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tions, venoit à Rome pour enlever au fouverain pontife AN. 1494. Zizim frère de fa hauteffe, s'emparer enfuite du royaume de Naples, en chaffer Alphonse, paffer enfuite dans la Thrace & affiéger Conftantinople; que ce jeune prince ne cherchoit que la gloire, & qu'il ne fe mettoit pas beaucoup en peine des voies par lesquelles on y arrivoit.Qu'Alexandre au contraire ne défiroit que le repos du Turc, en confidération de la bonne & mutuelle amitié qui étoit entr'eux; &qu'il étoit de l'intérêt du grand Seigneur d'arrêter dans l'Italie, le plus long-temps qu'il lui feroit poffible, les armes d'un fi dangereux ennemi. Réponse de Bajazet écrivit en conféquence plufieurs lettres au pape, Bajazet au datées de Conftantinople les quinzième & dix-huitième de pape. Septembre. Dans une de ces lettres, il lui mande qu'il a reçu Voyez le tom. 5. des fon envoyé avec beaucoup de plaifir, & qu'il peut ajouter mém. de Co- foi à tout ce qu'il lui dira de fa part. Dans une autre, il parle mines pag d'un archevêque, qu'il le prie de faire cardinal à fa recom474. & fuiv. Le P. Daniel, mandation; c'étoit Nicolas Cibo, archevêque d'Arles, déhift. de Fran- figné cardinal par le pape Innocent VIII. Il tâche de lui perce in -4°. t. fuader de faire mourir fon frère Zizim qu'il avoit en fa pof

XCI.

5. p. 91.

XCII.

rois de Caf

ragon.

feffion, lui promettant pour récompenfe trois cents mille ducats, & une amitié conftante pendant toute fa vie. Quelques auteurs ont ajouté que Bajazet s'étoit obligé à fournir au pape & auroi de Naples fix mille cavaliers de vieilles troupes & autant de fantaffins; & que le traité fut fi fecret de la part du fouverain pontife, que l'on ne le fut que long-temps après mais qu'il n'en fut pas de même d'Alphonfe, qui, peut-être pour étonner fes ennemis, publia le fien auffitôt qu'il l'eut reçu. Il ne paroît pas toutefois que le fultan ait ac compli aucune de ces promeffes.

:

En même temps le pape s'adreffa àFerdinand & Ifabelle rois. Le pape de Caftille & d'Aragon, pour les inviter d'envoyer une flotte s'adrefle aux en Sicile, fous prétexte de veiller à la confervation de cetre tille & d'A- ile; mais en effet, pour secourir le roi de Naples en cas de befoin.Les rois catholiques lui répondirent qu'ils n'appréhen doient pas moins que lui le voisinage des François ; mais que l'argent leur manquoit & qu'il en falloit beaucoup pour équi• per une flotte. Alexandre en avoit encore moins que Ferdinand & Ifabelle; & d'ailleurs il les connoiffoit affez pour favoir que ce feroit la même chofe, que de leur prêter de l'argent & le leur donner. Mais il fe fouvint qu'Innocent VIII fon prédéceffeur avoit fait publier une croifade dans leurs royaumes,

&

& accordé un jubilé à ceux qui contribueroient aux frais de

XCIII:

Charles VIII

fait peu de

montrances du pape.

Raynald.ad

la guerre contre les infidelles; qu'il s'étoit levé pour ce fujet AN. 1494 une fomme d'argent affez confidérable, & que les commiffaires apoftoliques qui en étoient les dépofitaires, la mettroient entre les mains de leurs majeftés, pourvu que la cour de Rome y confentît & que l'ordre leur en fût donné. On fit accroire que c'étoit pour équiper une flotte qui devoit fermer le paffage des Dardannelles ; & les rois catholiques ne fe firent aucun fcrupule d'employer cet argent à leur ufage. Charles VIII, pendant tout ce temps-là, ne penfoit qu'à rétablir fa fanté à Aft. Il y reçut une vifite de Ludovic & de fon épouse, qui y demeurèrent deux jours: enfuite ils fe reti- cas des rerèrent à None, qui est du duché de Milan, à une lieue d'Aft; & chaque jour le confeil du roi fe rendoit auprès de fa per- Mem. de Cofonne. Plus ce prince avançoit fon chemin, plus les inquiétu- mines I. 7. c. des redoubloient à Rome, à Naples & à Florence : car Al- 5 phonfe avoit engagé dans fon parti le pape & Pierre de Me- hunc ann.16. dicis. Alexandre voulant détourner le coup, s'il étoit poffible, adreffa un bref au cardinal de Saint-Eustache, par lequel il le conftitue légat à latere auprès de Charles VIII, par-tout où ce prince pourroit aller : & l'exhorte fortement à l'exciter de fe défifter de fon entreprise fur le royaume de Naples, en lui remontrant que la pefte étoit dans le pays, Surita to. 5, qu'il étoit à craindre que fon arrivée ne causât des guerres ci- 1. 1. c. 30. viles ; que les vivres ne devinffent rares, & par conféquent hors de prix,'par l'arrivée d'une fi nombreuse armée; qu'Alphonfe,bien réfolu de défendre fes états, attireroit les Turcs en Italie pour foutenir fes intérêts, ce qui cauferoit la ruine de la religion chrétienne. Ce bref eft du quinzième d'Octobre. Mais le roi de France n'eut aucun égard à toutes ces remontrances du pape ; il ne voulut point admettre le légat à fon audience, parce qu'il le regardoit comme fufpe&t; & il fit répondre à fa fainteté, qu'il ne craignoit ni ia peste, qui en le faifant mourir finiroit fes travaux, ni la famine, ayant fait d'abondantes provifions, ni le Turc, contre lequel il feroit paroître un zèle qui l'animoit depuis fon enfance, ravi d'en trouver au plutôt l'occafion.

