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veries à ces génies rampans, que l'ignorance rend incapables des larcins glorieux que font les doctes chez les Grecs & chez les Latins & qui ne favent pas mettre les plaifanteries de l'antiquité en œuvre. J'ai tiré l'idée de cette pièce de Moftellaria de Plaute, que luimême, à ce que l'on tient l'on tient, avoit tirée du Phafma de Ménandre.

L'ACTEUR bas à

part.

Voilà bien des mots où je ne comprens pour mon honneur, je n'en veux (baut.)

rien ; mais

rien faire paroître. Le fujet eft fans doute plaifant, & vous n'aurez pas manqué de l'affaifonner de ces traits fréquens de fatire délicate qui font l'agrément des piéces du temps ?

LE POET E.

Pour le fujet, il eft plaifant; mais pour l'affaifonnement dont vous me parlez, je vous avoue qu'il n'eft point du tour de mon goût, & je ne trouve rien de fi mal-honnête que ces fatires indifcrettes & piquantes qu'on met fur le théatre contre le prochain. Je m'é

tonne...

SCENE I I.

LE DECORATEUR, LE POETE;

. LE

L'ACTEUR.

DECORATEUR

M Effieurs, tout le monde eft prêt, &

dès que vous aurez fait filence, on

commencera.

L'ACTEUR.

Je m'en vais derriére le théatre pour tenir La piéce, & fouffler s'il en eft befoin. LE POETE.

Et moi, je m'en vais près d'eux pour leur faire obferver leurs entrées & leurs forties; Mais afin que tout fe faffe en ordre, que Meffieurs vos violons jouent l'air que l'on a fait pour l'ouverture du théatre.

Fin du Prologue.

ACTE I

SCENE PREMIERE.

GERONTE, CRISPIN.

GERONTE fortant d'un logis qu'il regarde avec

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Non, il faut que je forte i

Cette confufion rend ma douleur trop

forte,

Et ton maître... Ah,j'enrage ! Il vient, dis-tu, d'al

ler...

Je fuis fi transporté, que je ne puis parler.
Quel fracas! Quel cahos! Quelle aveugle manie,
De tout ce beau logis change l'economie ?
Parle, pourquoi faut-il que ces apartemens
Que mon frere enrichit de tant d'emmeublemens“,
De plafonds, de miroirs, de peintures choifies,
Pour tout meuble à préfent,ait des rabots, des fcies,
Des cordages, des ais, des limes, des marteaux ?
Pourquoi tout ce fatras de couleurs, de pinceaux,
Cet amas d'inftrumens, de plumes & de cafques,
Ces figures d'ozier, & ces habits de mafques?

CRISPIN.

Ah, ah ! Si vous faviez pourquoi cela fe fait...
GERONTE.

Que font tous ces pendards dans ce grand cabinet,
Dont l'un le verre en main marmote un air bizarre;
L'autre,en mâchant de haut,accorde une guitarre ;
L'un la bouteille au poing, ainfi qu'au cabaret
Sur les pas d'une entrée exerce fon jaret;

L'autre,en fifflant, barbouille au coin dont on s'é

Carte

Des barbes & des yeux à des fpectres de carte;
L'un, en dépit du bruit, affis fur un couffin,
Fait fous les doigts crochus gémir un claveffin;
Et l'autre,qui des yeux & de la voix l'excite,
En battant la mefure, écume une marmite?
Que veut dire ceci ? Parle, maraud, dis-moi.
Que font-ils là dedans ? Depuis quand,& pourquoi
A-t'on abandonné ce logis au pillage?

Toi-même, que fais-tu dans un tel équipage?
Pourquoi ce tablier', ce marteau, ce bonnet

CRISPIN

Oh, oh! Si vous faviez pourquoi cela se fait...

GERONTE.

Di-le-moi donc, maraud? Car fi la patience
M'échappe...

CRISPIN.

Doucement, Monfieur,fans violence, Sans vous mettre en courroux, je vous l'aurois bien dit.

Mon maître eft amoureux d'un objet dont l'efprit
Aime avec paffion les vers, la fymphonie,
Les machines, les vols, les danfes,l'harmonie :
Il en eft, en un mot, tellement entêté
Que depuis quelques jours fa prodigalité
Pour régaler l'objet dont il eft idolâtre,
Dans notre grande falle a fait faire un théatre,

Pour donner le plaifir d'un fpectacle éclatant
Ce foir aux conviés, en machine s'entend:
On a pris pour fujet dans les exploits d'Enée,
Sa defcente aux enfers, c'eft une grande idée.

GERONT E.

Tu peux l'en applaudir. Je te romprai le cou.
CRISPIN.

Bon, je prétens vous voi y rire comme un fou.
Là, le diable & les dieux cevenus camarades,
Font du ciel aux enfers de fréquentes cafcades;
Le théatre s'y voit changé de vingi façons,
Les champs Elifiens, les fpectres, les démons,
Palinure, Minos, le brave fils d'Anchise,
Qui pleure comme un veau courant après Elife,
L'antre de la Sibille, & Cerbere enchaîné,
Cela vous vaudra mieux qu'un quintal de féné :
Car enfin, on n'y voit rien de mélancolique.
On y rit en cadence, on y pleure en musique;
Et vous pourrez enfin y voir à tous momens
Abîmer quelque diable au fon des inftrumens.
Pour ceux dont vous parlez, ce font les fympho-
niftes,

Les peintres, les danfeurs, & les foûmachiniftes
GERONT E.

Et qui donc eft l'auteur de cette nouveauté ?
Le dit-on ?

CRISPIN.

C'est mon maître, il a tout inventé; C'eft de tout ce qu'on fait le fouverain arbitre; Malepefte, il eft Grec, Monfieur, fur ce chapitre. Pour favoir ce grand art,qui ne lui fert de rien, Mon maître a dépensé le plus beau de fon bien: Mais il a des clartés qu'aucun ne lui difpute; L'efprit n'invente rien, que le fien n'exécute; Et fes doigts qui n'ont pris que de doctes leçons, Font jufqu'à des fifflets de trente deux façons.

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