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AN. 1492. Baillet fêtes mobiles & vies des Saints.

XXVII.

le fer de la

Befius ibid.

ut fuprà.

Judæorum; & en 1648 on remarqua que le côté droit étoit auffi emporté, de forte que le nom de Jefus n'y paroiffoit plus. Il ne reste donc que le milieu, qui contient les deux mots, Nazarenus Rex. Quoi qu'il en foit, ceux qui ont écrit dans ces derniers fiècles que fainte Helene avoit envoyé le titre de la croix à Rome, l'ont avancé fans aucune autorité, puifque les hiftoriens n'ont point dit l'ufage que cette pieuse princeffe en fit; l'églife de Toulouse prétend l'avoir dans un monaftère de Bénédictins de la congrégation de S. Maur, & le poffèder long-temps avant la découverte faite à Rome; celui-ci eft beaucoup plus grand que l'autre, quoiqu'il ne foit pas entier. Toutes ces incertitudes n'ont pas empêché le pape Alexandre VI, quatre ans après, d'aflurer l'authenticité du titre qui eft à Rome, par une bulle du dix-neuvième de Juillet de l'an 1496; & d'y attacher des indulgences pour ceux qui vifiteront l'églife de SainteCroix dans cette intention le dernier dimanche de Janvier, jour de la dernière invention de cette relique.

Le vingt-neuvième de cette année, il vint à Rome un Bajazet en- ambaffadeur de Bajazet, empereur des Turcs, portant le fer voie au pape de la lance dont on avoit percé le côté de Jefus-Chrift dans lance. fa paffion. Ce fer étoit auparavant dans le tréfor des reliRaynald. ques que Mahomet II avoit affemblées après la prise de CP. Sup. n. 15. Il étoit enfermé dans une châffe magnifique enrichie d'or avec un cristal, montée fur un pied. Tout le clergé alla le Spond. hoc recevoir en proceffion, depuis l'églife de Ste. Marie du Peuann. n. 8. ple, jufqu'à S. Pierre, & le pape y affifta. Quelques-uns même addit. ad Cia- affurent que le S. père porta lui-même la relique. Burchard, qui rapporte cet événement, la regarde comme fort douteufe; l'empereur, dit-il, croit avoir la même à Nuremberg, & le roi de France à Paris. Auffi Sponde ajoute, que Bajazet fit favoir au pape par fon ambaffadeur, que la pointe de ce fer étoit en France. Si l'on en croit M. Baillet, le fer de Baillet fetes la lance étant demeuré à Conftantinople jufqu'à fa prife, &

Viorel, in

con.

mobiles.

étant tombé entre les mains de Mahomet II, fon fils Bajazet en fit préfent au grand-maître de Rhodes pour le gratifier de ce qu'il retenoit fon frère Zizim prifonnier, & de Rhodes cette relique paffa à Rome l'an 1492, entre les mains du pape Innocent VIII, qui en fit une translation très-folennelle dans l'églife du Vatican où elle a toujours été gardée depuis. Mais cet auteur ne donne pas cela comme fort cer

tain; il ajoute que, pendant qu'on honoroit cette relique à Conftantinople, on afluroit en Occident que la vraie lance AN. 1492. étoit toujours à Jérufalem. De plus faint Louis dégagea des Vénitiens en 1241 une pareille relique qui lui fut apportée en France & déposée dans la Sainte-Chapelle de Paris, où elle eft encore honorée. Mais la difcuffion d'un fait fi incertain & fi peu important, eft affez inut.le.

mo.

XXVIII.

hoc an. 10.

Comme le roi de France penfoit déjà ferieufement à por- Le pape lait ter fes armes dans le royaume de Naples, & faifoit pour cela fa paix avec ses préparatifs, la crainte qu'en eut Ferdinand le porta à fe Ferdinand réconcilier avec le fouverain pontife. Le roi d'Aragon s'é- roi de Naples. tant rendu médiateur, ce prince & Alforse duc de Calabre Surita 1. 4. fon fils, firent leur paix avec le pape le vingt-huitième de l. 20. c. ultiJanvier de cette année, & fur la fin du mois de Mai, Fer- Mariana, dinand envoya à Rome fon petit-fils Ferdinand prince de lib. 25. c. 18. Capoue, pour demander pardon à Innocent VIII au nom Raynaldi. de fon aïeul & de fon père; promettant de payer exactement chaque année le tribut dû à l'églife Romaine, & de ne plus bleffer fon autorité dans la coliation des bénéfices du royaume de Naples. Ce prince fut reçu du pape avec beaucoup d'honneur, & en reçut de grands témoignages de bonté. L'on trouve une bulle de fa fainteté du 4e. de Juin de cette année, qui affure à Aifonfe la fucceffion au royaume de Naples; & au prince de Capoue fon fils, en cas qu'Alfonfe mourût avant Ferdinand fon père. L'ony lit auffi la formule du ferment qu'il devoit en faire au fouverain pontife.

