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tacha au toit de l'édifice, & fe répandant en plufieurs enAN. 1473. droits confuma prefque tout le bâtiment, quelque foin qu'on prît pour éteindre ce feu. Sforce de retour à Milan reçut une ambaffade des Génois. François Marquefe jurifconfulte en étoit le chef; ne pouvant parler au duc, parce qu'il étoit d'un très-difficile accès, & qu'il favoit que le fujet de la députation étoit pour fe plaindre des vexations qu'il exerçoit contre les Génois dont il étoit fouverain, il se contenta de lui envoyer un petit panier rempli d'une plante qu'on nomme Bafilic. Le duc le fit venir auffitôt, pour favoir de lui ce que fignifioit ce préfent. « Prince, lui dit Marquefse, »je fuis venu devant vous comme ambaffadeur des Génois, » dont les efprits reffemblent affez à cette plante, laquelle » touchée légèrement répand une odeur agréable, & qui » foulée produit des fcorpions. » Le duc fut fi content de cette repartie, qu'à l'avenir il traita les Génois avec beaucoup plus de modération.

XX.

des Urfins,

La France perdit dans cette année Jean Juvenal des Mort de Urfins archevêque de Reims, frère de Guillaume des Jean Juvenal Urfins baron de Traifnel & chancelier de France. Après s'êarchevêque tre diftingué dans la charge de maître des requêtes & dans de Reims. d'autres emplois, il embraffa l'état eccléfiaftique, & fut Sanfovin, évêque de Beauvais, de Laon, puis archevêque de Reims, genealog. de la Caja Ur- après fon frère Jacques, dans l'année 1468. Il facra le roi fina. Louis XI, & fut nommé avec quelques autres prélats par S. Marth Gallia chrifl'autorité du pape Calixte III, pour informer de la fentiana de arch. tence injufte prononcée par les Anglois contre Jeanne Rem. d'Arcq, connue fous le nom de la Pucelle d'Orléans. Il tint auffi un concile. Il mourut le quatorzième de Juillet 1473, âgé de quatre-vingt-cinq ans, & fut enterré dans fon églife. Il a écrit une hiftoire du règne de Charles VI roi de France, depuis l'an 1381, jufqu'en 1422, que Theodore Godefroi avocat au parlement a donnée in-4°. en 1614, & que Denis fon fils hiftoriographe du roi à publiée in-folio avec des augmentations en 1653. Quelques auteurs ont écrit que Jean Juvenal des Urfins avoit été chancelier de France après fon frère, mais c'eft fans fondement : on l'a confondu avec Guillaume fon frère, qui fut privé de cette XXI. dignité par Louis XI à fon avénement à la couronne, & dinal Forti- qui fut rétabli en 1465.

Mort du car

guerra.

Sur la fin de cette année, le vingt-cinquième de Dé

naux.

Cardi

Pii II Com

cembre, mourut auffi à Viterbe, dans la cinquante cinquième AN 1473. année de fon age, le cardinal Nicolas Fortiguerra évêque de Aubery, hift. Théano, né à Pistoie dans la Tofcane, ou fa familie étoit des des plus confidérables. Les papes Eugene IV & Nicolas V lui donnèrent diverfes commiflions, dont il s'acquitta avec ment. lib. 1 succès. Pie II, qui étoit fon parent du côté de fa mère, le & z. Pandulph. voulut avoir auprès de lui, & lui donna l'évêché de Théano. Collent. 1.6. I. Depuis il l'envoya légat à Naples, pour traiter avec Ferdinand des conditions fous lefquelles il devoit recevoir l'inveftiture du royaume de Naples. Fortiguerra fit rendre Benevent & Terracine au faint fiége, & conclut le mariage d'Antoine Piccolomini neveu du pape, avec une nièce de Ferdinand, à laquelle ce prince donna pour dot le duché de Melfi & le comté de Cellano. On ajoute que dans cette occafion l'évêque de Théano eut affez d'adreffe pour faire tranfcrire divers titres, qui prouvoient que ce royaume étoit tributaire de l'églife. Il reçut le chapeau de cardinal en 1460, & quelque temps après il fut mis à la tête des troupes eccléfiaftiques, pour s'oppofer aux ennemis du faint fiége. Il enleva Fano aux Malateftes, avec diverfes autres places dans la Romagne & dans la Marche d'Ancône, & les obligea à venir demander la paix. Il fe trouva à l'élection de Sixte IV.

XXII.

Mort du carneveu du pa

dinal Riario,

pe.

Ciacon. in

Papienf. ep.

63.

