Thorvard Bodvarfon fit cependant bâtir une église en 984. Quelques habitans reçurent le baptême; d'autres, fans être trop oppofés au chriftianisme, ne purent point se laiffer perfuader de recevoir ce facrement. Ils prétendoient que de c'étoit bleffer les règles de la décence, que defcendre dans l'eau nus comme des enfans. C'étoit l'ufage alors d'adminiftrer le baptême par l'immerfion (a). Quelques-uns confentoient à manifefter leur renonciation au paganisme, en fouffrant qu'on fît fur eux des fignes de croix; ce qui étoit connu fous le nom de primfigning. Ceux qui s'étoient prêtés à cette cérémonie étoient regardés comme n'étant ni tout-à-fait Payens, ni tout-à-fait Chrétiens. Il leur étoit permis de manger avec ceux-ci; &, après leur mort, ils avoient leur fépulture à côté & en dehors de l'enceinte de leur cimetière.

Olof Tryggvafon envoya enfuite en Islande Stefr Thorgilson, & après celui-ci Thangbrand, fon aumônier, Allemand de nation. Ils furent tous deux reçus à coups de pierres & avec des invectives, lorfqu'ils parlèrent de converfion. Cela fe paffa dans l'Al-thing, qui étoit le lieu même où se tenoit la cour ordinaire de juf

(a) Ol. Tr. Saga, vol. 2, p. 41.

tice. Ils ne furent pas non plus ménagés des poëtes du pays, qui fe laiffèrent gagner par de l'argent, pour affaifonner leurs Sagas des traits les plus piquans contre les champions de cette nouvelle doârine (a).

Tout cela ne put cependant point empêcher que les Iflandois ne priffent une connoiffance plus étendue de la religion chrétienne, dont la fainte morale gagna peu à peu leurs efprits. Quelques-uns commencèrent à ne plus vouloir rien payer pour les facrifices idolâtres & ils marquèrent le defir d'avoir des éclairciffemens plus détaillés & plus fûrs concernant la nouvelle religion. A l'arrivée de Giffur & de Hjalti, en l'an 1000, en Islande, tous les habitans furent convertis & embraffèrent cette religion, fans qu'il y eût d'effufion de fang, mais non par-tout fans quelques difficultés. Il leur fut donné auffitôt un droit canon, compofé par l'évêque Grimkell, qui eut force de loi jufqu'en 1123. Dans cette année il fut complétement refait par les évêques Thorlak & Kettill (b).

On vit bientôt l'Iflande fe remplir de cou

(a) Kristnis Saga, édit. de Copenhague, p. 51.
(b) Imprimé in-8. à Copenhague, 1776.

vens & de moines. Il s'y établit des Bénédictins & des Auguftins, & les habitans payèrent, comme les autres nations Européennes, le tribut ordinaire au fiège de Rome. Cet impôt confiftoit en un Nagli, dont dix étoient évalués à une aune (a) ( deux pieds ).

Quelque éloignée de Rome que fût l'Islande, les papes ne perdoient pas cette île de vue. Lors du fecond concile qui fe tint à Lyon en 1274, fous Grégoire X, l'évêque de Skallholt y envoya Sighvater Lande, chanoine de Drontheim, en qualité de fon plénipotentiaire. Les Iflandois ne cédoient en rien au zèle religieux des autres peuples de la chrétienté, & ils le prouvèrent affez par l'ardeur avec laquelle ils fourniffoient, à différentes reprises, de l'argent & des hommes pour les Croifades, qui étoient alors fort en vogue.

Parmi les faints de cette île, on comptoit

(a) En Islande la valeur de tout est mesurée à l'aune de wadmal (drap groffier qui fe fabrique dans le pays). Le fiège de Rome taxoit chaque homme en Islande, à la valeur de dix aunes de wadmal. L'aune de wadmal, comme il eft marqué dans la dix-neuvième. Lettre, est égale à deux poissons, dont quarante-huit correspondent à une rixdale, qui fait 4 liv. 16 fous, argent de France.

l'évêque de Hoolum, John Oegmundsson, & Thorlak Thorhallsson, évêque de Skallholt, en qui les habitans avoient une grande dévotion. Ce dernier, qui mourut en 1193, n'a été canonifé d'aucun pape; mais cela n'a pas empêché qu'il n'ait été révéré comme un faint en plufieurs endroits de l'île (a), ainsi qu'en Danemarck, en Norwège, en Angleterre, en Ecoffe, aux Orcades, à Ferroé & en Groenland. Il a même eu une église à Conftantinople. Sa Saga (que l'on prétend avoir été écrite par lui) eft remplie de relations de miracles.

Il avoit été convenu d'un consentement unanime qu'on célébreroit annuellement, le 10 janvier, l'anniversaire de fa mort, & le 3 juillet celui de fon élévation à la dignité épiscopale. Le corps de cet évêque fut retiré de fa tombe le 13 août 1198, & on l'enferma dans une efpèce de châffe, formée de plaques d'or & d'argent. Il fut pareillement ordonné que ce jour-là feroit fêté chaque année. Giffur Ejnar

(a) L'évêque Finnfon, dans fon Hift. Eccl. vol. I, p. 298, dit que l'évêque Thorlak fut révéré comme un faint en Suède. Nos anciens calendriers n'en portent aucune trace. Le 10 janvier étoit confacré à Paul Hermite, & le 13 août à Hyppolitus & Lociis Martii.

fon, premier évêque Proteftant, animé par un faux zèle, fit dépouiller cette châffe de fes riches ornemens en y fubftituant du cuivre émaillé. Elle fe voit encore dans l'églife de Skallholt, où elle eft gardée comme un monument précieux d'antiquité. L'évêque John Widalin fit enterrer en 1715 ces prétendues reliques, & on ne montre aujourd'hui qu'une partie du crâne, qui, ayant été examiné, s'eft trouvé être une noix de coco (a). Arcimbold, fameux dans le Nord par les indulgences, dont il faifoit trafic, étoit trop altéré de la foif des richeffes, pour négliger P'Iflande. En 1517 il y envoya un agent, que l'évêque Stephen Jonsson reçut avec une froideur à laquelle Arcimbold ne fe feroit point attendu.

y

Les Iflandois reçurent leurs premiers évêques en 1057 à Skallholt, & en 1107 à Hoolum. Ces évêques étoient d'abord fous la juridi&ion des archevêques de Brème & de Hambourg. Ils paffèrent en 1103 ou 1104 fous celle d'Azerus (b),

(a) Finn. Hift. Ecclef. I. I. 287. Item. Voyage d'Egg. Ol. p. 1033.

(b) Communément appelé Auffur dans les annales & Sagas Iflandoifes,