AN. 1474. XL. Caftille. 3. dec. 10. mort depuis peu, & le commandement de la flotte fut donne à Loredano. Une querelle affez vive, arrivée cette année entre le comAffaires du te de Benevent & le marquis de Sentillane, partagea toute toyaume de la cour de Caftille. Les deux partis prirent les armes, & Marianalib. le roi fut obligé de fe mettre en campagne pour les accom24. Sabellic. moder. Le marquis de Villena, qui avoit fait fa paix, mena ce prince à Truchillo, dans l'intention de fe rendre maître de cette place par fon autorité. Mais Gratien, qui commandoit dans le château, refufa d'obéir aux ordres de fon maître ; ce qui obligea Henri de s'en retourner à Madrid. Le marquis refta à Sainte-Croix, qui eft à deux lieues de Truchillo, & traita avec Gratian, qui remit la ville en fon pouvoir, moyennant celle de Saint-Felix, dont il fur récompenfé. Pendant qu'on travailloit à cet accommodement, le marquis mourut d'un abfcès à la gorge, qui fut fuivi d'une hémorrhagie; mais fon fils cacha fa mort jufqu'à ce que le traité fût exécuté. Le roi lui conferva tous les gouvernemens de fon père, & la grande maîtrife de faint Jacques. XLI. Ce fut la dernière action du roi Henri, qui tomba ma¬ Mort de lade peu de jours après à Ségovie d'une douleur de côté. Henri VI roi Henri fe promenoit alors avec le roi Ferdinand & l'infante Mariana lib. Ifabelle. Le mal fut d'abord fi violent, qu'on fur obligé de Caftille. 2. de le transporter auffitôt dans fon palais. Le peuple publia qu'il avoit été empoisonné. On fit des prières & des proceffions publiques dans tout le royaume pour le rétabliffement de fa fanté, & on efpéra en effet qu'il pourroit la recouvrer. On voulut profiter de ces momens favorables, pour conclure un accommodement folide entre lui & Ferdinand d'Aragon, & pour l'engager à déclarer l'infante Ifabelle fon héritière, comme la juftice le demandoit: mais on ne put l'y réfoudre, ce qui caufa beaucoup de divifions. Tous ces troubles augmentèrent fes incommodités; il fut obligé de retourner à Madrid, où il mourut un dimanche onzième de Novembre, âgé de quarante-cinq ans, dans la vingt-unième année de fon règne. Il ne fit point de teftament dans les formes. Comme il étoit près d'expirer, fon confeffeur lui demanda qui il nommoit pour lui fuccéder. Henri répondit qu'il laiffoit fa couronne & fon royaume à la princeffe Jeanne, qu'il reconnoiffoit pour fa fille. Mais malgré cet aveu, toute l'Espagne demeura perfuadée qu'il AN. 1474. n'en étoit pas le père. Roderic Santius évêque de Palen cia en Espagne, & que Paul II fit capitaine du château Saint-Ange, finit ici fon hiftoire, & fait de grands éloges de ce roi. On eft par lfabelle. La mort du roi de Caftille fut fuivie de grandes guer- XLII. res. La princeffe Ifabelle étoit alors à Ségovie où le car- tagé en Caf dinal d'Espagne, dom Alonzo Camillo archevêque de To- tille pour lède, dom Alfonfe Henriquez amirante de Caftille, le reconnoître marquis de Sentillane, le duc d'Albe, le connétable du royaume, la Cueva duc d'Albuquerque, le comte de Trefigno & plufieurs autres allèrent la faluer, & la reconnurent pour reine de Caftille & de Leon. Les principales villes lui envoyèrent leurs députés pour l'affurer de leurs foumiffions & de leur obéiffance. Mais d'un autre côté le marquis de Villena fils de Pacheco, le duc d'Arrevallo, Rodri. gue Tellez, le comte d'Aregna & le grand maître de Calatrava, fe déclarèrent pour Jeanne. Ferdinand, qui étoit à Sarragoffe auprès de fon père, fe rendit à Ségovie auffitôt qu'il eut appris la mort de fon beau-frère, pour foutenir les droits de fon épouse. XLIII. Ifabelle. Il y eut une grande conteftation parmi les grands, pour favoir fi l'on devoit reconnoître Ferdinand pour roi de Afiemblée des états, & Castille en fon rom, cu comme mari d'Ifabelle. Les états accord entre s'affemblèrent à ce fujet ; & l'on convint que les filles en Ferdinand & ligne dirc&te excluoient les mâles en ligne collatérale, comme on le fit voir par beaucoup d'exemples. Cependant Ifabelle, pour donner à fon mari des témoignages de l'amitié & de l'union parfaite qui étoit entre eux, voulut bien que Ferdinand eût part au gouvernement