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favoir avec beaucoup de certitude, que cette colonie Angloise passa en Islande dans le cinquième fiècle (a); mais je n'entreprendrai point de porter une décifion dans une affaire fi peu éclaircie. Il est toujours très-vraisemblable que les Anglois & les Irlandois connurent l'Iflande, quoique fous un autre nom, long-temps avant l'arrivée des Norwégiens; le vénérable Beda le marque bien clairement (b). Mais voilà affez

mentionnée par ce même Are Frode, (appelé en latin Ara Multifcius) dans fes Schedis de Iflandia, à Oxford 1716, in-8. chap. 2, p. 10; c'est là qu'il est dit que les Irlandois n'avoient pas voulu vivre avec des payens, & que par cette raison ils s'étoient en allés, laiffant aux habitans des livres irlandois, avec des cloches & des croffes. Il feroit difficile de dire où fe retirèrent les habitans payens, après l'arrivée des Norwégiens en Islande. Je ne me rappelle pas même d'en avoir trouvé la moindre trace dans aucune Saga des Islandois. Apparemment qu'ils passèrent en Angleterre & en Irlande, d'où leurs pères étoient anciennement venus.

(a) Hornius Orig. Amer. p. 158.

(b) Beda eft mort en 735. Dans la Saga d'Olof Triggv. vol. II, p. 10, édition de Skallholt, on trouve l'extrait fuivant d'un des écrits de Beda, traduit en Iflandois: Tantum illa infula à Britannia diftat, ut non minus quam fex diebus illuc navigari poffit. Nulla illic folftitio aftivo nocles, & nulli contra per brumam dies.

de raisonnemens fur ce que pouvoient être les premiers habitans du pays. Cherchons à savoir comment les Norwégiens font venus s'y établir. Les Sagas (a) Iflandoifes nous donnent fur ce point d'amples notions. Je prendrai pour guide le Landnama-bok, qui traite de l'arrivée de ces nouveaux colons ou envahiffeurs.

Naddodr, fameux pirate, fut jeté par le vent fur les côtes d'Iflande en 861, retournant de la Norwège à l'île Ferroé. La grande quantité de neige qu'il vit fur les montagnes, lui fit appeler ce pays Snio-land ( pays de neige). Il n'y fit pas un long féjour; mais à fon retour, il vanta tant le pays, que Gardar (b) Suafarfon, Suédois d'un génie entreprenant, établi en Zélande, amorcé par les belles chofes que Naddodr racontoit de l'Islande, forma le projet d'aller chercher ce pays. Il y paffa en effet en 864; &, après avoir fait le tour de cette île, il lui donna le nom de Gardars

(a) Note de l'Editeur Anglois. Le mot Saga fignifie les monumens de l'ancienne hiftoire. Quelques-unes de ces Sagas font des relations hiftoriques, tandis que d'autres ne font que la fable écrite dans le style des contes arabes. La différence à faire entre ces Sagas, demande une critique fine & judicieuse.

(b) Landnama-bok, p. 3.

holmur (île de Gardar ). Après avoir féjourné tout l'hiver en Iflande, il s'en retourna en Norwège au printemps fuivant ; & il y parla de cette île, comme d'un pays fort agréable, très-fertile & rempli de bois. Un nommé Floke, pareillement Suédois de nation, un des plus grands navigateurs de fon temps, conçut auffi l'idée d'entreprendre un voyage à cette île. La bouffole (en iflandois Leitharftein) (a) n'étant pas encore connue, il prit trois corbeaux, qui devoient diriger fa route vers le pays qu'il alloit découvrir. Il fit en paffant une vifite à fes amis à Ferroé. A une certaine hauteur au Nord de cette île, il lâcha le premier corbeau, qui auffitôt retourna à Ferroé, qu'il venoit de quitter. Le fecond, lâché peu après, & n'ayant pas trouvé de terre, revint à bord. L'effai

(a) Note de l'Editeur Anglois. Le mot islandois Leitharftein répond à celui des Anglois Loadstone, qu'ils dérivent d'une même origine. Le mot Ladan, anglofaxon, fignifie guider; l'aiguille aimantée ou la bouffole étant le guide des navigateurs, il est évident que le mot Loadstone fignifie la pierre qui guide le vaiffeau en mer. L'histoire des trois corbeaux eft évidemment une copie du déluge dans la Genèse; elle ne fait pas moins juger de la capacité peu commune de Floke, qui fe fervit d'oiseaux pour découvrir un pays.

qu'il (a) fit du troifième lui réuffit mieux. Celui-ci alla en droiture à l'île d'Iflande. En effet Floke découvrit bientôt l'île, & y aborda peu de jours après. Il y refta tout l'hiver avec fes compagnons. La quantité de glaces que Floke trouva au nord de cette île, le porta à lui donner le nom d'Iflande (pays de glaces); & elle l'a confervé depuis.

De retour en Norwège, le printemps d'après, Floke & fes compagnons parlèrent bien diversement de l'île qu'ils venoient de voir. Si Floke n'en faifoit pas un tableau fort agréable, Thorulfr, un de fes compagnons de voyage, portoit fi loin fes éloges, qu'il foutint que chaque brin d'herbe y diftilloit le beurre ; d'où eft venu le fobriquet qui est resté à ce navigateur, de Smior ou Smoer Thorulfr,( Thorulfr de beurre) (b).

(a) Les oifeaux étoient l'unique reffource des navigateurs, avant que les propriétés de l'aimant euffent été appliquées à la marine. Noé lâcha fucceffivement un corbeau & un pigeon. La fable nous dit auffi que les Argonautes lâchèrent de même un pigeon, pour s'affurer qu'ils pouvoient se hasarder à paffer entre les roches Cyanées ou Simplegades. Note du Trad.

(b) Note de l'Editeur Anglois. Le terme dont s'eft fervi Thorulfr, pour exprimer la fertilité & la richesse

On ignore fi, depuis cette dernière époque, quelques autres n'entreprirent point le voyage d'Iflande, jufqu'à celui d'Ingolfr & de Leifr en 874 (a). Ils trouvèrent qu'il n'y avoit rien d'exagéré dans l'éloge qui avoit été fait de ce pays. Après y avoir paffé l'hiver, ils réfolurent d'y fixer leur demeure. Ingolfr retourna en Norwège pour prendre les arrangemens néceffaires au nouvel établissement qu'il méditoit. Pendant fon abfence, Leifr alla porter les armes en Angleterre. Ce fut au bout de quatre ans que ces deux amis fe rejoignirent en Iflande, l'un ayant amené avec lui une nombreuse suite, & s'étant pourvu de tous les uftenfiles néceffaires pour le labour de la terre ; & l'autre ayant apporté des coffres pleins d'or. Depuis cette époque il paffa dans cette île un fi grand nombre d'émigrans de divers autres pays, que, dans un espace de moins de foixante ans, l'île fe trouva abondam

du pays, est un trait caractéristique du génie & des mœurs de fon temps. Il peint avec beaucoup de délicateffe la fimplicité de ces anciens temps, & la place fous le point de vue le plus intéressant, lorsqu'on la compare avec les mœurs actuelles.

(a) Landnama-bok. Item. Arngrim. Jon., Torfæus, Finnæus & plufieurs autres. Item. Annal. If. par Langebek, tom. II, p. 187.

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