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chere chez Oenée. Si cela eft, les Ethiopiens doivent eftre trois fois heureux comine Homere les appelle ; ou Jupiter eft bien ingrat, veu qu'ils le traittent quelquefois douze jours entiers avec tous les Dieux à fa fuite. Car comme il vend fes faveurs & qu'il ne donne rien pour rien, il y a apparence qu'il récompenfe bien ceux qui le fervent. L'un achette de luy la fanté par le Sacrifice d'un bœuf; l'autre la Royauté par une Hecatombe. Celuy-cy immole quatre victimes pour devenir riche ? Cet autre neuf pour pouvoir retourner en fon païs; ou fa fille mefme, comme Agamemnon, pour fortir du fien. Il y en eut un alors, qui rachetta pour quelque temps le fac de Troye par un Sacrifice de douze bœufs, fans compter un voile qu'il donna en offrande à Minerve. Je croy qu'il y a bien des chofes à meilleur marché, & qui ne coûtent, comme on dit, que le demander, ou tout au plus qu'un chapeau de fleurs, ou bien quelques grains d'encens. Sur ce fondement, Chryfés Preftre d'Apollon & confommé dans fes myfteres, fe plaint à luy de ce que fon voyage vers Agamemnon a efté inutile, & luy fait des reproches de ce qu'il fouffre qu'on le méprife, aprés avoir mis en Bb

Tome 1.

crédit fon Temple, & bruflé le premier fur fes Autels, des cuiffes de Taureaux & de Chévres. Apollon donc, touché au vif de ces reproches, empoigne fon arc & fes fléches; & fe perchant fur les Navires, frappe d'un trait peftilenciel, non feulement les hommes, mais les beftes mefmes. Puifque nous fommes fur fon fujet, voyons tout d'un temps, ce que la Religion luy attribuë. Je laiffe à part fes amours infortunées, comme le mépris de Daphné & le trépas d'Hyacinthe; mais on dit qu'il fut banny du Ciel pour avoir tué les Cyclopes, & contraint pour vivre de fe louer à Admette en Theffalie, & en Phrygie à Laomédon, en la compagnie de Neptune, où gagnant leur miferable vie à faire des briques, ils baftirent les murs de Troye ; & furent fi malheureux, que de n'eftre pas payez de leurs journées. N'eft-ce pas-là une belle hiftoire, & bien honnorable pour un Dieu ? Mais ce n'eft rien encore au prix de ce qu'on dit de Vulcain & de Promethée, de Saturne & de Cybelle, & de prefque toute la race de Jupiter. Car les Poëtes, aprés avoir invoqué les Muses, pour apprendre d'elles ces beaux myfteres, chantent comme Saturne chastra le Ciel dont il eftoit fils, afin de regner en

fa place, & dévora fes enfans comme Thyefte, pour empefcher qu'ils ne luy en fiffent autant qu'il en avoit fait à fon pere. Que Jupicer fut dérobé par fa mere, qui fuppofa pour luy une pierre, & l'expofa en Crete, où il fut nourry par une Chévre, comme Téléphe par une Biche, Cyrus par une Chienne, & Romulus par une Louve. Ils ajoûtent, qu'il dépofa auffi fon pere, & le mit en prifon perpetuelle ; qu'après avoir épousé plufieurs femmes, il époufa auffi fa fœur, à la façon des Affyriens & des Perfes. Que fécond amoureux, il remplit le Ciel d'enfans, tan baftards que legitimes, fe changeant tantoft en Taureau, tantoft en Cygne, tantoft en Aigle, & quelquefois en or, pour jouir de fes amours: enfin, en autant de formes que Protée. Qu'il enfanta Minerve de fon cerveau, comme Bacchus de fa cuiffe, où il le mit pour achever fon terme, aprés l'avoir tiré du ventre de fa mere, qu'il n'eftoit qu'à demy formé; c'eft pourquoy il luy fallut faire une incifion pour accoucher, lorfque les tranchées le prirent. Ils difent prefque la mefme chofe de Junon, Qu'elle engendra Vulcain toute feule

Romulus par une Louve. Cela eftoit com

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fans la compagnie de fon mary; & que ce malotru forgeron qui ne bouge de fa forge & de l'enclume, parmy le feu & la fumée, fut jetté en bas du Ciel par Jupiter, & tomba dans l'Ifle de Lemnos, où il fe fuft rompu le col fans les Habitans du païs, qui le receurent entre leurs bras, comme il gambadoit par l'air, & le garentirent du deftin d'Aftyanax ; cela n'empefcha pas pourtant qu'il ne se rompift une jambe, dont il fera boiteux toute fa vie. Encore cela n'est - il rien à l'égard du malheureux Promethée, qui pour avoir efté trop charitable envers les hommes, fut attaché par Jupiter fur le Mont Caucase, où une aigle luy ronge le foye.

Mais pour Cybelle, car il eft deformais temps d'en parler, n'a-t-elle pas bonne grace à fon âge, & mere des Dieux, comme elle eft, de fe promener par la Phrygie, avec fon Atis, qu'elle a contraint par fa jaloufie de fe faire Eunuque? Aprés cela, qui peut condamner les débauches de Venus, & les amours d'Endymion & de la Lune? Mais quittons-là tous ces beaux myfteres pour monter au Ciel, & voir un peu ce qu'on y fait. Homere nous apprend qu'il eft d'airain; mais qu'en y entrant on le voit briller

d'une clarté beaucoup plus pure & plus vive que la noftre ; Que le plancher y eft d'or, & qu'il n'y fait jamais nuit. On rencontre d'abord les Heures qui tiennent lieu de portiers, & Iris avec Mercure qui fervent de valets de pied; aprés vient la forge de Vulcain, qui eft pleine de toute forte de feux d'artifices, & enfuite le Palais des Dieux qu'il a fait de fes propres mains, & celuy de Jupiter qui eft fon chef-d'œuvre. Or les Deïtez affemblées chez le Monarque des Cieux, car il faut parler poëtiquement des fictions poëtiques, fe courbent pour regarder s'ils ne verront point monter quelque part la fumée d'un Sacrifice, afin d'en venir humer la graiffe, & boire le fang autour des Autels, comme des mouches. Car autrement, ils font réduits à leur ordinaire, de Nectar & d'Ambrofie, qui ne doivent pas eftre fi excellens que chantent les Poëtes, puis qu'ils les quittent pour du fang & de la graiffe. Ils ont admis autrefois les hommes à leur table, comme Tantale & Ixion, dont l'un fut chaffe fon pour & l'autre caquet, lafciveté, & depuis ce temps-là le Ciel a efté comme inacceffible au genre humain. Voilà l'hiftoire des Dieux, qui eft affez conforme au culte qu'on leur rend. On

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