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* TIMON, OU LE MISANTHROPE. • DIALOGUE.

TIMON, JUPITER, MERCURE,
& plufieurs autres parlent.

C'est la plainte d'un homme qui tomba tour a coup dans une extrême pauvreté, fans eftre affifté de perfonne, quoyqu'il eust fait du bien à plufieurs dans fa fortune. Il s'en prend à Jupiter, qui touche de compaffion, luy envoye le Dieu des Richeffes, pour le tirer de la neceffité où il eftoit.

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Protecteur de

TIMON. Hofpitalité, de la SocieJupiter O té, de l'Amitié ; & s'il y a quelqu'autre Epithete que les Poëtes te donnent en leur fureur, ou pour remplir la mesure

*Timon ou le Mifanthrope. J'ay retranché ou alteré icy plufieurs chofes , pour trouver ce je ne fçay quoy que je cherche ; mais je demeure toûjours dans le but, & dans le deffein de l'Auteur, & ne mets

point mes rêveries pour les fiennes.

Protecteur de l'Hofpifalité, c. Les autres Epithetes sont touchez enfuite, ou ne se pouvoient exprimer commodément.

de*

de leurs Vers, lors qu'ils ne fçavent plus que dire. O toy, qui grefles, qui tonnes & qui foudroyes fur les impies; Qu'eft devenu ton foudre & tes carreaux de feu autrefois fi redoutables? Sont-ils maintenant éteints, & s'en font-ils allez en fumée Salmonée te brave à cette heure impunément avec fon faux tonnerre; le tien n'eft plus qu'un bruit vain, & un tifon fumant qui ne fait rien que noircir. Pourquoy, Grand-Dieu, es-tu devenu fi froid & fi lent à punir les crimes, comme fi tus eftois fourd & aveugle de vieilleffe, & que tu ne viffes & n'entendiffes plus les forfaits qui fe commettent tous les jours? Car lors que tu eftois jeune & bouillant, tu ne faifois ny paix ny tréve avec les coupables, & en abyfmois les uns par des tremblemens de terre, & les autres par des déluges, comme tu fis du temps de Deucalion, que tu fauvas dans une petite, nacelle du naufrage

Qu'eft devenu ton foudre? Je dis à la fin que ce n'eft que fable, & que fiction Poetique.

c. Jay mis les deux principaux exemples de la vengeance divine, les autres font peu de cho

Comme fitu eftoise, ou font déja exfourd, c. Le Prover-primez. &c.

be de la Mandragore Que tu fauvas dans

n'eft pas à noftre ulage. En abyfmois les uns, Tome I

une petite nacelle. Je ne dis point qu'elle abor

D

તે

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de l'Univers, pour reparer les ruines du
Monde, & conferver quelque étincelle
du genre humain. Les hommes font de-
venus plus cruels & plus méchans qu'ils.
n'eftoient alors; on ne te fait tantoft plus
d'offrandes ny de facrifices, fi ce n'eft
quelqu'un en paffant aux jeux Olympi-
ques; encore eft-ce plûtoft par coûtume
que par zele ou par devoir. Enfin, on
t'a prefque dépoffedé, comme tu as fait
ton predéceffeur. Les voleurs te pillent
tous les jours impunément, jufqu'à met-
tre fur toy leurs mains facrileges, comme
ils ont fait depuis peu à Olympie, our
pendant la folemnité des jeux, ils ont
coupé l'or de ta chevelure. Cependant,
Vainqueur des Tytans, tu fus fi lâche
que de fouffrir cet affront fans crier feu--
fement à l'aide, pour réveiller les chiens,
ou le voifinage endormy. Qu'il faifoit
beau voir alors Jupiter, avec un foudre
de quinze pieds à la main, qui fe laiffoit
tondre par des brigans! Quand te ré--
veilleras-tu d'un fi long affoupiffement,
illuftre ufurpateur, pour châtier de plus:
grands crimes que ceux des fables? Car,
pour ne point parler des autres, puifque
ce ne feroit jamais fait, comment laiffes-
da fur la Montagne de ne fert de rien icy..
Lycoris, parce que cela

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tu impunis les ingrats qui m'ont abandonné, aprés avoir mangé tout mon bien, & qui ne me regardent pas dans ma mifere, aprés m'avoir adoré dans ma fortune? Ils fe détournent de moy lors qu'ils me rencontrent & me fuyent comme un oifeau de mauvais augure. Maintenant donc, privé de tous biens & accablé de tous maux, je fuis contraint de philofopher icy avec la befche. Tout l'avantage que je tire de ma retraite, c'eft que je ne vois point la profperité des méchans, qui n'eft pas une petite felicité. Réveille-toy done, fils de Saturne & de Rhée, d'un fommeil plus long que celuy d'Epimenide, & rallumant ton foudre fur le mont Oeta, écrafes - en les impies, fi tu ne veux qu'on croye que tu fois mort, comme on le publie en Crére, & que tout ce qu'on dit de toy ne foit

&

que fable,

que fiction poëtique. JUPITER. Qui eft ce blafphemateur, qui crie fi haut du Mont Hymette ? II

Les ingrats qui m'ont abandonné les bienfaits feront touchez à la fin.. Comme un' oifeau de mauvais augure. Hy a au Grec, comme un Lepulere; mais je cher

che les plus belles ex preffions, & celles qui font le plus à noftre ufage.

Maintenant donc : J'exprime les Haillons plus bas.

Du Mont Hymette:

faut que ce foit quelque Philofophe; car un autre ne feroit pas fi infolent.

MERCURE. Ne connois-tu pas Timon, qui t'a fait tant d'offrandes & de sacrifices, & qui nous traitoit fi magnifiquement le jour de ta feste ?

JUPITER. Quoy c'eft luy ! Dieux quel changement! Comment un homme fi riche, & qui avoit tant d'amis, a-t-il pû tomber tout à coup dans une fi honteufe pauvreté ?

MERCURE. En faisant du bien à des ingrats, qui l'ont abandonné, comme les Corbeaux font les charognes, lors qu'il n'y a plus rien à ronger.

JUPITER. Veritablement, il a quelque fujet de fe plaindre ; & nous ne pouvons, fans eftre plus ingrats que fes faux amis, l'abandonner ainfi dans fon malheur, aprés le foin qu'il a eu de nous dans fa fortune. Mais accablé d'affaires de tous coftez, & dépité contre les méchans, dont le nombre croift tous les jours, jufqu'à me donner de l'épouvante,

On verra enfuite, que | c'eft au pied du Mont. Ne connois-tu pas Timon? Le nom de fon Pere, &c. fera expliqué ailleurs, auffi-bien que le miferable eftat

où il eft.

En faisant du bien à des ingrats. J'ay abregé cet endroit, parce que le reste est assez expliqué dans tout le Dialogue..

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