du royaume, & confentit que, dans tous les actes publics, & fur la monnoie on mettroit le nom du prince devant celui d'Ibelle; que leur écuffon porteroit de Caftille parti d'Aragon; que fous le nom d'Ifabelle, toutes les fortereffes de Caftille feroient tenues, & les tributs levés; que la reine donneroit les bénéfices fous le nom de fon mari & le fien; que quand ils feroient ensemble dans le même lieu, les peuples leur demanderoient la justice à tous deux ; & que quand ils feroient féparés, chacun exerceroit la jaf tice fous fon nom particulier. Après qu'on eut ainfi réglé toutes ces formalités, on s'appliqua à réformer les abus qui s'étoient introduits fous le précédent règne, tant dans l'adAN. 1474 miniftration de la juftice, que dans le maniement des finances ; & l'on députa une célèbre ambaffade à Louis XI, pour renouveller les anciennes alliances, & lui demander la reftitution du Rouffillon. Mais ce prince qui donnoit tout à la politique, bien loin d'accorder ce qu'on lui demandoit, penfa plutôt à s'emparer d'autres places, pendant que Ferdinand & Ifabelle avoient tant d'affaires chez eux pour fe maintenir dans leur élévation. XLIV. On croit que ce fut à la fin de cette année que Simeon On dépofe patriarche Grec de Conftantinople, ayant tenu le fiège un Simeon Ppeu plus de trois ans & demi, en fut chaffé par les bride Conftan- gues d'un certain Raphaël moine de Servie, qui promettoit tinople. feulement pour fon entrée cinq cents écus d'or à quelques Turo-gracia grands feigneurs Turcs, outre le tribut de deux mille écus triarcheGrec lib. 1. XLV. célèbre le Sext. IV. d'or. Mahomet acceptant ces offres, chaffa Simeon pour inf taller ce Raphaël, qui étoit entièrement ignorant dans la langue Grecque, & fi adonné au vin, qu'il ne paffoit pas un jour fans en boire jufqu'à perdre la raifon : ce qui le rendit odieux à tout le monde. Il y eut très-peu de prélats à fon facre, & il fallut faire violence aux prélats pour le fervir à l'autel. Enfin fe trouvant hors d'état de payer le tribut dans l'année, comme il avoit promis, il fut mis en prison, d'où on ne le laiffa fortir que pour aller mendier ce tribut de porte en porte, enchaîné & accompagné d'un foidat Turc. Cet indigne patriarche mourut peu de temps après. Dès la veille de Noël on commença de célébrer à Rome Le pape le jubilé que le pape avoit indiqué pour l'année 1475, & grand jubilé qu'il avoit réduit à tous les vingt-cinq ans. Le nombre des fidelà Rome. les qui firent le voyage pour avoir part à cette indulgence, auCiacon. &roit été beaucoup plus grand, fi la guerre n'eut pas été en Onuph. in France, en Angleterre, en Efpagne, en Hongrie & en PoViorel de logne. Ferdinand roi de Naples fut le plus diftingué de tous jubil. p. 7. ceux qui vinrent à Rome, & le pape pour le gratifier lui remit le tribut qu'il devoit à l'églife Romaine, à condition qu'il lui feroit préfenter tous les ans une haquenée blanche, Préfent de la c'est-à-dire un cheval blanc tout enharnaché, comme une pape pour le preuve que ce royaume relevoit du faint fiége à qui aproyaume de partenoit le fief. Cette cérémonie s'obferve encore aujour Naples. d'hui, & on l'appele le préfent de la haquenée. Un am XLVI, haquenée au baffadeur la préfente au pape tous les ans le jour ou la veille L'on crut que le voyage que Ferdinand fit à Rome pour AN. 1474. Palmer, in avoir part aux grâces du jubilé, ne fut qu'un prétexte dont chronic. tiens, le duc de Milan & les Florentins, comme il le fit en Onuphr, in effet. Catherine reine de Bofnie vint auffi à Rome avec qua- Sixt. IV. rante chevaux. Le pape la défraya en tout, & lui fit beaucoup d'honneur; on croit qu'elle demeura à Rome jufqu'à fa mort. Le roi de Bofnie & de Valachie fit auffi ce voyage dans un âge avancé; mais on ne fait fi ce fut dans l'année du jubilé. Charlotte reine de Chipre y parut auffi. Le pape accorda les mêmes indulgences au roi & à la reine de Caftille, & aux autres princes qui ne purent pas venir à Rome, à condition de vifiter certaines églifes; & de faire quelques autres pratiques de piété qu'il leur impofa. Victoire de c. 75. Mahomet étant entré en Moldavie avec une armée de XLVII. fix-vingts mille hommes, le Vaivode marcha à fa rencontre, Vaivode de n'ayant avec lui qu'environ quarante mille hommes. On en Moldavie fur vint plufieurs fois aux mains dans le mois de Janvier, & les Turcs. le Turc eut le deffous. Cette nombreuse armée fut taillée Michou 1. 