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fit dîner auffi, & enfuite on le présenta au roi. On ne lui AN. 1475. avoit rien donné par écrit; mais comme on l'avoit bien inf truit, il parla avec beaucoup de fageffe: il expofa que Louis XI, depuis fon avénement à la couronne, n'avoit rien oublié de ce qui pouvoit contribuer à une paix folide & conftante entre les deux monarchies de France & d'Angleterre fans avoir pu en venir à bout; qu'il ne fe relâchoit pas d'une conduite fi chrétienne; que s'il avoit autrefois donné retraite au comte de Warwick, il l'avoit fait moins pour nuire à Edouard, qu'au duc de Bourgogne dont le comte étoit l'ennemi mortel. Il ajouta que ce duc n'avoit appelé les Anglois en France que pour obtenir de Louis une paix plus avantageufe, & que le duc de Bretagne & le connétable n'étoient pas mieux difpofés en faveur des Anglois. Qu'Edouard, en protégeant les mauvais François, inviteroit le roi très-chrétien à protéger à fon tour les Anglois rebelles de la faction de Lancaftre qu'alors l'Angleterre ne feroit pas moins embarraffée, que l'étoit préfentement la France. Que le roi Edouard avoit déjà fait beaucoup de dépenfe, fans qu'aucun de fes alliés fût en état de le rembourfer. Que les ducs de Bourgogne & de Bretagne lui avoient manqué de parole, après l'avoir fi long-temps & fi fortement follicité de venir en France, & qu'il ne devoit pas efpérer qu'ils lui fuffent à l'avenir plus fidelles. Que fi ces confidérations lui paroiffoient juftes, il trouveroit Louis XI difpofé à faire la moitié des avances pour l'accommodement, & à convenir du lieu où les députés des deux nations s'affembleroient.

LXIII. Le confeil d'Angleterre approuva les raifons du héraut, Les propofitions de paix il y eut des fauf-conduits expédiés de part & d'autre, font accep- & dès le lendemain qu'on les eut reçus, les ambassadeurs tées par le des deux couronnes fe trouvèrent dans un village proche roi d'Angle

terre.

Amiens: de la part de Louis XI étoient le bâtard de Bourbon amiral de France, le feigneur de Saint-Pierre, & l'évêque d'Evreux appelé Herberge; pour le roi d'Angleterre Hawart, un nommé Chalanger, & le do&teur Morton, qui fut depuis chancelier d'Angleterre & archevêque de Cantorberi. Les Anglois firent d'abord quelques propofitions vagues, comme de reftituer à Edouard le LXIV. royaume de France, ou du moins la Guienne & la NorArticles du mandie. Mais on fe rapprocha bientôt après, parce que les deux rois. les deux rois avoient envie de conclure ; & les princi

Mém. de Comines, l. 4.

ch. 8.

traité entre

AN. 1475

paux articles du traité furent que le roi d'Angleterre fe contenteroit de foixante & douze mille écus pour les frais de la Tili in tras guerre ; que le dauphin de France épouferoit une fille d'E- Franc. & douard qui n'avoit encore que trois ans, & que durant neuf Ang1. années qui s'écouleroient jufqu'à la confommation du mariage, la princeffe auroit pour douaire anticipé tout le revenu de la Guienne; fi Louis XI n'aimoit mieux lui faire payer à Londres cinquante mille écus par chaque année. Qu'au jour de ce mariage les époux feroient mis en poffeffion de la Guienne : & qu'il y auroit entre les deux couronnes pour neuf ans une alliance, dans laquelle les ducs de Bourgogne, de Bretagne, & tels autres François qu'il plairoit à l'Angleterre de nommer avant la conclufion du traité, feroient compris.

On fit auffi un compromis, par lequel les deux rois s'obligeoient de terminer leurs différents dans l'efpace de trois ans par arbitrage, fous peine de trois millions d'écus que payeroit celui qui ne voudroit pas fe foumettre. On conclut une ligue offenfive & défenfive ; & l'on convint qu'en cas de guerre civile, Louis ne foutiendroit point les rebelles d'Angleterre, ni Edouard ceux de France. Les Anglois ajoutèrent que le roi leur maitre, pour montrer avec quelle fincérité il prétendoit entrer dans l'alliance, & par conféquent dans les intérêts des François, révéleroit au roi de France ceux qui le trahiroient, & lui en produiroit des preu- Marguerite ves indubitables. Un autre avantage de ce traité fut le recou- couvre fa vrement de la liberté de Marguerite d'Anjou, veuve de berté & reHenri VI roi d'Angleterre, pour venir demeurer en France, vient en où elle mourut fix ou fept ans après. Mais Edouard exigea d'elle avant fon départ,qu'elle renonçât à tous les droits qu'elle pouvoit prétendre en Angleterre, foit pour fon douaire, foit pour fa dot, ou à quelqu'autre titre que ce fut.