XCIV. Armée de

Machiavel.

N'y ayant donc plus rien qui s'opposât à fon entreprife, Charles VII ce prince partit d'Aft, le fixième d'Octobre, accompagné en Italie. des comtes de Vendôme, de Montpenfier, de Longueville, hift. Florent, de Ligny, de Nevers, & d'un grand nombre d'autres fei- 1. 1.

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gneurs d'une grande diftinction; le maréchal des Cordes AN. 1494. étoit mort à Lyon. Son armée étoit composée de trois mille Raph. Volafix cents hommes d'armes, & de fix mille archers tous de caterran. lib. 3. valerie; on comptoit dans l'infanterie fix mille arbalêtriers, huit mille piquiers, & huit mille autres fantaffins tous Suiffes ou Gafcons, accoutumés à combattre en rang de pied ferme & ferrés ; ce qui leur donnoit un grand avantage au-deffus des Italiens, qui faifoient alors la guerre d'une manière fort extraordinaire. Le roi de France menoit encore avec toutes ces troupes cent quarante groffes bombardes, c'està-dire des pièces d'artillerie qui jetoient des boulets de plus de deux cents livres, & trois fois autant de petits canons. Il y avoit huit mille chevaux deftinés à traîner cette artillerie, quatre mille charretiers, douze cents canoniers, deux mille fix cents charpentiers pour raccommoder les affûts à mesure qu'ils fe romproient, trois cents fapeurs, & autant d'ouvriers pour travailler à la fonte.

XCV.

rente de fur

nes.

Alphonfe de fon côté ayant formé le deffein de porter la Alphonfe guerre dans les terres de Ludovic, avoit envoyé dans la Ro prendre Gemagne une armée commandée par le jeune Ferdinand fon fils, & une autre conduite par Frederic fon frère fur les côtes de Gènes, comptant de faire foulever cette ville par les intelligences qu'il y avoit avec le cardinal Paul Fregofe, Obe jetto de Fiefque, & quelques autres feigneurs de la maison des Adornes. Il comptoit auffi, qu'en prenant fous fa protec tion le jeune duc de Milan,il feroit foulever les Milanois contre Ludovic; que par-là il arrêteroit le roi de France fort loin de Naples. Mais fon projet fut découvert par le cardinal de S. Pierre-aux-liens, qui en informa Ludovic. On pourvut à la fureté de Gènes ; le roi y envoya le bailli de Dijon avec deux mille Suiffes. Frederic voyant qu'il n'y avoit aucune espėrance de réuffir de ce côté-là, alla fe joindre aux troupes du pape pour furprendre Oftie. Le cardinal de faint Pierre en avoit confié la garde, de même que des autres places qu'il tenoit dans l'état eccléfiaftique, à Nicolas de la Rovere fon frère, mais les ennemis ne s'en furent pas plutôt approchés qu'il les rendît, à condition de n'être plus excommunié. Peu de temps après les Colonnes rentrèrent dans Oftie, on leur en ouvrit les portes ; & le pape ne l'eut pas plutôt appris, qu'il rappela fon armée de la Romagne.

Le roi de Naples & Pierre de Medicis défirant de fortir

Pierre de Medicis tentent

& Ludovic

de l'embarras où ils étoient, cherchèrent à divifer le roi de AN. 1494. France avec Ludovic. Comme ils favoient que ce dernier XCVI. ne penfoit qu'à s'affurer la poffeffion du Milanois, dont l'em- Alphonfe & pereur lui avoit déjà donné l'inveftiture; l'un & l'autre lui firent offrir qu'on le laifferoit paifible poffeffeur de ce du- de définir le ché ; & Alphonfe de fon côté fachant que le roi n'étoit pas roi de France fourni de beaucoup d'argent, renouvella les offres de fon père, en promettant de se rendre tributaire de la couronne de France: ce qui étoit mettre à couvert l'honneur de Charles VIII & fa réputation. La raifon du roi de Naples & de Pierre de Medicis, pour en agir ainfi, étoit que Ludovic avoit changé de conduite à l'égard de ce dernier ; & qu'au lieu qu'il l'avoit auparavant follicité de renoncer à l'alliance d'Alphonfe, il lui avoit envoyé Etienne Taverna fon confident, pour l'exhorter à la perfévérance. Mais Pierre de Medicis, convaincu de la mauvaise foi de Ludovic & ne voulant pas se fier à lui, convint avec le roi de Naples, que s'ils pouyoient tous deux convaincre Charles VIII de la perfidie de fon allié, peut-être aimeroit-il mieux abandonner fon deffein, que de fe fier à un homme fi fourbe.

