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AN. 1474.

étoit un écueil où l'on ne devoit pas douter qu'il n'échouât. Ainfi la trève fut continuée pour fix mois, & le roi se contenta d'encourager par des agens fecrets le prince Herman de La trève eft Heffe à fe bien défendre, & lui promit du fecours.

XXIX.

prolongée pour fix mois

entre la France & le

duc.

XXX:
Le duc de

Bourgogne

Ce que le roi de France avoit prévu arriva. Le duc de Bourgogne trouva Nuitz mieux pourvu qu'il ne s'étoit imaginé. Il comprit dès les premiers jours, par les vigoureufes forties de la garnifon, qu'il lui feroit impoffible de forcer cette ville, où le lantgrave de Heffe & Herman fon frère s'étoient enfermés avec dix-huit cents cavaliers & autant de foldats d'infanterie. Il réfolut donc de changer le fiége en afliège Nuitz, blocus; mais les troupes n'en furent pas moins maltraitées, fiége en ble& change le tant par les fréquentes forties des affiégés, que par ceux de cus. Cologne, qui les empêchoient de recevoir d'autres munitions de guerre & de bouche, que celles qui leur arrivoient du duché de Gueldres par des convois.

Le roi d'Angleterre, fuivant le traité fait avec le duc de Bourgogne, étoit prêt d'entrer en France avec une puiffante armée. Sur le point de s'embarquer, il envoya dire au duc de lever le fiége de Nuitz; mais ce duc croyant que fa réputation y étoit intéreffée, fit tant qu'il engagea Edouard à différer fon départ jufqu'à l'année fuivante; & ce délai fauva la France, qui auroit infailliblement fuccombé, fi elle eût été attaquée d'un côté par le roi d'Angleterre, & de l'autre par le duc de Bourgogne. Il y avoit fept mois que duroit le fiége de Nuitz; ceux de Cologne & les amis du prince Herman affemblèrent feize mille hommes qui campèrent vis-à-vis l'armée des Bourguignons, le Rhin entre deux. L'empereur parut avec une nombreuse armée. Il envoya à la cour de France un député, pour propofer au roi de lui donner vingt mille hommes. Louis XI le promit, mais fans envie de L'empereur les donner, parce qu'il n'en vouloit venir à une guerre ouverte avec le duc que le plus tard qu'il pourroit, & que d'ailleurs il craignoit la defcente des Anglois dans fon royaume. Il fe contenta de renvoyer le député de l'empereur avec beaucoup de careffes, & un préfent de quatre cents écus: il le fit accompagner par Tiercelin de Broffe, qui avoit ordre d'exciter l'empereur à entreprendre conjointement avec lui la conquête des états du duc de Bourgogne. Louis promettoit de fe contenter pour fa

XXXI.

vient au fe

cours de

Nuitz

part de ce qui relevoit de fa couronne, & abandonnoit le AN. 1474. refte à Frederic. Ce prince répondit à cette proposition,

qu'il ne falloit point partager la peau de l'ours avant qu'il fût mort. Louis XI craignant alors d'avoir fur les bras les forces des Anglois & du duc de Bourgogne, fufcita à ce duc de nouveaux ennemis : le duc de Lorraine, Sigifmond duc d'Autriche, les Suiffes, & les villes impériales Le duc de fur le Rhin.

XXXII.

re au duc de

ch. 2.

Lorraine dé- Ce duc de Lorraine étoit René, fils de Ferri comte de clare la guer- Vaudemont, & petit-fils de René roi de Sicile, qui lui avoit cédé le duché de Lorraine, comme lui appartenant Bourgogne. Mem. de du chef de fa mère Yolande & de fon aïeule Ifabelle de Comin. 1. 4. Lorraine, femme de René roi de Sicile. Ce jeune prince étoit en paix avec le duc de Bourgogne ; mais perfuadé que ce duc ne cherchoit qu'un prétexte pour s'emparer de fes états, il fe mit en campagne à la follicitation de Louis XI, & envoya déclarer la guerre au duc par un héraut devant Nuitz. Il ravagea fes terres, prit la fortereffe de Pierre-forte à deux lieues de Nancy capitale de Lorraine, & la rafa jufques aux fondemens, fans que le duc de Bourgogne branlât de devant Nuitz. Il répondoit à tous ceux qui lui repréfentoient que fon armée étoit épuifée, fes terres en défordre, les exceffives dépenfes auxquelles il étoit obligé, la difficulté des convois : que fon honneur étoit engagé à continuer ce fiége, quoiqu'il durât dépuis un an, & qu'il étoit réfolu d'y périr plutôt que de l'abandonner.

XXXIII.

Sigifmond

che veut ren

comté de

Ferrette.

