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AN. 1477.

CXXI.

ces de Picar

zois.

f. 11.

avoir pris d'affez juftes mesures pour s'en rendre le maître. Mais comme il avoit auffi fes vues fur les villes de PiIl fe faifit de cardie, d'Artois & de Flandre, comme des fiefs qui relequelques pla- voient de la monarchie Francoife, il envoya le bâtard de die & d'Ar- Bourbon & Comines pour s'en faifir. Le feigneur de Torcy s'étoit déjà emparé d'Abbeville, après avoir pris le parti du Mem. de Co- roi. Arras ne fe rendit pas facilement. Ravestein frère du mines, liv. 5. feigneur de Clèves, & le feigneur de Crevecœur, qu'on appeloit des Cordes ou de Querdes, y avoient été mis par le duc de Bourgogne. Ils répondirent que le comté d'Artois étoit un fief féminin, porté par Marguerite de Flandre dans la maison de Bourgogne; que Marie, qui fuccédoit à fon père, étoit la feule héritière; & que puifque la trève conclue entre fes états & la France duroit encore, il convenoit de donner à une orpheline le loifir de pleurer en paix la mort de fon père, qu'elle venoit de perdre dans des circonftances tout-à-fait affligeantes. Il y eut une entrevue de ces feigneurs avec les députés du roi dans l'abbaye du Mont-Saint-Eloi, proche la ville d'Arras, mais les conférences ne durèrent pas long-temps. Comines cependant ne fe retira pas, dans l'efpérance de gagner quelques feigneurs, qui devinrent dans la fuite bons ferviteurs du roi.

CXXII.

au roi le ina

Marie de

Bourgogne.

Le roi cependant étoit parti de Tours pour venir en ArOn propofe tois, & avoit fait écrire plufieurs lettres pour engager les iage du dau feigneurs du pays à entrer dans fes intérêts ; il apprit en chePhin avec min que les villes de S. Quentin, de Bohain, de Péronne & de Ham s'étoient remifes fous fon obéiffance, ce qui lui caufa une grande joie : & dès-lors il changea le deffein qu'il avoit d'abord de marier le dauphin fon fils avec l'héritière de Bourgogne, de quoi Comines le blâme fort. Il est vrai que le jeune prince n'avoit que fept ans, & la princeffe vingt & un; mais le roi pouvoit lui donner pour époux quelque autre feigneur du royaume, comme le comte d'Angoulême, qui fut père de François I. Le changement du roi n'étoit que l'effet de l'averfion extrême qu'il avoit pour la maifon de Bourgogne. Les Flamands toutefois fouhaitoient ce mariage, & les feigneurs qui fervoient de confeil à la ducheffe, fe firent députer vers Louis XI pour lui en faire la propofition. Ces feigneurs étoient d'Imbercourt, de la Vere, de Grutuse, le chancelier Hugonet & plufieurs autres, avec lesquels fa majefté s'entretint plufieurs fois, dans la vue de les déta

cher des intérêts de la princeffe pour les gagner. Mais il ne put y réuffir, & ils ne fe départirent point des promeffes qu'ils lui étoient venus faire.

Ces feigneurs arrivés à Péronne où étoit le roi, furent admis à fon audience. Ils lui proposèrent le mariage de leur ducheffe avec le dauphin; fa majesté ne fe retrancha que fur l'âge de fon fils, qui étoit d'une très-foible complexion & fort délicat: ce qui fit connoître aux députés que ce prince ne vouloit pas y confentir, & ce qui les engagea à demander en la place du dauphin le comte d'Angoulême. A cette propofition le roi répondit brufquement, qu'une expérience de neuf ans ne lui avoit que trop appris le malheur auquel on s'expofoit d'avoir pour voifin un prince du fang maître des Pays-Bas ; que Dieu l'en ayant délivré, il n'avoit garde de fe jeter dans le même embarras ; & qu'il lui étoit moins préjudiciable que Marie de Bourgogne époufât un prin ce de quelque autre maison fouveraine, que de celle de France, à moins qu'elle & fes fujets n'aimaffent mieux attendre que le dauphin fût en état de fe marier. Ce difcours déconcerta les Flamands; ils s'imaginèrent que Louis vouloit être maître des villes & provinces de la maifon de Bourgogne avant qu'on parlât de mariage, afin qu'on ne prétendit pas un jour que tous ces états n'avoient été rendus qu'en confidération de cette alliance, & non précisément parce qu'ils étoient des fiefs reverfibles à la France au défaut d'hoirs mâles.

