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attendit pas: elle fe diffipa, & fon corps de réferve qui étoit AN. 1475. de trois cents lances, prit le chemin d'Elboli fans être aperçu; d'autres fe retirèrent à Nôle, & d'autres à Naples.

LXIX. Precy, après s'être présenté de

de

Ferdinand fut fi confterné de cette défaite, qu'il étoit prêt d'abandonner fon entreprise enlevant le fiége des châteaux. Mais les conjurés qui avoient fermé la porte de Naples à Montpenfier, & Profper & Fabrice Colonne, frères, vant le châqui avoient abandonné le parti de Charles VIII qui les avoit teau l'Œuf, fe comblés de bienfaits, & à qui la crainte du châtiment tenoit retire en lieu de désespoir, firent tant qu'ils raffurèrent Ferdinand, ne Calabre. pouvant fe fauver que par fon rétabliffement. Les trois cents lances, qui s'étoient retirés à Elboli, revinrent à Naples: Precy d'Alegre y arriva auffi, se préfenta devant les tranchées du château de l'Œuf; mais il y fut falué de tant de volées de canons, & fes rangs fe trouvèrent tellement éclaircis, que n'ayant ofé attaquer les affiégeans, il s'en retourna dans la Calabre. Profper Colonne le poursuivit, & l'on en vint encore à une action. La cavalerie légère Italienne fut pouffée fi vivement, qu'elle fut renversée fur les hommes d'armes qui la foutenoient. D'Avalos, frère púîné marquis de Pescaire, & père du marquis du Guaft, fut renverfé par terre. Les hommes d'armes le firent jour à travers des efcadrons, & tous prirent la fuite. Ils portèrent le défordre dans le corps de bataille, en y cherchant un afile; Ferdinand, qui le commandoit, ne put s'oppofer au torrent: il fut emporté par la foule, & contribua comme les autres à la déroute de fon arrière-garde.

LXX.

fort du château de Na

ples.

Ce prince auroit été battu fans reffource & même fait prifonnier, fi Precy eût eu connoiffance de ce que le ha- Montpenfier fard faifoit à fon avantage. Mais la pouffière & le vent qui la pouffoit de fon côté l'empêchant de le voir, & lui faifant ignorer l'avantage que fes troupes avoient remporté, il s'abftint de rendre fa victoire complète; & Ferdinand eut le loifir de raffurer les fiens, & d'attendre que le terme accordé pour la retraite de Montpenfier fût expiré. Mais le viceroi de Naples fe crut difpenfé de tenir fa parole, fur les deux victoires qu'il prétendoit que Precy venoit de gagner. Après avoir reconnu les quartiers les plus mal gardés de la tranchée qui environnoit le dehors du Château-neuf, & avoir difpofé fes foldats fur une ligne, il donna avec toute l'impétuofité dont on eft capable, quand on veut Tome XVI. C c

AN. 1495.

LXXI. Ferdinand

châteaux de

vaincre ou mourir ; il fe fit jour ainfi fans perdre plus de quinze on vingt hommes, & s'étant retiré du côté de SanSeverino que les ennemis avoient recouvré, il le reprit fur eux, il s'élargit aux environs, & fe maintint dans ce pofte fans qu'on pût aisément l'en déloger.

Ferdinand regarda la conduite de Montpenfier comme une fe rend maî- rupture ouverte de la capitulation, & pour se venger il réfotre des deux lut de faire mourir les cinq ôtages qu'on lui avoit donnés ; Naples & il les fit même avertir de fe préparer à la mort. Ces ôtages d'autres pla- étoient Yves d'Alegre, la Marc, la Chapelle, Roquebertin & Genlis, des plus confidérables de la nobleffe Françoihift. Hifp. I. fe, habiles pour le confeil & pour l'exécution. Mais comme ils s'étoient attiré l'eftime de la cour de Ferdinand, f

ces.

Mariana

26. n. 64.

Comines, 1.

8. c. 14.

hunc ann, n. 36.

, fon con

Mem. de feil lui représenta que la mort de ces feigneurs n'avanceroit pas fes affaires; qu'au contraire elles en deviendroient piRaynal. ad res, parce que Montpenfier ne manqueroit pas de faire égorger toutes les perfonnes de qualité qui tomberoient entre fes mains. Ferdinand fe rendit à ces raifons. Le Château-neuf ne tint que vingt jours, & lui fut rendu le fixième d'Octobre, huit mois après que Charles VIII y eut fait fon entrée. La garnison du château de l'Euf après quelque réfiftance se rendit auffi, & le refte du royaume fuivit bientôt après cet exemple. Gonfalve enleva toute la Calabre aux François, Capoue fe déclara en faveur de Ferdinand, toute la Pouille en fit autant: Salerne, Averse, la fortereffe de Montdragon, & un grand nombre de fortes places chafsèrent les garnisons françoifes & arborèrent les étendards d'Aragon, avec mille imprécations contre la France; & bientôt après Montpenfier fut obligé de fe retirer.