Onuphr. &

Ciacon. in vitis pontifi

cum.

Ce fut par-là qu'Innocent VIII finit fon pontificat, il mou- XXIX. rut le mois fuivant le vingt-cinquième de Juillet, jour de la Mort du pape Innocent fête de l'apôtre faint Jacques. Depuis l'attaque d'apoplexic vi qu'il avoit eue deux ans auparavant, il n'avoit pu jouir d'une fanté parfaite. On dit que ne trouvant aucun foulagement à fes maux dans l'art de la médecine, un Juif impofteur lui prépara un breuvage compofé du fang de trois jeunes gar- Papyr. Mafçons qui venoient d'expirer; & que le pape l'ayant fu, il fon. in Tanoen eut une fi grande horreur, qu'il donna auffitôt ordre d'arrêter ce Juif & de le punir: mais celui-ci évita le châtiment par la fuite. Innocent voyant donc fa dernière heure approcher, ne penfa plus qu'au falut de fon ame, témoiguant un grand mépris pour toutes les espérances fragiles du fiècle, & ne foupirant qu'après la bienheureuse immortalité, dit l'évêque Leonelli, qui fit fon oraifon funèbre dans

cent. VIII:

une affemblée de cardinaux. Il reçut les facremens avec AN. 1492. beaucoup de piété, & mourut dans des fentimens tout-àfait chrétiens, à l'âge de foixante ans, après avoir gouverné l'églife fept ans dix mois & vingt-fept jours. Son corps fut porté dans l'églife de S. Pierre & mis dans un tombeau que le cardinal Laurent Cibo fon neveu lui avoit fait faire.

XXX.

la mort du

Ce pape, nommé Jean-Baptifte Cibo, étoit Génois, & fut élevé avec beaucoup de foin. Dès qu'il fut entré dans le monde, on l'envoya à Naples, où il vécut affez long-temps à la cour d'Alphonse & de Ferdinand. Depuis il vint à Rome, & fur domeftique du cardinal de Boulogne, frère du pape Nicolas V, ce qui contribua beaucoup à fon élévation. Paul II lui donna l'évêché de Savonne, & Sixte IV lui conféra celui de Melfi, & le fit cardinal le feptième de Mai 1473. Ce même pape le laiffa légat à Rome, lorfqu'il en fortit à cause de la pefte, & lui confia depuis la légation de Sienne. Ce fut par ces degrés qu'il s'éleva fur le faint fiége, auquel il parvint après Sixte IV, le vingt-neuvième Août 1484. A son avénement au pontificat, il calma les différens des princes d'Italie, & ramena à l'obéiffance du faint fiége ceux que la févérité de fon prédéceffeur en avoit éloignés. Il n'épargna rien pour unir les princes chrétiens contre les Turcs; mais ce deffein fans fuccès ne fervit que de prétexte pour procurer beaucoup d'argent à la chambre apoftolique, dont le pape profita d'une partie, & employa l'autre pour faire la guerre au roi de Naples. Dans fa jeuneffe, avant que d'entrer dans l'état eccléfiaftique, il avoit été marié. Il lui reftoit deux enfans de ce mariage lorfqu'il parvint au fouverain pontificat: un fils nommé François, qu'il maria à une des filles de Laurent de Medicis, l'une des plus belles princeffes de fon temps, après l'avoir fait comte d'Anguillare & général des troupes de l'églife Romaine, & une fille nommée Theodore, qu'il combla pareillement de biens. Il avança de même le reste de fa famille, & on n'a pu s'empêcher de lui reprocher qu'il avoit fait pour elle des chofes peu équitables.

Les cardinaux qui étoient allés prendre l'air à la campagne Défordres pendant l'été, revinrent à Rome pour fe trouver à l'élection Rome après d'un nouveau' pape;& ils trouvèrent la ville abandonnée à la difcrétion de la canaille, qui pilloit les maifons & rempliffoit les rues de meurtres & de carnages. Les juges n'ofoient paroître, dans la crainte d'être expofés à la fureur du peuple,

pape.

qui ne donnoit que des malédictions au lieu de prières au défunt pape auquel ils reprochoient de n'avoir eu aucune compaffion des pauvres. Pour faire ceffer tous ces défordres, les cardinaux donnèrent la garde du palais à Garcilaffo archevêque de Tarragone, homme d'une illuftre naiffance & d'une fageffe confommée. C'étoit lui qui avoit fait l'accommodement d'Innocent VIII avec le roi de Naples, & qui avoit quelque temps après apaifé une fédition à Afcoli. Il fut dans la fuite établi préfet de Rome par le fucceffeur du défunt pape, dont les obfèques ne furent achevées que le huitième d'Août, auquel on célébra la meffe en présence des cardinaux. Bernardin de Carvajal, évêque de Carthagène & ambassadeur du roi d'Espagne, fit enfuite un fermon dont tout l'auditoire fut très-content. Plufieurs perfonnes qui l'avoient entendu, jugèrent que les cardinaux, charmés de l'éloquence du prédicateur, éliroient un pape de la même nation : ce qui arriva comme ils l'avoient prévu.

