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RECUEIL D'ANTIQUITÉS

ÉGYPTIENNES, ETRUSQUES, GRECQUES ET ROMAINES.

PREMIERE PARTIE.

DES ÉGYPTIENS.

'ORIGINE des Egyptiens fe perd dans les temps fabuleux; & l'hiftoire ne nous apprend rien des commencemens de ce Peuple. Il s'y montre d'abord avec des traits de fageffe & de grandeur qui cara&térisent toutes fes idées. Nous le voyons environné des Arts, qu'il a approfondis, parce qu'il en a connu la vafte étendue & toutes les fineffes : & comme l'Egypte eft la source où les Anciens ont puifé les

Tome I.

A

de

principes du goût, nous ne pouvons mieux faire que commencer par elles l'examen des monumens échappés à la barbarie des temps.

Les myftères dont les Egyptiens ont enveloppé leur Religion, pour lui concilier plus de refpect, ont couvert leur hiftoire même d'un voile impénétrable; & ce Peuple qui fembloit ne vouloir travailler que pour la poftérité, n'a pas prévû qu'en employant une écriture fymbolique, connue fous le nom d'hiéroglyphes, il mettoit lui-même obftacle à fon deffein: tant il eft vrai que les vûes des hommes font bornées & très-imparfaites.

Les antiquités Egyptiennes font donc de nature à ne pouvoir être parfaitement éclaircies. Il faut le plus fouvent fe contenter d'entrevoir quelques pensées ; & l'explication, telle qu'on eft en état de la donner aujourd'hui, ne fçauroit jetter affez de lumiére fur aucun point de l'hiftoire. La connoiffance qu'il nous eft poffible d'avoir de ce Peuple, eft renfermée dans un petit nombre de figures & de caractères. Malheureusement encore, le peu que nous en fçavons eft couvert d'obfcurité, & fe reffent du myftère qui regnoit dans ce pays. C'est pourquoi je ferai obligé de remettre fous les yeux du Lecteur une partie des conjectures déja propofées; & même de les tirer quelquefois des Auteurs modernes. Cependant je tâcherai de tomber rarement dans ces fortes de répétions; & je m'attacherai aux morceaux qui n'ont point été rapportés, ou dont l'explication m'a présenté quelque chofe de nouveau. J'aurois voulu ne pas confondre les temps, & comme je l'ai fouvent remarqué, diftinguer la plus haute antiquité, du fiécle des Ptolémées ; mais, pour s'en bien acquiter, il faudroit avoir plus de morceaux de comparaifon. J'ai, fur-tout, eu foin de marquer le temps qui fe reffent de la domination des Romains, ce qui n'a point été difficile; car c'eft-là l'époque du mauvais goût : au lieu que les Egyptiens, par l'élévation & la noblesse de leurs penfées, avoient infpiré aux Etrufques & aux

Grecs un goût für & décidé pour les Sciences & les Arts. En effet, leur commerce avec tout autre Peuple n'a fervi qu'à augmenter leur gloire, puifqu'on eft venu apprendre chez eux ce qu'ils ont bien voulu tranfmettre aux Nations étrangères. S'ils ont fait des conquêtes, s'ils ont voyagé, ces faits n'ont aucun rapport à l'Europe; car il eft conftant qu'ils n'ont jamais aimé la navigation. D'ailleurs, quel pays auroient-ils pû trouver, je ne dis pas feulement fur les Côtes de la Méditerranée, mais dans les autres Parties du monde dont ils étoient environnés, qui fût comparable à celui qu'ils habitoient, foit pour la fertilité, foit pour la facilité de la culture, foit enfin pour la magnificence? quels fecours auroient-ils pû tirer de la barbarie de l'Europe? quelles lumiéres auroient pû les éclairer dans des pays qui n'avoient d'autres connoiffances que celles qu'ils avoient entrevûes dans l'Egypte même ? Ils étoient fages, modérés, foumis : ils fuivoient tous la profeffion de leurs parens. Le même efprit de conftance regnoit dans tous leurs ufages, auxquels ils étoient fort attachés: il paroît enfin qu'ils étoient heureux. Je n'en dirai pas davantage fur cet article, ne pouvant rien ajoûter à l'élégante defcription de ce Pays faite par M. Boffuet: elle ne laiffe rien à désirer, & j'y renvoye le Lecteur. Cependant le deffein de ce grand homme, qui étoit d'écrire une Hiftoire univerfelle, ne lui ayant pas permis d'entrer dans un certain détail fur les Arts, je vais expofer en peu de mots les réflexions que j'ai faites fur les Egyptiens, après avoir lû les Auteurs anciens, les Voyageurs modernes, & examiné les monumens.

L'Architecture me paroît être l'Art auquel ils fe font le plus appliqués, non celle qui frappe par une agréable harmonie, &qui annonce dès le premier coup d'oeil la nature de la chofe qu'elle décore; mais la bâtiffe folide & majeftueuse, où l'on voit le germe de tout ce que les Grecs ont fçu y découvrir. Les Egyptiens n'ont pas connu

les Ordres, c'eft-à-dire, qu'ils n'ont pas été foumis à des proportions. Inventeurs, ils ont fait ce qui leur convenoit, & ne paroiffent pas avoir admis rien d'inutile. Ils ont employés les pilaftres & les colomnes; ils les ont ornés de chapiteaux, de bandeaux, de bases & de cannelures ils ont profilé & décoré les entablemens : mais il y a apparence que tous ces ornemens ont été arbitraires, puifqu'ils n'ont jamais été répétés; & c'eft ce qu'il eft aifé de voir dans plufieurs Auteurs modernes, & fur-tout dans Pocock, où l'on peut du moins diftinguer la variété de toutes ces parties, & fe former une idée du développement qui s'y trouve rapporté. A l'égard des colomnes, je crois qu'ils ne les ont pas feulement regardées comme un moyen folide, , pour percer & allegir à l'œil les espaces immenfes que leurs bâtimens occupoient; mais qu'elles leur étoient néceffaires pour foutenir leurs plafonds, puifqu'ils ignoroient abfolument l'art de faire des voûtes. Les defcriptions des deux Labyrinthes, & des ruines de Thèbes, dans Hérodote & dans nos Voyageurs, élévent l'efprit. Nous ne voyons cependant que les mauvaises gravûres qui les représentent, ou de foibles deffeins, plus capables de détruire une idée, que de l'embellir. La grandeur des pierres que les Egyptiens ont mifes en œuvre, eft seule capable d'exciter l'admiration. Quelle patience n'a-t-il pas fallu pour les tailler! quelles forces pour les mettre en place! Mais ces objets, quelque considérables qu'ils foient, s'évanouiffent, pour ainfi dire, quand on se rappelle l'idée fe des Pyramides & du Lac Moris. Ces monumens font des fources intariffables d'étonnement, par la grandeur de l'entreprise, à laquelle il paroît que le fuccès a toujours répondu. L'art de conftruire les voûtes a donc été inconnu aux Egyptiens; & fi l'on en trouve dans leur pays, il faut les regarder comme une fuite de leur commerce avec les Grecs & les Romains. On observera encore que, quand même les bois auroient été communs en Egypte, les

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