LXXII.
Comines

les Vénitiens

Pendant le fiége des châteaux de Naples, Comines étoit veut engager à Venife, où il travailloit à engager ceux qui gouvernoient à la paix. la république à accepter la paix. Il leur propofa trois choses. Mém. de La première, qu'ils rendiffent Monopoli, dont ils s'éComines, lib. toient emparés fur les François. La feconde, que le mar

8.6.12.

quis de Mantoue retirât fes troupes du royaume de Naples & quittât le fervice de Ferdinand. La troisième, qu'ils décla raffent que le même Ferdinand n'étoit point compris dans la ligue faite entre le pape, le roi des Romains, le roi d'Efpagne & le duc de Milan. Les Vénitiens, avant que de donner leur réponse à Comines, firent faire beaucoup de proceffions & d'aumônes, pour demander à Dieu fes lumières;

& quinze jours après on refufa toutes fes demandes. On lui remontra que la république n'étoit point en guerre avec le roi; que fielle fourniffoit des troupes, ce n'étoit que pour fervir le duc de Milan fon allié, que Charles VIII vouloit détruire. On ajouta, que Ferdinand feroit hommage au roi de France du royaume de Naples, avec le confentement du pape; qu'il payeroit cinquante mille ducats par an à la France, que les Vénitiens prêteroient, à condition qu'ils demeureroient les maîtres de Brindes, Otrante, Trani & autres places de la Pouille, & qu'on laifferoit au roi Tarente qu'il tenoit encore. Enfin les Vénitiens offrirent cent galères à leurs dépens & cinq mille chevaux au roi, en cas qu'il voulût déclarer la guerre aux Turcs.

AN.. 1495.

LXXIII:

Mort du dau

phin de Fran

ce.

Mém. de Co.

13.

Mais Comines voyant que toutes ces propofitions n'étoient que des défaites, prit congé des Vénitiens & fe rendit à Lyon; Charles VIII y étoit encore. Deux mois ou environ après que ce prince fut arrivé en cette ville, il y ap- mines l. 8. 6. prit la mort du dauphin fon fils unique, ce qui fufpendit fes plaifirs pour quelques temps; mais il ne tarda pas à s'y livrer de nouveau. Ce dauphin fe nommoit Charles-Roland; il avoit été baptifé en 1492, & n'avoit pas trois ans quand il mourut. La reine fut inconfolable de cette mort, quelques efforts que fit le roi pour la divertir.

LXXIV.

Les ordres du roi pour

la reftitution

mal exécu

2.

Quoique ce prince eût fait un traité avec les Florentins pour la reftitution de leurs places, on ne l'exécutoit point, & les ambaffadeurs de Florence en preffoient l'exécution. des places Les Vénitiens penfoient à fe rendre maîtres de Pife, en aux Fioren faifant femblant de lui donner du fecours, pour empêcher tins, font les Florentins d'y rentrer. Ludovic Sforce avoit auffi le mê tés me deffein; & les Pifans, réfolus de ne point fe remettre Guicchardina fous le joug des Florentins, auroient accepté toute autre do- hift. Ital. 1. mination. C'eft ce qui engageoit les ambaffadeurs de Floren- Paul, Jove. ce à preffer cette reftitution, fuivant la parole que le roi en avoit donnée. Ce prince y confentit, & ordonna à ceux qui tenoient les places de les rendre; mais au lieu d'obéir, ils les vendirent aux Pifans & aux Vénitiens. L'ordre que fa majefté envoya à d'Entragues de remettre aux Florentins Pife & les autres villes de leur république, ne fut point exécuté; il éluda les ordres de la cour qui lui furent réitérés, foit que l'argent des Pifans fit quelque impreffion fur lui, foit qu'il eût reçu du roi des contre-ordres fecrets

LXXV.

nièce.

26. 11. 62.