Le troisième de Janvier de l'année fuivante 1474, le pape perdit Pierre de Riario un de fes neveux, qu'il avoit élevé depuis peu au cardinalat. Quelques historiens ont cru qu'il avoit été empoisonné. On l'enterra dans l'église des douze Apôtres, & le pape qui affifta à ses obsèques, pleura beaucoup fur Sixt. IV. fon tombeau: s'écriant qu'il avoit perdu fon bien-aimé, & celui fur lequel il fondoit toutes fes espérances. Pierre laif- 54 & 549. Coriolan, P. foit un frère nommé Jerôme, que le pape aimoit auffi, & qui eut toute fa faveur après lui. Sixte le fit prince d'Imola & Onuphr. in de Forli. Jerôme n'avoit pas autant de douceur que fon frère, chron. mais auffi il n'étoit pas adonné comme lui aux plaifirs. De tous les divertissemens il n'aimoit que la chaffe. Il époula Catherine, fille naturelle du duc de Milan; & en faveur de ce mariage, le frère du duc fut créé cardinal. Le pape donna le titre de patriarche de Conftantinople que Pierre avoit eu, à Jerôme Landi Vénitien, archevêque de l'ile de Candie, qui avoit rendu de grands fervices à l'églife.

XXIII.

Chriftiern roi de Danemarck, vint au commencement de Voyage da

AN. 1474. cette année à Rome. Avant que d'entreprendre ce voyage roi de Dane- qu'il vouloit faire par dévotion, il en écrivit au pape, & marck à Ro- lui manda que fon intention étoit d'aller recevoir fa bénéPapienf. ep. diction. Le cardinal de Pavie lui répondit au nom du pape, 556.

me.

que la nouvelle de fon voyage avoit caufé une grande joie, qu'il pouvoit être perfuadé que l'on feroit tout ce que l'on pourroit pour le recevoir avec dignité, & que l'on enverroit au devant de lui jufqu'aux extrémités de l'état eccléfiaftique. Christiern partit accompagné d'un grand nombre de feigneurs Danois vêtus en pélerins, & il fut reçu par-tout avec magnificence. La cour de Rome tint la parole que le cardinal de Pavie lui avoit donnée. Nous avons reçu ici le roi de Danemarck, dit ce cardinal, & nous lui avons rendu tous les honneurs qu'il mérite: toute la cour eft fortie au-devant de lui: les cardinaux l'ont reçu à la porte de la ville, & l'ont conduit au milieu d'eux à l'églife de S. Pierre, & enfuite chez le fouverain pontife. Ce prince nous a beaucoup édifié; il paroît auffi pieux qu'il eft grand roi. Le pape & les cardinaux eurent de fréquens entretiens avec lui; mais on étoit obligé de lui parler par interprête, parce qu'il n'entendoit pas le latin. Le cardinal de Pavie ajoute, que ce prince tint le baffin à la meffe du pape, lorfque fa fainteté lavoit fes mains; qu'étant placé entre les deux premiers cardinaux, il ne voulut ni fe couvrir ni s'affeoir qu'après eux; de même qu'un jour de vendredi-faint, auquel il ne voulut point aller adorer la croix, qu'après tout le facré collège. Il deman da au pape qu'il commuât le vœu qu'il avoit fait d'entreSax. 12. prendre le voyage de la Terre-Sainte; Sixte le changea en aumônes pour l'hôpital du Saint-Efprit de Saxe, qui étoit à Rome affez proche de l'églife de S. Pierre. Enfuite Chriftiern partit de Rome, chargé de riches préfens que le pape lui avoit faits; & il nous laiffa, dit le cardinal de Pavie, Le roi à fon un grand exemple de la manière dont nous devons honorer retour rend le facerdoce.

Krantz. 8.
Dan. 37. &

12.

XXIV.

vifite au duc

Chriftiern, en retournant chez lui, rendit une visite au

de Bourgo- duc de Bourgogne. Ce prince étoit alors occupé en AllemaXXV. gne au fiége de Nuitz; ce qu'il faut reprendre de plus

gne.

Le duc de haut.

Bourgogne

veut faire éri

Il s'étoit mis en tête de faire ériger fes états en royaume, ger fes états fous le titre de royaume de Bourgogne: comme il avoit been royaume. foin de l'empereur pour y réuffir, il lui propofa sa fille pour

la marier à Maximilien d'Autriche fon fils unique; mais il avoit AN. 1474 déjà fait cette propofition à plufieurs princes, & ne pouvoit fe réfoudre à donner fa fille à aucun. Cependant il demanda une entrevue pour conclure ce mariage. Quoique l'empereur connût l'efprit artificieux du duc, il voulut bien lui accorder une entrevue. Elle se fit à Trèves. Le duc de Bourgogne y propofa fes prétentions à la couronne. L'empereur lui répondit que la couronne lui feroit donnée pour présent de noces. Il ne hafardoit pas beaucoup en faifant cette promeffe. Il étoit prefque certain que ceuxqui poffedoient des provinces de l'ancienne monarchie de Bourgogne, s'y oppoferoient; & l'empereur lui-même avoit deffein de ne rien changer fans mettre cette claufe: fans préjudice de ceux qui y ont intérêt.