L'autre ennemi que ce duc eut encore fur les bras, fut duc d'Autri- Sigifmond duc d'Autriche. Ce prince avoit engagé au duc trer dans le de Bourgogne le comté de Ferrette pour cent mille florins; & il y avoit peu d'apparence qu'il le dégageât, parce qu'il n'avoit point d'enfans, & qu'il étoit un grand diffipateur. Cependant le traité d'engagement portoit en termes exprès, que fi Sigifmond ne rachetoit pas ce comté, il demeureroit en propre à la maifon de Bourgogne ; mais une omiffion dont Louis XI fut profiter, s'étoit gliffée dans l'acte. Les conftitutions de l'empire ordonnoient que aucun prince ne pourroit aliéner un fief du corps Germanique, fans le confentement de l'empereur; & le duc de Bourgogne avoit négligé d'obtenir ce confentement, qui ne lui auroit pas été refufé pour de l'argent. On le fit re

marquer

marquer à Sigifmond, & on l'attira d'autant plus aifément AN. 1474. dans la ligue qu'on formoit contre le duc de Bourgogne, qu'on ne lui demandoit que fon nom pour le rétablir dans ce comté.

XXXIV.

avec les

Entin les Suiffes & les villes impériales fur le Rhin fe dé- Le roi Louis clarèrent contre le duc de Bourgogne, à la foilicitation de XI ménage Louis XI. Il y avoit long-temps que le roi penfoit à fe fer- une alliance vir des Cantons, & il ne le pouvoit, tant qu'ils feroient en Suines. guerre contre les villes de Bâle, de Strasbourg, & quelques autres. Il fe niêla de les accommoder, & il y réuffit. Mais un autre obftacle auffi embarraffant fe préfentoit encore. Il y avoit guerre entre les Suiffes & Sigifmond d'Autriche : & celui-ci ayant eu du deffous, on lui avoit enlevé des villes de Raperswil, Dieffanhow, Frewensfeld, la contrée de Turgow; & les Suiffes étoient fi bien perfuadés qu'en peu de temps ils acheveroient de dépouiller ce prince, qu'ils auroient rejeté tout accommodement, tout avantageux qu'il leur pût être. Sigifmond de fon côté avoit pour les Suiffes une averfion irréconciliable, & les regardoit comme des fujets rebelles de fa maifon. Cependant Louis fut affez habile pour faire la réconciliation, & pour lever tous les obftacles quiauroient pu empêcher l'alliance que sa majesté avoit envie de faire avec eux. Mais le traité ne fut conclu que l'année fuivante. Belleforeft dit que le duc apprenant toutes ces Belleforest, la négociations de Louis XI contre lui, voulut le faire empoi- 5. c.137. fonner par un certain Jean Hardy, domestique d'un marchand, que le cuifinier du roi, nommé Colinet, découvrit cet attentat. Le coupable fut pris, mis à la question, & écar telé; fes membres expofés dans quatre villes, & fa maison rafee. Meyer tâche de juftifier le duc de Bourgogne ladeffus.

Meyer, Hif. de Fland. a

17.

XXXV.

Fredericder4

Frederic, fecond fils de Ferdinand roi de Naples, vint cette année en Bourgogne. En y allant, il paffa par Rome xième fils de au commencement du mois de Novembre. Le cardinal de Ferdinandva faint Pierre-aux-Liens, neveu du pape, alla feul au-devant en Bourgo de lui, & le conduifit jufqu'au Vatican, fuivi des prélats Sne. & des domeftiques des cardinaux, fuivant la coutume. On admit Frederic à un confiftoire fecret, & il demeura à genoux tant qu'il paria au pape; enfuite il alla faluer & embraffer tous les cardinaux en leurs places. Le lendemain après les avoir vifités en leurs maifons, ils lui rendirent Tome XVI.

C

tous la vifite, excepté le cardinal de fainte Sabine. Enfin AN. 1474. il quitta Rome, & arriva auprès du duc de Bourgogne où il demeura jufqu'au mois de Juin 1476. Quelques auteurs ont prétendu qu'il n'avoit fait ce voyage que pour époufer la fille du duc de Bourgogne ; mais ce fait n'eft point fondé.

XXXVI.

cardinal d'A

Le cardinal d'Aquilée que le pape avoit envoyé en qua☛ Retour du lité de légat dans les pays du Nord, revint enfin à Rome, quilée de fa & y arriva le 15 de Novembre de cette année 1474, après légation des avoir employé deux ans & demi dans fa légation. Plusieurs pays du

Nord.