AN. 1477

té d'Arras

Sur cette fuppofition imaginaire les Flamands, qui avoient CXXIII. ordre de la ducheffe de ne rien épargner pour la faire dau- Le roi de phine, prièrent le roi de s'expliquer plus nettement. Et mande la cifur ce qu'il leur demandoit la cité d'Arras dont des Cordes qu'on lui liétoit gouverneur, ils répondirent à sa majefté, qu'il falloit vre. auparavant difpofer les bourgeois à devenir François; qu'ils alloient y travailler, en engageant la ducheffe à établir un confeil de perfonnes affectionnées à la France, afin qu'on fatisfit le roi ; & pour convaincre Louis XI de ce qu'ils avançoient, ils lui rendirent une lettre écrite & fignée par la ducheffe, qui déclaroit la liaison dans laquelle elle vouloit vivre avec la France, & promettoit que fon confeil ne feroit compofé que de quatre perfonnes toutes affectionnées à cette couronne : favoir, la ducheffe de Bourgogne fa belle-mère, Raveftein fon oncle, Hugonet fon chancelier, &

le feigneur d'Imbercourt. La chofe arriva fuivant les vues du AN. 1477. roi. Les Flamands retournés à Gand où étoit Marie de Bourgogne, excepté des Cordes qui refta auprès du roi, firent convenir la ducheffe de livrer la cité d'Arras à Louis XI; & des Cordes y alla introduire du Lude avec une forte garnifon, & revint enfuite auprès du roi. Il ne s'agiffoit que de la cité, que du Lude vexa beaucoup par fes concuffions. Les habitans de la ville craignant d'être traités de même, firent venir de Douai du fecours pour se défendre ; mais ces fe troupes, commandées par Vergi, furent taillées en pièces fur le chemin. Vergi lui-même fut fait prifonnier, mis dans un cachot, d'où il ne fortit qu'en prenant le parti du roi à la follicitation de fa mère, qui ne favoit pas d'autre moyen pour procurer la paix à fon fils.

CXXIV.

La défaite de ces troupes déconcerta fort les habitans de Ceux de la la ville d'Arras; d'autant plus que le roi arriva le lendeville d'Arras main dans la cité avec fon armée, qu'il fit pendre une parleurs portes tie des prifonniers qu'on avoit faits, & dreffer une batterie de canon contre la ville. Des Cordes s'étant hafardé

ouvrent aufli

au voi.

Gaguin. Hift.

10.

Franc, lib. d'y entrer, ménagea les efprits avec tant d'adreffe, qu'ils ouvrirent les portes aux François. Le roi fit pendre les plus mutins, y mit une bonne garnifon, & condamna les habitans à payer foixante mille écus. Quelques-uns furent fi opiniâtres, qu'ils aimèrent mieux mourir que de crier vive le roi. Ce fut à cette occafion que Louis XI voulut changer le nom d'Arras en celui de Franchife ou Francie, comme on la voit encore nommée dans quelques actes publics; Franchife, aliàs Arras. Mais il n'en put venir à bout, le premier nom étant toujours resté.

CXXV.

Louis XI fait

mettre en

Pendant qu'on battoit la ville, Chauvin chancelier de Bretagne arriva au camp, pour affurer le roi de la fidélité de fon maître; mais à peine fut-il defcendu de cheval, prifon le chancelier que Louis le fit arrêter & tous ceux de fa fuite, malgré de Bretagne. le traité qui avoit été figné entre fa majefté & le duc dans

l'abbaye de la Victoire proche Senlis. La prifon du chancelier dura douze jours, au bout defquels le roi le fit venir, & lui dit qu'il ne l'avoit fait arrêter, que parce qu'il favoit que le duc fon maître entretenoit de fecrètes intelligences avec le roi d'Angleterre contre la France. A quoi le chancelier ayant répliqué qu'il affuroit le contraire fur fa tête, Louis lui montra vingt-deux lettres en original,

douze écrites par le fecrétaire du duc, qui feulement les avoit fignées; & dix autres du roi d'Angleterre. Le chancelier les AN. 1477. lut; fut fort furpris, n'eut rien à répondre, reconnoiffant

les fignatures, & pria le roi de lui laiffer ces lettres pour

bas liv. civ.

n. 167.

les porter à fon maître; ce que fa majefté lui accorda. Le Voyez plus duc vit ces lettres; foupçonna fon fecrétaire qui étoit un nommé Landais, fils d'un tailleur de Vitré, qui par différens degrés avoit enfin obtenu la principale confidence du duc. Landais fe juftifia, & connut qu'il étoit trahi par celui qu'il en chargeoit. Le courrier s'étoit laiffé corrompre par un efpion du roi de France qui avoit le fecret pour contrefaire en perfection l'écriture & les cachets ; cet efpion gardoit les lettres originales qu'il envoyoit à Louis XI, & remettoit au courrier les contrefaites.