Après la conclufion de ce traité, les deux rois fe virent le vingtième d'Août fur le pont de Péquigny proche la ville d'Amiens avec toutes les précautions accoutumées en de femblables occafions. La paix y fut jurée folennellement, & les deux princes eurent une conférence particulière. Le deffein de Louis XIétoit de mettre le duc de Bretagne hors d'état de lui nuire: il en fit quelqu'ouverture à Edouard ; mais ce prince lui répartit, que ce duc étoit fon ancien allié & ne lui avoit jamais manqué de parole, que par con

LXV.

France.

LXVI. Entrevne des deux ras à Péquigny.

féquent toutes les fois que la Bretagne feroit attaquée, il AN. 1476. iroit en perfonne la fecourir contre qui que ce fut. Louis changeant de difcours, pour ne pas mettre le roi d'Angleterre de mauvaise humeur, lui parla du duc de Bourgogne, & lui demanda ce qu'il y auroit à faire en cas que ce duc ne voulût pas être compris dans leur traité. Edouard répondit qu'il l'en fommeroit encore une fois, & que s'il refufoit de le faire, il ne fe mêleroit plus à l'avenir des différents qu'il pourroit avoir avec la France. Dans cette entrevue les deux rois s'entretenant des beautés de la ville de Paris, Edouard témoigna quelque envie de les voir. Ses favoris l'en preffèrent : Hawart en fit la propofition au roi de France, qui répondit qu'il auroit beaucoup de joie, s'il vouloit bien honorer cette ville de fa préfence; mais cependant craignant que les charmes qu'Edouard trouveroit dans Paris ne l'engageuffent à y demeurer trop long temps, & peutêtre même à y revenir, il fit entendre à Edouard qu'il étoit obligé de s'avancer avec fon armée fur les frontières de Champagne, pour défendre le duché de Lorraine contre le duc de Bourgogne: ce qui obligea Edouard de s'embarquer pour l'Angleterre fans avoir fatisfait fa curiofité.

LXVII.

prenant le

Quand le duc de Bourgogne qui étoit à Luxembourg cut Chagrin du reçu avis du traité que les deux rois venoient de faire, il dne de Bour- vint promptement avec quinze perfonnes trouver Edouard, gogne en ap- & lui demanda s'il étoit vrai qu'il fût d'accord avec le roi traité entre de France. Edouard avoua qu'il avoit fait une trève avec les deux rois. Louis XI, & qu'il ne tiendroit qu'à lui d'y être compris. Le duc répondit fièrement, qu'il ne l'avoit pas tant appelé en France pour aucun befoin qu'il eût de fon fecours, que pour lui faire recouvrer ce que fes prédéceffeurs y avoient perdu; que pour lui, il renonçoit à la liberté qu'on lui laiffeit d'entrer dans le traité: qu'il ne vouloit ni paix ni trève avec la France, qu'ils n'euffent auparavant repaffé la mer, & que le temps qu'ils avoient pris pour comprendre leurs alliés dans l'accommodement ne fût expiré. Après ces paLe connéta roles, il fe retira affez précipitamment, & n'accepta la trèdans le mois d'Octobre.

LXVIII.

ble envoie

fon fecrétai

re au roi de France.

ve

que

Le connétable furpris de même du traité fait avec les Anglois, & n'ofant plus s'adreffer à Edouard qu'il jugeoit Mém. de Ce- bien devoir être irrité de l'affront qu'il avoit reçu devant mines, liv. 4. Saint-Quentin, eut recours au roi de France, & lui en

ch. 8.

voya

voya son secrétaire Richer & le seigneur de Creville. Le roi refufa d'abord de les entendre ; mais fach.nt qu'ils n'é- Art. 1475 toient pas favorables au duc de Bourgogne, il leur donna audience, avec cette précaution, qu'il fit cacher le fieur Contay derrière un paravent pour entendre leur rapport. Contay étoit ami du duc de Bourgogne & grand ennemi du connétable, & avoit été fait prifonnier avec la garnifon d'Arras. Ce feigneur ainfi caché, Creville & Richer entrèrent; ils dirent que le connétable les ayant envoyés dans les Pays-bas pour détacher le duc de Bourgogne des Anglois, ils l'avoient fi fort animé contre eux, que peu s'en étoit fallu qu'ils ne l'euffent déterminé à les abandonner. Là-deffus croyant plaire au roi, Creville contrefit le duc de Bourgogne, le faifant parler du roi d'Angleterre avec beaucoup de mépris. Ils ajoutèrent que, dans de pareilles circonftances, le plus fùr pour fa majefté, étoit de faire une trève avec les Anglois; & que le connétable fe chargeroit volontiers de la négocier, pourvu que le roi vou lût s'engager à accorder aux Anglois pour quartier d'hiver quelques villes peu confidérables, par où ils fembloient infinuer celles d'Eu ou de Saint-Valeri. Le roi, à qui il fuffifoit d'avoir joué fon perfonnage, & d'avoir fait entendre à Contay ce que le connétable difoit & faifoit dire par fes gens, ne lui répondit rien de défobligeant; il fe contenta de leur dire j'enverrai vers mon frère, parlant du connétable, & je lui ferai favoir de mes nouvelles. Enfuite il congédia les députés.