Leduc, charmé de cette condescendance de Frederic, de manda encore que l'empire renonçât en fa faveur à la mouvance directe de l'archevêché de Befançon, & des trois évêchés, Metz, Toul & Verdun ; & l'empereur y confentit pour ce qui le regardoit, fur l'affurance que l'oppofition du corps Germanique en éluderoit l'effet. Enfin le duc vouloit être créé lieutenant & vicaire général de l'empire par toute la baffe Allemagne ; & l'on promit de lui en expédier les patentes. Il ne s'agiffoit plus que de venir à la conclufion du mariage. Le contrat en fut figné; & le duc rendit hommage à l'empire, tant pour le duché de Gueldres, que pour les autres terres du Pays-Bas qui relevoient du corps Germanique. On prit jour pour la cérémonie du mariage & du couronnement. Et le duc, à ce que l'on dit, fit faire la couronne, le fceptre, les ornemens royaux & tout le refte de l'appareil; mais une nouvelle gràce qu'il demanda, renverfa tous ces beaux projets. Il dit que l'empereur étoit trop vieux, & que fon fils Maximilien étoit trop jeune pour lui fuccéder; & là-deffus il prétendit être déclaré roi des Romains, afin que la couronne impériale passåt fur fa tête avant que d'aller fur celle de fon gendre.

XXVI.

Cette propofition irrita fi fort l'empereur, qu'il affembla les princes Allemands, & leur repréfenta que le duc de Bour- Ses grands gogne abufoit de leur facilité, en prétendant que la couron- projets échouent pour ne impériale fût le prix dont on acheteroit fa fille. Tous opinèrent que, pour le punir, il falloit non-feulement ne le pas der. couronner, mais le quitter fans lui dire adieu. L'empereur y confentit; & tous les Allemands qui l'avoient accompa

trop deman

AN. 1474.

gné dans Trèves, se préparèrent pour en fortir avec lui lé lendemain dès le point du jour, fans voir ni faluer le duc. Ils prirent pour prétexte d'un départ fi précipité, qu'on venoit de leur apprendre qu'il y avoit une fédition à Cologne, à laquelle il falloit remédier; & voici quel étoit le fujet de cette fedition. Deux princes prétendoient à l'archevêché de Cologne, l'un Deux con de la maifon de Heffe, l'autre de celle du comte Palatin du currens pour Rhin. La bourgeoifie de Cologne s'étoit déjà déclarée pour le de Cologne. prince de Heffe, & attendoit que le Lantgrave fon frère l'ap

XXVII.

l'archevêché

puyât. L'électeur Palatin avoit pris les armes, & mis des troupes fur pied pour foutenir l'autre contendant, qui étoit le prin ce Rupert fon fils, qu'une partie des chanoines avoit élu.

L'empereur examina le droit de part & d'autre, & fe déclara pour Herman prince de Heffe. Le duc de Bourgogne, chagrin de fe voir abandonné & moqué par ceux qui devoient le couronner, crut trouver dans cette difpute une occafion de fe venger. Il fe déclara pour le prince Rupert, & affiégea la ville de Nuitz. Son véritable deffein étoit de s'emparer de l'électorat de Cologne. Il comptoit déjà être en état de prendre toutes les places qui étoient fituées fur le Rhin, au-deffus & au-deffous de Cologne, Bonn, Nuitz, & les autres places; & de les retenir après les avoir prifes, jufqu'à ce qu'on l'eût remboursé des frais de la guerre ; & fon deffein étoit de faire monter ces frais fi haut, que le prince Rupert n'auroit jamais été en état de les payer. Il comptoit enfuite que fon armée Projets chi- refferreroit tellement Cologne, qu'elle feroit forcée de fe mériques & rendre. C'est ainsi qu'il fe formoit en idée une puiffante moduc de Bour- narchie entre celle de France & d'Allemagne, depuis Nimègue dans la Gueldre, en remontant jusqu'au comté de Ferrette, qu'il avoit eu par engagement de Sigifmond d'Autriche, c'est-à-dire jutqu'auprès de Bâle.

XXVIII.

ambitieux du

gogne.

Le duc ne voyoit qu'un obftacle à fes deffeins, c'est que la trève qu'il avoit conclue avec la France, étoit fur le point d'expirer pour le lever, il demanda qu'elle fût prolongée de fix mois. Comme on favoit en France qu'il avoit fait un traité avec le roi d'Angleterre, afin d'attaquer Louis XI & le dépouiller de fes états, tous ceux du confeil furent d'avis qu'on lui refusât la prolongation de la trève qu'il demandoit. Le roi feul fut d'un avis contraire, & dit qu'il étoit de l'intérêt de la France de témoigner au duc qu'on recevroit avec joie fa propofition, parce que l'Allemagne

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