Les Gantois avoient été privés de tous leurs priviléges CXXVI. fous la domination de la maifon de Bourgogne, & fort mal- Les Gantois ufurpentl'au traités fous Philippe le Bon & fous Charles fon fils. Celui- torité de la ci leur avoit ôté le pouvoir d'élire leurs magiftrats, & leur duchefle de avoit donné vingt-fix hommes affidés, qui fous prétexte de Bourgogne. leur rendre justice, les tenoient dans le devoir. A peine ces peuples eurent-ils appris 'la mort de leur duc, qu'ils pensèrent à recouvrer leur ancienne liberté: ils prirent, fous un prétexte affez léger, la réfolution de maffacrer ces vingt-fix juges; ils coururent à leurs maifons, les ruèrent, s'afiurèrent de la ducheffe, & s'emparèrent du gouvernement des PaysBas. Louis XI travailla à entretenir cette révolte, dans l'efpérance de dépouiller la princcffe. Il favoit l'extrêmeaverfion que les Gantois avoient pour Hugonet & Imbercourt ; il craignoit que, fi ces deux feigneurs gagnoient les habitans, la France ne fût fruftrée de la conquête des Pays-Bas; & pour prévenir cet inconvénient, il prit la réfolution d'exciter les Gantois à faire mourir ces deux miniftres.

L'occafion en étoit d'autant plus favorable, que ces peuples avoient député vers le roi pour lui rendre compte, comme à leur feigneur fuzerain, de ce qu'ils venoient de faire. Ces députés arrivèrent au camp devant Arras, où le roi étoit encore ils le prièrent de fufpendre l'action de ces armées, de convenir avec eux d'une trève affez longue, où toutes les affaires entre fa majefté & Marie de Bourbon feroient terminées; & déclarèrent que cette princeffe fe conduiroit à l'avenir par le confeil des trois états des Pays-Bas,

AN. 1477.

qui haïffoient mortellement les Bourguignons. Le roi leur répondit qu'ils fe trompoient; que Marie de Bourgogne n'avoit pas tant de créance en eux qu'ils fe l'imaginoient; qu'elle s'étoit fait un confeil compofé feulement de quatre perfonnes, qui toutes intéreffées à la continuation de la guerre, la feroient durer autant qu'elles pourroient. Les députés, pour convaincre le roi du contraire, lui montrèrent leurs ordres écrits & fignés de la ducheffe; mais Louis XI de fon côté produifit la lettre qu'Hugonet & d'Imbercourt lui avoit laiffée à Péronne. Les députés l'examinèrent, la CXXVII. connurent véritable, & conjurèrent dans le moment la perte Les Gantois de ces deux feigneurs, en priant fa majesté de leur laiffer jurent la per- cette lettre à quoi elle confentit avec d'autant plus de net & d'Im- facilité, qu'elle ne la leur avoit montrée que pour leur faire bercourt. naître un plus grand défir de l'avoir.

te de Hugo

Les députés s'en retournèrent à Gand, bien résolus de fe venger de l'affront qu'on leur faifoit. Ils firent leur rapport en public devant la ducheffe, affiftée de fa belle-mère, du duc de Cleves, de Raveftein, des évêques de Liège & de Térouane, de Hugonet & d'Imbercourt. Ils reprochérent à leur fouveraine, qu'elle avoit écrit que fon confeil ne feroit compofé que de quatre perfonnes affidées : ce qui étoit renverfer l'ordre du gouvernement. Soit que la princeffe ne fe fouvînt plus d'avoir écrit cette lettre, ou qu'elle ne crût pas que le roi eût découvert fon fecret, elle nia abfolument qu'elle eût jamais rien écrit de femblable, & qu'elle ne favoit ce que le roi vouloit dire; mais elle n'eut pas plutôt lâché ces paroles, qu'on lui mit la lettre entre les mains. La ducheffe rougit plus de dépit que de honte, d'avoir été convaincue d'un menfonge dans une affemblée fi célèbre ; & elle rompit l'affemblée, & alla prendre de funeftes mefures pour fe venger du roi qui l'avoit ainfi trahie, pour fe rendre malheureufe, & pour envelopper dans une commune misére ses sujets avec ceux du roi. On arrêta Hugonet & d'Imbercourt, & on leur donna On les arrê des juges: on les accufa d'avoir autorifé des Cordes à rente, & on fait dre la cité d'Arras aux François ; que dans un procès intenleur procès. té à Gand contre un bourgeois particulier, ils avoient pris de l'argent ; qu'ils avoient donné atteinte aux priviléges de la ville. Ces deux miniftres habiles & innocens fe feroient aifément défendus de tous ces chefs d'accufation, fi on leur

CXXVIII.

en

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