LXIX.

Le duc de Bourgogne jure ia perte

cu connéta

Dès qu'ils furent fortis, Contay qui avoit tout entendu, faifi d'indignation, étoit impatient d'apprendre au duc de Bourgogne tout ce qu'il venoit d'entendre. Il eut lieu de fe fatisfaire promptement, car le roi l'envoya vers ce duc avec une lettre de créance. Le duc indigné jura dès-lors ble. la perte du connétable, & prit la réfolution de traiter avec Louis XI en faifant avec lui une trève pour neuf ans : elle fut peu de temps après conclue à Vervins. Tout confpira en même temps à la ruine du connétable, & ce fut là où aboutirent les raffinemens de fa politique. Edouard fournit au roi de France les lettres qu'il en avoit reçues : le duc de Bourgogne en envoya d'autres ; & le connéta LXX: Il fe retire à ble, informé de tout, ne prit point d'autre parti que de Mons avec demander un fauf-conduit au duc de Bourgogne, parce un fauf-comm Tome XVI.

D

AN. 1475.

qu'il favoit que Louis XI affembloit fes troupes pour l'in duit du duc veftir dans Saint-Quentin. A la faveur de ce fauf-conduit de Bourgo- qui lui fut accordé, il fe retira à Mons pour fa ruine : par

que.

LXXI.
Le duc de

Connétable.

ce que, dans le traité de Vervins, le roi & le duc étoient demeurés d'accord que le premier des deux qui l'auroit en fon pouvoir, feroit obligé, dans les huit jours fuivans, de le faire mourir ou de le livrer à l'autre. C'eft pourquoi le roi ne fut pas plutôt fa retraite, qu'il fe mit à la tête de fept ou huit cents lances, & alla se rendre maître de Saint-Quentin, dont on lui ouvrit auffitôt les portes; il en donna avis au duc, à qui il fit déclarer qu'il ne lui remettroit point la place, que le connétable ne lui fût livré vif ou mort.

Le duc de Bourgogne espérant de recouvrer cette ville par le moyen du connétable, fut fàché que le roi s'en fût rendu maître ; d'autant plus qu'il ne pouvoit y rentrer que par une infidélité, & en violant le droit des gens. Il ne laiffa pas d'envoyer ordre au grand bailli de Hainaut d'arrêter le connétable, mais ce n'étoit point dans le deffein de le livrer au roi. Le duc, qui étoit occupé au fiége de Nancy, s'imagina qu'il acheveroit dans peu de jours la conquête de la Lorraine, & qu'il meneroit auffitôt après fon armée victorieufe devant Saint-Quentin: que le connétable, qui n'avoit plus rien à ménager, lui fourniroit pour le fiége de cette ville les vivres dont il avoit fait de grands magafins dans Bohain & Ham; & que par-là il feroit propriétaire des belles terres qu'il avoit en Flandre, outre qu'il pour roit exciter une révolte générale en France par les intelligences qu'il y entretenoit encore.

Mais comme le roi avoit envoyé le feigneur du BouchaBourgogne ge au duc pour le fommer d'exécuter fa parole, le duc prodonne ordre mit à ce feigneur de mettre le connétable entre les mains d'arrêter le de Louis XI le vingt & unième de Novembre, parce qu'il comptoit que Nancy fe rendroit le vingt & unième du même mois; & il en expédia l'ordre qu'il envoya à fon chancelier Hugonet & au fieur d'Imbercourt, prétendant révoquer cet ordre auffitôt qu'il feroit maitre de Nanci. Mais il manqua fon coup par la perfidie d'un Napolitain nommé Campo-Baffo, qui s'étant d'abord attaché à la faction d'Anjou, s'étoit donné au duc de Bourgogne, dont il avoit reçu quarante mille écus pour aller en Italie lever quatre cents lances. En paffant à Lyon il fit connoiffance avec un

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