XXXVII.

dec. 3.

affaires l'avoient arrêté. Il s'étoit employé pour réconcilier les rois de Hongrie & de Pologne, & il y avoit trouvé de grandes difficultés. Il avoit voulu auffi accommoder l'affaire des deux contendans à l'archevêché de Cologne, & terminer les différents qui étoient furvenus à cette occasion entre l'empereur & le duc de Bourgogne. Tout cela l'avoit arrêté plus qu'il n'avoit espéré. Son retour fit plaifir. Il rendit compte de fa légation dans un confiftoire que le pape affembla, & s'excufa s'il n'avoit pas entièrement fatisfait aux ordres de fa fainteté, ni à l'attente des cardinaux : mais le faint père le loua de fon zèle & de fes bonnes intentions, & tous le remercièrent en termes fort honorables. Ses fervices même furent récompenfés par l'évêché de Palestrine, dont il jouit jufqu'en l'année 1490, qui fut celle de fa mort.

Les travaux de ce cardinal avoient en effet beaucoup conPaix entre la tribué à la paix. Il en vit le fruit peu de temps après fon Hongrie &la arrivée à Rome; puifque la paix fe fit entre la Hongrie & Pologne. Bonfin, 1.4. la Pologne. Le roi de Hongrie écrivant au pape & aux princes, fe vante d'avoir pu battre les armées des Polonois & des Bohémiens, s'il n'avoit pas voulu les ménager, faifant profeffion d'une même religion que fes ennemis. Peut-être s'en faifoit-il un peu trop accroire. On ne peut nier toutefois que Matthias n'eût beaucoup plus d'expérience que Cafimir & Uladiflas roi de Bohême qui étoit fort jeune. Les conditions de la paix étoient que Matthias auroit la Moravie & la Siléfie, Uladiflas la Bohême & la Luface: & que fi l'un ou l'autre venoit à mourir fans enfans, le furvivant jouiroit du tout; que cependant ils porteroient le titre de roi de Bohême. Après ce traité Uladiflas s'en retourna à Prague, où les Huffites fe révoltèrent contre lui, jufqu'à

menacer de le chaffer du royaume & de le mettre en prifon. Matthias fut foupçonné d'avoir eu quelque part dans cette révolte.

AN. 1474.

XXXVIII. Vaines promeles du roi

de Perfe contre les Turcs.

L'ambaffadeur de la république de Venife auprès d'UfumCaffan roi de Perfe, revint en Europe avec les envoyés de ce prince, pour engager à la guerre contre les Turcs ceux qui avoient intérêt à défendre la religion. Ces Perfans engagèrent fort la puiffance de leur roi; ils promirent qu'au Michou 1. 4. printemps prochain il attaqueroit Mahomet avec une armée ch 70. Cromer, lib. compofée d'un million d'hommes & offrirent à un des fils 28. de Cafimir roi de Pologne, la fille que leur maître avoit eue de Catherine fille de l'empereur de Trébifonde. Mais Cafimir. r, qui ajoutoit peu de foi à ces faftueufes promeffes, répondit feulement qu'il enverroit fes ambaffadeurs au roi. Il fit enfuite conduire les Perfans à Rome, où ils renouvellèrent leurs mêmes promeffes, fans qu'on les crût, parce qu'ils demandoient fur-tout qu'on fournit beaucoup d'argent à leur maître, & qu'on lui promît l'empire de Trébifonde qui appartenoit à fa femme. On croit que ce prince ceffa de faire la guerre au Turc, & qu'il en fut empêché par la révolte de fon jeune fils, qui, fur un faux bruit de la mort de fon père, s'étoit rendu maître du royaume: mais informé que fon père étoit en vie, & défefpérant de pouvoir obtenir le pardon de fa révolte, il fe réfugia à Conftantinople auprès de Mahomet, qui lui fournit des troupes pour détrô ner fon père. Ce fils rebelle fut enfin arrêté par les Satrapes, & mis à mort.

Flotte des Vénitiens

contre les

Les Turcs, toujours avides de s'agrandir, affiégèrent Scu- XXXIX. tari en Albanie avec quatre-vingts mille hommes. Mocenigo ayant appris cette nouvelle au port de Modon où il étoit, repaffa promptement en Albanie pour fecourir cette place Tures. qui étoit très-importante. Antoine Loredano fut nommé par le fénat pour la défendre, & on en dut principalement la confervation à fes foins & à fa valeur. Les chrétiens fe défendirent avec bravoure. L'eau leur manquant, ils firent une fortie fur les Turcs avec tant de courage & de hardieffe, qu'ils s'ouvrirent un paffage libre pour en aller chercher. Enfin les Turcs furent obligés de lever le fiége, après avoir perdu un grand nombre des leurs. Mocenigo qui avoit fait auffi des actions éclatantes, étant de retour dans fa patrie, fut élu doge de Venife en la place de Nicolas Marcelle

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