Du fon d'un air divin leurs pas font animés, Et l'oreille & les yeux également charmés, On les voit le mêler d'un air galant & rare. Dans le moment qui fuit, ce nombre se sépare; Un fignal concerté que l'on ne prévoit pas, Fait ceffer tout-à-coup le concert & les pas; Puis Diane au milieu profitant du filence, Mêle un air qu'elle chante entre chaque cadence: Et l'air fini, le fon de tous les inftrumens Donne à des pas nouveaux de nouveaux agrémens. Eh, dis-moi, penses-tu qu'une telle dépense.... D'ARGENTBRE F.
DAMON.
Galant? Oui, je le pense....
Mais je vois mon carroffe, & nos belles dedans.
D'ARGENT BREF à part.
Je ne crois pas qu'il ne perde le fens.
Sur tout ce qu'il invente il veut que l'on le loue: Elles font à charmer, il faut que je l'avoue.
LAYS en Diane, D'ARGENTBREF, AMINTE, LUCRECE, DAMON, JUSTINE, LUCINDE en chaffeuffes.
D'ARGENT BRE F.
Que P'Amour qui fuit par tout vos pas,
Donne fous ces habits de force à vos pas!
On voit bien que la main d'un favant œconome... DAMON.
Il s'y connoît, morbleu, mieux qu'homme du royaume.
Sans nous embarraffer du foin d'un compliment, Laiffons-là nos appas, & fon difcernément; Sachons fi tout eft prêt,& s'il faut qu'on demeure... DAMO N.
Touteftprêt,&l'on peut commencer dans une heure. LA Y S.
Je ne fai quel fuccès peut avoir ce plaifir, Mais je me fens d'humeur à me bien divertir; De joie à cet objet je me fens l'ame pleine; De darfer en marchant je ne m'abftiens qu'à peine; L'air que je dois chanter, me femble si galant, Que je ne fais comment je ne danfe en parlant; Et j'ai l'efprit fi plein de ce que j'imagine, Que je crois voiren l'air toujours quelque machine. ( à Lucrece.)
Je ne fais quel fuccès peut avoir Le fpectacle qui doit nous régaler ce foir: Mais quoique j'imagine, & quoiqu'on se propose, Je me fens un chagrin dont j'ignore la caufe; Mon efprit inquiet fe figure toujours
Que quelque obftacle en doit interrompre le cours, Oui, quelque peu de lieu que ma raifon y voie Ce chagrin, malgré moi, vient traverser ma joie ; Et pour un tel plaifir, quoiqu'on ait aflemblé, Le cœur me dit toujours qu'il doit être troublé. AMINT E.
Il eft vrai que toujours fur quoi que l'on s'affure, Ton chagrin d'efprit fort eft de mauvais augure; Et ton cœur que la joie auroit de quoi tenter, Avant que d'en jouir, cherche à s'en rebuter.
Il n'eft point de projet de qui ta prévoyance. N'empoifonne toujours le plaifir par avance; Et ton cœur qui n'en a que ton chagrin pour fruit, Encenfe à tous momens les monftres qu'il produit. Au milieu des plaifirs, où ton penchant te livre, Tu te fais un roman de ce qui les peut fuivre Et tu crois que toujours la joie où l'on s'attend, Eft un piége fecret que le plaifir nous tend. Quoi, fur tous les plaifirs dont notre ame eft émûe, Faut-il toujours paffer le futur en revûe, Mêler toujours de fiel ce qu'il a de douceur, Se livrer au plaifir dans les bras de la peur, Et vouloir fe piquer, avec tant de jeuneffe, De la fotte vertu des fept fages de Grece? Pour moi, quoique toujours prête à me divertir, Je crois avoir des yeux, & crois m'en bien fervir; Mais à les employer, quelque lieu que je voie, Je les ferme au chagrin, & les ouvre à la joie ; Je prens, fans balancer, fur ce qui te retient, Le plaifirtel qu'il s'offre, & le temps comme il vient; Contente du préfent, fur ce qui me concerne, Je ne veux point paffer pour Sibille moderne, Je me fais du préfent un reméde au futur, Et j'ai toujours trouvé ce parti le plus fûr. JUSTIN E.
Si j'ofe ici mêler mes fentimens aux vôtres, Je croi que ce chagrin fert de prétexte à d'autres; Et fon amant abfent....
Cela peut être ainfi. Mais employons le temps que nous perdons ici; Attendant qu'au logis les conviés fe rendent, Allons faire hâter vos gens qui nous attendent, Allons voir s'ils ont eu loin de se traveftir, Et ne fongeons à rien qu'à nous bien divertin
LAYS, D'ARGENTBREF, AMINTE,. DAMON, LUCRECE, CRISPIN, JUSTINE, LUCIND E.
CRIPIN.
Tout eft perdu, vous dis-je;
Nous pouvons vous & moi déferter la maison, Et nous allons chanter fur un diable de ton.
Je l'ai vu, vous dit-on, fongez à vos affaires.
Quel contre-temps ! O ciel! Lui que je croyois
Tout à l'heure un vaiffeau vient d'arriver au port, Il eft venu dedans.
AMINT E.
Cela n'eft pas croyable, CRISPIN.
Il marche fur mes pas, ou je me donne au diable, Pour peu qu'à raifonner vous foyez obstinés, Je prétens vous le voir à quatre doigts du nez. Quel fabat je prévois, s'il faut qu'il s'aperçoive......
S'il nous dit vrai, fortons, afin qu'il le reçoive.. DAMON,
L'attendant, nous pourrions par malheur
Effuyer quelque effai de fa mauvaise humeur,,
nous une chose fâcheuse.
DAMO N.
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