4. en pièces; entre les morts il y eut quatre Bachas, & on "Cromer. liv. leur prit plus de cent drapeaux. Le Vaivode ufa de fa vic- 28, toire avec beaucoup de modération. En action de grâces il jeûna quatre jours au pain & à l'eau, & envoya au pape, aux rois de Pologne & de Hongrie, une partie des dépouilles qu'il avoit remportées. Vers le même temps les Turcs Bonfin, 4. investirent la ville de Lepante avec trente mille foldats, dec. 5. in n fin. & fatiguèrent les affiégés pendant huit mois; mais le gé- Michou,cap. néral Loredano les obligea enfin de l'abandonner. Ils ne fe 71. retirèrent que pour affiéger l'île de Lemnos que Loredano délivra auffi, lorfqu'elle étoit prête de tomber fous les efforts de l'armée ennemie. On dit cependant qu'elle fut principale. ment redevable de fa confervation à une jeune fille nommée Merula. Cette nouvelle héroïne voyant que les Janifaires étoient prêts d'entrer dans la place, & que fon père venoit d'être tué, prit fes armes, & s'engagea avec tant de hardieffe au milieu des ennemis, qu'elle ranima les affiégés, & les fit revenir à la charge avec tant de réfolution, qu'ils chafsèrent les Turcs, en tuèrent un grand nombre, & fauvèrent la ville. Mahomet, fans être rebuté par ces mauvais fuccès, vinț AN. 1474. mettre le fiége devant Croie. Les commencemens furent heureux pour les chrétiens : ils s'emparèrent de deux forts qu'on avoit élevés pour ferrer la ville. Mais l'avidité du pillage les perdit. Les ennemis qui fuyoient, voyant les Vénitiens embarraffés de leur butin & débandés, revinrent à la charge & les défirent. Contarini, gouverneur de l'Albanie, voulut envain les rallier: il fut tué lui-même après une XLVIII. longue & généreuse réfiftance. Les Turcs furprirent auffi la Les Génois ville de Cafia qu'on nommoit autrefois Théodofie, dans la laiflent pren dre Caffa aux petite Tartarie, fur le bord de la mer noire, du côté de Turcs. l'ancien Bofphore Cimmerien. Les Génois s'étoient rendus Foliet.1.11. maîtres de cette ville dans le treizième fiècle, du temps de la guerre fainte & de la décadence de l'empire d'Orient. C'étoit le plus célèbre port de tout le Pont Euxin, & qui leur étoit le plus avantageux. La rade étoit commode & fort affurée pour les vaiffeaux, ce qui leur facilitoit un plus grand commerce qu'en aucun autre port de la mer noire. Mais les Génois perdirent tous ces avantages par l'avarice de quelques-uns d'entre eux, & par la perfidie d'un certain Papienf. gouverneur du roi des Tartares leur ami, qui y poffédoit epift. 64 beaucoup de terres. A la prière de ce gouverneur qui avoit Pandect, déjà alliégé la place avec un grand nombre de Tartares, Turc. c. 147. Mahomet envoya le bacha Achmet avec une flotte de près Leunclav. XLIX. hifi. de l'éli de cinq cents voiles, qu'on avoit équipée pour l'ile de Candie. Ce qui obligea les affiégés de fe rendre en fort peu de temps, avec le roi même des Tartares, qui fe trouva enfermé dans la ville, fes deux frères & quelques feigneurs Génois, qui furent tous conduits à CP. avec les principaux de la ville; enforte que tout le pays fut réduit fous la puiffance de Mahomet : ce qui donna beaucoup de peur aux Polonois, & mit tout l'Orient en combuftion. On croit que ce fut dans cette année que le pape Sixte L'églife d'AIV érigea l'églife d'Avignon en métropole, & lui donna vignon érigée en mé- pour fuffragans, Carpentras, Cavaillon & Vaifons. Avant tropole. ce temps-la c'étoit le fiège d'un évêché fuffragant d'Arles. Nouguier Il y a un célèbre chapitre, dont les chanoines prirent la fed Avignon, règle de S. Auguftin en 1096 en préfence du pape Urbain S. Marth. II, & furent fécularifés en 1481 par Sixte IV. L'églife méGallia chrif tropole, fous le titre de Notre-Dame de Doms, eft ancienBouch, hift, ne & magnifique. Elle reconnoit faint Ruf pour fon prede Provence. mier évêque. Le cardinal Julien de la Rouère, qui fut de tiana. |