Ah! Que ne dois-je point croire d'un tel filence Tout trahit mon amour.
Ma foi, Monfieur, je pense Que vous euffiez comme elle été bien empêché : Elle ne prévoyoit rien moins qu'un tel marché. Tenez, en vous trouvant vous-même à telle fête, Il vous feroit venu des cornes à la tête,
Que vous euffiez été moins furpris, & la peur... VALERE.
Mon Dieu, je connois votre humeur, Vous étes amoureux, violent, & je gage Que vous auriez joué le même perfonnage. VALER E.
Et quand de Trigaudin reçoit-elle la main? Quand doit-il l'époufer?
TOINETTE.
Demain, Monfieur.
VALERE.
Oui, notre maître vent que par cette alliance Sa niéce foit le prix de la reconniffance
Qu'il prétend témoigner à Monfieur Trigaudin, Qui lui fait époufer fa coufine demain,
L'époufer? Et ce cœur verroit, lorsqu'il me quitte, Ma raison fans éclat, mon défespoir fans suite ? Non, non, je veux parler à cet objet fans foi, Je veux lui reprocher...
H ! Qu'un cœur,à l'aspect d'une personne aimée....
Je vois dedans vos yeux que votre ame alarmée Se prépare à fe plaindre, & veut me condamner Sur le choix d'un époux que Pon me veut donner. Mais, fans perdre de temps en plaintes inutiles, Ecoutez s'il fe peut, des tranfports plus tranquilles, Sans m'en croire capable, ou venir fur ce bruit Confommer un temps cher en reproches fans fruit. Tâchez,en me plaignant, de vous dire à vous-même, Satisfait du plaifir de favoir qu'on vous aime, Que tant que je pourrai me choifir un époux Je ferai mon bonheur du plaifir d'ètre à vous.
Non, non, fi cette loi vous eût fait violence, Ce cœur en ma faveur eût rompu fon filence, Sans la bouche & les yeux, fur quoi s'en afsurer? Vous en avez reçû l'ordre fans muimurer: Ce filence mortel au feu qui m'inquiéte, De l'aveu qu'on vouloit s'eft rendu l'interpréte; Et l'amant de fes feux tire bien peu de fruit, S'il fe promet un cœur par le devoir féduit.
Que vous êtes cruel! C'eft avec trop d'étude Vouloir chercher matiére à votre inquiétude; Je vous aime; & l'aveu que je vous en ai fait, Dotrendre avec raifon votre amour fatisfait.
Mon oncle m'a prescrit ce qu'on vous vient d'ap
J'ai, pour le ménager, des mefures à prendre; Et ma furprise jointe à la peur de l'aigrir,
Et vous pourrez fouffrir....
Parlez lui, ménagez mon repos & le vôtre; Al fait que dès long-temps nous brûlons l'un pour Pautre ;
Tâchez de l'ébranler, obtenez fon aveu ;
Et s'il veut jufqu'au bout contraindre un fi beau feu, Soyez sûr que pour lors la peur de lui déplaire, N'aura rien dont mon cœur...
Tout doux, il faut fe taire, Madame, & détaler, je l'aperçois qui fort.
VALER E.
Et je vais faire un dernier effort...
GERONTE, VALERE.
GERONTE fortant.
A coufine fans doute eft venue, & j'efpere Que l'hymen où j'afpire... Ah! Vous voilà,
Qu'est-ce Que dit le cœur? Je vous vois bien
M'attire un tel honneur ? Pourrois-je quelque
Pour peu que vous vouliez en deviner la caufe, Quelque efpoir dont ce cœur ait été prévenu, Le défordre où je fuis vous doit être connu; Car vous n'ignorez pas jufqu'où vont ma tendreffe, Mes refpects & mes feux, pour votre aimable niéce, Depuis quel temps je l'aime ; & vos yeux font té-
Du plaifir que j'ai pris à lui rendre des foins. Enfemble l'un & l'autre élevés dès l'enfance, L'amour fe réfolut d'en troubler l'innocence; Et foumis à les loix, fans connoître fon nom La tendreffe en nos cœurs précéda la raison: Nos regards animés d'un feu tendre & timide," N'eurent de nos transports, qu'un peu d'instinc pour guide;
Et tous deux de ces feux destinés à brûler, Sûmes aimer avant que de favoir parler. Quand l'âge nous permit d'aimer avec étude, Nous aimâmes par choix comme par habitude; Et ce choix confirmant nos tranfports à son tour, Mit d'accord dans nos cœurs la raison & l'amour. Le mien de fes ardeurs ne fit plus de myftere, J'aimai, jem'applaudis du bonheur de lui plaire,
Je lui rendis des foins, vous pûtes l'obferver, Vos yeux qui les fouffroient, sembloient les ap prouver;
Cependant, quand je n'ai que mon bonheur en vûe, Vous voulez,par un choix dont la rigueur nous tue, Nous forcer d'étouffer, lui donnant un époux, Un amour, dès l'enfance, élevé parmi nous. GERONTE.
Ah! Voici de mes gens, des timbres fans conduite, Chez qui les beaux difcours tiennent lieu de mérite; De ces galans jurés, qui font leur capital De bien philofopher fur le nœud conjugal. Voilà ce qu'a produit cette lecture fade
De ces petits romans dont Barbin fait parade, De ces livres fans fel, auffi bien que fans nom D'écrivains qu'en fureur fait pleuvoir Apollon. Lifez-moi,lifez-moi,pour vous faire un bon guide, Quelque bon Philofophe, ainfi qu'étoit Ovide. Si vous cherchez en vers quelque chofe de bon, Lifez les vers galans & tendres de Platon. Si vous aimez l'histoire, achetez-moi par botte De bons hiftoriens comme étoit Ariftote, Si chez les orateurs vous trouvez plus de goût Lifez-moi goulument Plaute de bout en bout: Et fi de vers pompeux le torrent vous entraîne, Apprenez-moi par cœur tous ceux de Demofténe. Voilà, pour être docte, une école où lon peut...
Il eft vrai,mais, Monfieur, n'eft pas docte qui veut. Si je balance un jour fur le choix d'un bon livre, Vos avis font des loix que je pourrai bien suivre : Mais,comme c'eft d'amour dont il s'agit ici, Si je m'explique bien, répondez jufte auffi.
Je le vois, vous voulez mourir avec conftance Dans l'abîme où vous a plongé votre ignorance
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