus haut, & l'une & l'autre de ces deux difpofitions me paroiffent infiniment meilleures que celles des Romains & des Cathaginois. Peut-être que c'étoit l'intention de Hannon de former une courbe de toute fa ligne, & que l'éxécution ne répondit pas au projet.

Quoiqu'il en foit, il fe forma fur une feule ligne. Dans le deffein où il étoit de n'avoir affaire qu'à l'angle du premier ordre, où étoient les Amiraux, & de leur donner amorce en cédant & en reculant, il étoit de fon intérêt de leur faire paroître fon ordre le plus mince qu'il lui feroit poffible. Moins le centre étoit fort, plus il devoit tenter les Romains.

Les Confuls ne fe précautionnérent pas contre ce piége, parce qu'ils n'avoient pas affez bonne opinion de l'Amiral Carthaginois, pour le croire capable de féparer leur premier ordre des deux autres, & de le faire courir après une ombre, pour ainfi dire, pendant que l'ennemi accableroit de fes forces ce qui leur importoit fi fort de ne point abandonner. Si les Confuls fe fuflent maintenus dans leur ordre, & toujours unis, ils n'euffent pas rifqué fi imprudemment leurs forces & leur réputation: fe confervant unis, il eût été difficile à Hannon, quelques précautions qu'il eût prifes, de venir à bout de les rompre, parce que chaque ordre tiroit fa défenfe de l'autre. Sans cette faute, la rufe du Carthaginois fût allée à rien; elle alla à rien auffi par la làcheté d'Amilcar, qui cût pû revirer & donner bien des affaires aux Romains.

A quel deffein l'efcadre (13) eft-elle ainfi éloignée du refte de l'armée Carthaginoife,

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