pour ne point évacuer ces places; foit enfin que le cardi AN. 1595. nal Briçonnet, qui protégeoit les Pifans, obligeât d'Entragues à ne point obéir, lui promettant quoi qu'il arrivât de le tirer d'embarras. L'affaire ne fut terminée qu'au commencement de l'année suivante, mais d'une manière peu favorable, & même fort chagrinante pour les Florentins. Ferdinand Ferdinand ne penfa plus qu'à chaffer entièrement les Franépoufe fa çois du royaume de Naples ; & comme il ne devoit plus Mariana lib. compter fur le duc de Milan, qui s'étoit accommodé avec Charles VIII en traitant de la reftitution de Novarre, il tourna toutes ses vues du côté du roi catholique. Pour fe fe le rendre plus favorable, il lui fit demander une de fes filles en mariage; mais fa majefté catholique, qui vouloit attendre le fuccès de la guerre de Naples, ne lui fit aucune réponse positive: de forte que Ferdinand fut encore obligé de prendre d'autres mefures & de chercher une autre alliance. Son aïeul paternel avoit épousé en secondes noces la fœur du roi catholique, & en avoit une fille âgée feulement de douze ans ; elle étoit ainfi tante de Ferdinand, & il ne pouvoit l'époufer fans bleffer l'honnêteté publique. Mais d'un autre côté il n'y avoit point de parti qui lui fût plus convenable dans la fituation de fes affaires : il forçoit par-là le roi catholique à entrer dans fes intérêts, & à prendre fa défenfe contre les François; & fi ce prince avoit quelques prétentions fur le royaume de Naples, il fe flattoit qu'il les lui céderoit en faveur de cette alliance. Elle étoit du goût de la plupart des princes d'Italie, le pape même l'approuvoit. Le feul obftacle qui pouvoir la retarder, fut levé par la difpenfe qu'il donna ; & Ferdinand époufa la princeffe Jeanne fa nièce, fille de la reine douairière, âgée de treize à quatorze ans. Comines dit qu'il ne parle de ce Le roi de mariage qu'avec horreur.

LXXVI.

contre la

France.

Portugal reDès-lors les princes ligués contre Charles VIII firent tous fife d'entrer leurs efforts pour engager d'autres princes à s'unir avec eux. dans la ligue Leroicatholique fe chargea de faire entrer dans la ligue lesrois de Portugal & d'Angleterre. Mais le premier refufa ouverteMariana lib. ment, & déclara à l'ambaffadeur d'Efpagne que, le Portugal 26. n. 60. étant depuis long-temps allié de la France, il ne croyoit pou1. 1. cap. 29. voir avec juftice & avec honneur rompre une alliance fi anRaynald, n. cienne. D'ailleurs il n'étoit pas content du pape, qui refusoit de légitimer le prince George fon filsnaturel qu'il vouloit fai

Surita to. 5.

45.

re fon fucceffeur; & il avoit cette affaire fià cœur, qu'il traitoit avec l'empereur Maximilien fon coufin-germain, pour l'engager à renoncer en faveur de George au droit qu'il pouvoit avoir à la couronne de Portugal du côté de l'impératrice Eleonore fa mère. Il prévoyoit qu'autrement ce feroit jeter une femence de troubles & de divifions dans un royaume où tout étoit tranquille. Quant à l'Angleterre, on ne follicitoit pas feulement Henri VII à fe joindre aux confédérés contre la France; on lui propofoit encore de marier le prince Artus, fon fils aîné & fon fucceffeur, avec une des infantes de Caftille qui fe nommoit Catherine. Le fuccès fut heureux; Henri envoya des ambaffadeurs à Ferdinand & Ifabelle pour affurer ce mariage, & Robert Sherburn à Rome pour entrer dans la ligue, qu'il ratifia le vingt-troisième de Septembre de l'année fuivante.

AN. 1495.

nériffe fou

Il y avoit déjà plufieurs années que le roi catholique LXXVII. penfoit à faire la conquête des îles Canaries, lorfqu'Al- L'ile de Téfonfe de Lugo, chef de cette entreprise, foumit dans cette mife aux rois année à la couronne de Caftille l'île de Ténériffe & celle de catholiques.

Mariana

Palma. La première fe nommoit autrefois l'île de Nivaria. hift. Hifp. 1.
Son circuit eft affez confidérable, & elle eft remplie de 16. n. 59.
bourgs dont les principaux font Laguna, Santa-Croce, Gar-
tico, San-Chriftoval & Rialejo : ses côtes font fort élevées ;
mais ce qui la rend plus remarquable, eft une haute monta
gne qui eft au milieu de l'île, nommée le Pic-Adam ou de
Ténériffe: c'eft, à ce que l'on prétend, la plus élevée de l'u-
nivers. Sa hauteur eft de quinze lieues, & fon fommet finit
en pointe de diamant: les vaiffeaux la découvrent de cin-
quante ou foixante lieues avec des lunettes d'approche, elle
leur fert de reconnoiffance, & la plupart des nations font
convenues d'y faire paffer le méridien. Quand les Espagnols
fe rendirent maîtres de cette île, elle étoit gouvernée par
un roi qu'ils firent fortir du pays: il paffa à Venife, où l'on
fut fort furpris de la nouveauté & la bizarrerie de fa figure,
de fes habits, de fon langage & de fes mœurs. La dignité
d'adelantade des Canaries fut donnée à Alphonfe de Lugo
en récompenfe de fes fervices; & on lé chargea de travailler
à conquérir les autres îles Canaries, qui furent dans la fuite
unies pour toujours à la Caftille.
Le roi de Portugal ne furvécut pas long-temps au refus II, roi de
qu'il avoit fait d'entrer dans la ligue contre la France, puif- Portugal

LXXVIII.
Mort de Jean

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