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d'œuvre poétique. Quoique les Iflandois ne produifent plus rien à préfent qui puiffe lui être comparé, je compte à mon retour vous faire voir quelques morceaux, d'après lefquels vous jugerez que leurs écrits ne manquent ni de beauté dans le ftyle, ni de fublime & de pathétique. Préfentement je vais reconnoître avec vous les limites dans lesquelles cette langue s'eft renfermée & s'eft conservée (a). Je traiterai

la traduction que M. de Macpherson en a donnée en langue angloife; mais, à la manière dont il en parle, il est visible qu'il ne doute point de l'exiftence de ces poèmes; cependant les Anglois font affez généralement perfuadés que M. Macpherson les a fabriqués. L'opinion où M. de Troil paroît être à cet égard, eft fans doute fondée fur la grande quantité de poèmes ou fagas de la même nature, qui, quoique peut-être d'un mérite inférieur, attestent le génie poétique des anciens habitans d'Islande. Note du Trad.

(a) Note de l'Editeur Anglois. Le peu de communication qu'il y avoit autrefois entre les anciens habitans des montagnes d'Ecoffe, ainfi que ceux des Hébrides, avec d'autres peuples, (fur-tout avant l'époque de l'union en 1706, qui à tous égards leur a été très-favorable) doit être la principale raison qui a confervé la langue Erfe fi long-temps parmi ce peuple. Mais d'ailleurs la ftérilité du fol & la rigueur du climat n'y permettoient prefque aucune espèce de cul

cette matière avec d'autant plus de confiance, que j'ai eu à ce fujet des renfeignemens trèsfùrs, qui m'ont été communiqués par M. Macpherfon, le feul en Angleterre qui ait particulièrement travaillé dans cette partie.

On commence à parler la langue Erfe à Nairn, dans. la partie orientale de l'Ecoffe ; & elle eft en ufage dans tout ce pays, ainfi que

dans toutes fes îles occidentales. Elle ceffe vers le nord, à Cathneff, où de dix paroiffes il n'y en a que quatre qui parlent l'Erfe. Dans les autres

ture de la terre; de forte qu'il y avoit fort peu de productions propres au pays, qui puffent engager les étrangers à venir vifiter fes ports. On pourroit trouver fans doute quelques tréfors de la nature, cachés dans le cœur des rochers de ces montagnes; mais jusqu'ici, par l'indolence ou le manque d'industrie des habitans ils ne s'en font jamais occupés. Il n'y a que depuis quelques années qu'ils fe doutent de ce que c'eft que le commerce, quoique ce foit la seule chofe qui puisse attirer des étrangers dans leur pays. Il n'eft pas extraordinaire de trouver au milieu des montagnes, des reftes d'anciens peuples qui confervent depuis long-temps leur langue. Il existe encore dans le mont Caucafe des defcendans des différentes nations, qui, dans la vue de conquérir l'Europe, s'engagèrent dans ces montagnes, où on parle jufqu'à fix différentes langues dans un très-petit espace.

on eft plus habitué à l'anglois, & on le parle mieux qu'en nul autre endroit de l'Ecoffe. Il y a en Irlande, ainfi que dans la principauté de Galles & dans la Bretagne, un diale&te particulier de cette langue. La différence n'eft pourtant pas très-grande, puifqu'un bas-Breton feroit entendu d'un Galois ou d'un Ecoffois, & refpectivement. Si je poffédois parfaitement la langue de la Dalékarlie, je pourrois effayer de fixer fa reffemblance avec la langue Erfe. Je crois avoir remarqué entre elles deux beaucoup de rapports.

On trouve ici plufieurs veftiges d'antiquité: des châteaux, des remparts, des lieux de fépultures (Aettehoegar), des monumens (Bautafteinar), &c. Les habitans y font extrêmement honnêtes. L'hospitalité n'eft pas une de leurs moindres vertus. J'ai obfervé dans leurs mœurs beaucoup d'usages qui approchent de ceux de Suède; tels que les réjouiffances du rer. de mai, &c. (a)

(a) Note de l'Editeur Anglois. Le 1o de mai est appelé War Fru Dag, ( jour de Notre-Dame). La nuit qui précède ce jour, les forciers font cenfés fe retirer à Blakulla, montagne fabuleuse prise pour l'Enfer. On croyoit autrefois en Allemagne que c'étoit à Blokberg ou Brocken, montagne contigüe à la forêt de Hartz,

Nous laiffâmes ces îles, & nous continuâmes notre route jufqu'au 28 août (1772), jour de notre mouillage à Beffeftedr en Iflande, où fut jadis la réfidence du célèbre Sturlefon. Ici nous crûmes être dans un nouveau monde, où des reftes effrayans d'anciennes ruines avoient pris la place de ces rians côteaux qui avoient tant charmé notre vue, & que nous venions de quitter. Que l'on fe figure un pays, qui d'une extrémité à l'autre n'offre que des montagnes pelées, dont la cime eft toujours enfevelie fous des neiges. Les plaines font coupées par des rochers vitrifiés, dont les fommets extrêmement pointus dérobent à la vue le peu d'herbes qui croît dans les intervalles. Les maisons dif

que les forciers se réfugioient. C'est à peu près vers le mois de mai que le printemps commence en Suède; c'est auffi à cette époque que l'on reprend les travaux de la campagne & le labour de la terre: le temps de la fénaison, celui de la moisson se fuccèdent de près; &, comme il faut que le laboureur prenne des forces, le 1er de mai eft confacré à la table & à Bacchus. De-là vient le dicton : Man maste dricka marg i benen, Il faut boire pour faire venir de la moëlle dans les os & prendre de la force pour travailler. Le 1er de mai étoit fêté autrefois en Suède; il n'y a que depuis quelque temps que cette fête est supprimée.

perfées ça & là, font cachées derrière ces mêmes remparts, fans qu'il s'y trouve un feul arbre qui puiffe fervir aux rendez-vous de l'amitié ou des innocens plaifirs. Cette efquiffe ne vous fera fûrement point naître l'envie d'aller vous établir en Iflande. J'avoue qu'en y abordant on a de la peine à s'imaginer que ce n'est pas un défert; mais on eft bientôt convaincu du contraire, en voyant les rivages bordés de bateaux. Quoiqu'il n'y ait prefque aucun pays auffi peu favorifé de la nature, & où elle fe montre fous une forme plus hideufe, on compte encore en Islande à peu près foixante mille ames. S'il eft vrai qu'on n'y connoiffe point ce qui, dans d'autres pays, porte le nom de bonheur, on n'y eft cependant point malheureux. C'eft le jugement que j'ai porté de la condition de ce peuple, au milieu duquel j'ai paffé près de deux mois dans la plus grande fatisfaction, occupé à contempler la nature fous un de fes afpecs les moins connus, & à me procurer des détails relatifs aux habitans, à la langue & aux mœurs pays, &c. &c.

du

J'ai fait part à M. le chevalier Bergman (a) des curiofités naturelles, & je me flatte qu'il

(a) Lettre XIX dans ce nouvel ordre.

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