Pierre fe chargea d'en informer Jean Mattaron, qui étoit le résident du roi à Florence; il lui parla, & s'offrit de lui faire voir que les François étoient trahis par Ludovic. Pour T'en convaincre, il le pria de venir au palais, ou après l'avoir caché derrière une tapifferie dans fa chambre, il introduifit auffitôt Taverna, auquel il dit d'un ton affez haut pour être entendu de Mattaron, que l'Italie fe plaignoit avec raifon de la conduite de Ludovic, qui s'obstinoit à la vouloir affujettir aux François. Taverna répondit du même ton, que fon maître avouoit fa faute, qu'il étoit prêt de la réparer; qu'il demandoit de rentrer dans la confiance que les princes d'Italie avoient autrefois eue pour lui, & qu'il répondroit à cette condition de renvoyer les François au-delà des Alpes fans leur laiffer voir le royaume de Naples, bien loin de le conquérir. Taverna ajouta beaucoup de particularités, qui confirmoient la perfidie & les mauvaifes intentions de Ludovic; & Mattaron ne pouvant plus entendre parler au défavantage du roi de France, fit figne à Pierre de Medicis de congédier Taverna, & eut foin d'informer Charles VIII de tout ce qu'il venoit d'apprendre. Ce qui fit penfer à plufieurs, que fa majefté très-chrétienne alloit tourner les armes contre le duché de Milan,

AN. 1494.
XCVII.

Ludovic dé

fabufe Char

XCVIII.

à Pavie, &

Cependant tout le contraire arriva, & l'on reconnut que fi Dieu ôte quelquefois le jugement & la force aux princes qu'il veut punir, il ôte auffi les fentimens de vengeance à ceux qu'il a destinés pour punir les autres. Ludovic, qui croles VIII de la yoit être un grand politique, ne foutenoit cette qualité que perfidie qu'il par des fourberies infames & des artifices déteftables. Il réIni reproche. pondit fans s'embarraffer à Charles VIII qui lui reprochoit fa trahifon, que ceux avec lefquels il avoit affaire étant reconnus pour traîtres, il falloit ufer avec eux de trahison ; & le roi de France étant défabufé par les nouvelles proteftations que Ludovic lui fit d'un attachement inviolable, non-feulement n'eut point d'égard à l'injure qu'il venoit de recevoir, mais de plus il fe propofa de le retenir dans fes intérêts, & de le rendre irréconciliable avec le roi de Naples & Pierre de Medicis, en l'inftruifant de la contre-rufe dont on usoit à fon égard. On rifquoit dans cet expédient, & toutefois il réuffit. Ludovic n'eut pas plutôt fu que Pierre de Medicis jouoit fon envoyé, qu'il le 'rappela, & ne voulut plus avoir de communication avec les princes d'Italie. Charles Le roi arrive VIII étoit allé d'Aft à Cafal; d'où il fe rendit à Pavie & y loy vifite le gea dans le château, où étoit renfermé le jeune duc de Milan, jeune duc de Jean Galeas actuellement malade, quelques inftances que fit Milan. Ludovic pour empêcher fa majefté de prendre ce château hift. Ital. lib. pour fon logis, afin qu'elle ne vit point fon neveu. Le roi cependant le vifita, fans lui parler d'affaires : & le jeune prinDaniel hift. ce, qui fentoit bien qu'il n'avoit pas long-temps à vivre, 4. to. s. p. pria feulement sa majefté de fe fouvenir du fils & de la fille qu'il laiffoit au monde, & les lui recommanda avec beaucoup de larmes. On dit même que la ducheffe Ifabelle fon époufe fe jeta aux pieds du roi, pour le conjurer d'écouter les propofitions d'Alphonfe, fans lui faire d'autres demandes. Beaucoup de feigneurs François, entre lefquels étoit Briçonnet, touchés des larmes du jeune duc qui étoit moribond, & des inftantes prières de fon épouse, confeillèrent au roi & même le preffèrent de fe faifir de Ludovic & du duché de Milan pour le rendre à fon légitime fouverain. Ils lui remontrèrent qu'il s'attireroit par-là une gloire immortelle, & que quand les Vénitiens le verroient maître de ce duché ils ne pourroient plus fe difpenfer de fe déclarer en fa faveur. Charles parut fe rendre à ces remontrances; il fit redoubler les gardes pendant deux jours aux portes de Pa

Guicchardin.

I.

de France in

94.

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