Vingt-trois cardinaux entrèrent en proceffion dans le conclave. Maffée Ghérardo, général de l'ordre des Camaldules, qu'Innocent avoit fait cardinal en 1489, quoique dans un âge fort avancé, & tellement incommodé de la goutte qu'il ne pouvoit fe foutenir, ne laiffa pas de fe rendre à Rome pour y recevoir le chapeau, & voulut entrer au conclave avec les autres. On s'assembla dans la chapelle de Sixte, & la garde fut donnée aux ambassadeurs des couronnes. Les rues de Rome étoient fi remplies de voleurs, d'affaffins & de bandits, que les cardinaux furent obligés de faire entrer des compagnies entières de moufquetaires dans leurs palais, & de pointer des canons aux avenues pour empêcher le pillage. Cette précaution les garantit de l'infulte. Les rues du bourg de S. Pierre furent fermées avec de groffes poutres, derrière lefquelles on plaça des foldats, pendant que les chevauxlégers de la garde faifoient inceffamment le tour du palais.

Si les cardinaux euffent fu profiter de l'avis qui leur fut. donné par Leonelli, lorsqu'il fit l'oraison funèbre d'Innocent VIII en plein confiftoire, & qu'il les exhorta à élire un pape quieût vécu fans tache, qui comme Leon I eût paffé toute fa vie dans la pratique des vertus, qui méritât fon élévation par fes travaux & par l'intégrité de fes mœurs, qui fût fans ambition, favant, faint, & tel que doit être un vicaire de JefusChrift pour le gouvernement de l'églife: ils n'auroient pas

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Onuphr. in

vita Alexandri VI.

- mérité tant de reproches fur leur élection. Mais les cardiAN. 1492. naux, fans aucun égard à des avis judicieux, élurent un fujet fur lequel prefque tous les hiftoriens ont exercé leur plume pour en dire tout le mal poffible. Les differentes cabales ne retardèrent pas beaucoup l'élection; & dès le fecond jour tous les cardinaux donnèrent leur voix à Rodrigue Borgia vice-chancelier, c'étoit l'onzième d'Août. Il croit fils de Geoffroi Lenzoli, forti d'une des grandes maisons du royaume de Valence; mais Rodrigue avoit changé ion nom & les armes de fon père, pour prendre & les armes & le nom de fa mère fœur de Calixte III, de la famille Borgia. Comme il étoit riche & affez infinuant, il fut employer fen or & fes promeffes pour gagner les efprits & fe faire élire, quoiqu'avec des mœurs qui euffent dû l'éloigner pour jamais non feulement du fouverain pontificat, mais même des moindres fonctions de l'églife. Etant cardinal, il avoit eu de Vanotio dame Romaine, épouse de Dominique Arimano, quatre fils & une fille. L'aîné Louis Borg a fut duc de Gandie. Le fecond appelé Céfar fut cardinal, puis duc de Valentinois, homme le plus cruel & le plus ambitieux qui ait jamais été : Alexandre, qui avoit une complaifance aveugle pour lui, renverfa toutes les lois divines & humaines, pour le porter, s'il eût pu, jusques fur le trône des Céfars, dont il lui fit prendre le nom. Ses autres enfans furent Jean & Godefroi, & une fille nommée Lucrece. Jean fuccéda à son frère dans le duché de Gandie, & époufa Marie d'Aragon, bâtarde d'Alphonfe II roi de Naples, dont il eut Jean, père de François Borgia qui fut général des jéfuites; Godefroi époufa Sanche, autre fille naturelle d'Alphonfe. Lucrece avoit été mariée à un certain Espagnol; mais lorfque fon père fut devenu pape, il la lui ôta, pour la donner à Jean Sforce prince de Pezaro. Elle fut mariée enfuite avec le prince de Bizelli fils naturel d'Alphonfe, & elle prit après fa mort une quatrième alliance avec Alphonfe d'Eft duc de Ferrare. Quelques auteurs l'ont accufée de n'avoir pas mené une vie fort réglée pendant fa jeuneffe, & de s'être même abandonnée à fes propres frères. Telle étoit la famille du nouveau pape.

Il prit le nom d'Alexandre VI, & auffitôt après fon élection on mit la croix à une des fenêtres du conclave, & on en donna la nouvelle au peuple. L'églife de faint Pierre fut d'abord remplie de monde, attiré par la curiofité de le voir.

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