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DE LA TRADUCTION,

DE N. PERROT,

SR D'ABLANCOURT.

LE SONGE DE

LUCIEN.

Ce difcours eft fait par l'Auteur dans une Affem-
blée, quoyque cela ne paroiffe pas d'abord:
& contient comme une Idée de fa vie.

"Ay o1s prés de quinze ans, & n'allois plus à l'école, lorfque mon pere délibera avec fes amis, ce qu'il devoit faire de moy. Plufieurs n'approuvoient pas qu'on me

1. Lucien J'ay I celuy d'Oeuvres cuft mieux aimé prendre ce efté trop vaste; car je titre que celuy de Dia- ne mets pas icy les Vers, logues, parce qu'il y any quelques autres Ouicy plufieurs Traitez qui ne font pas des Dialogues. D'autre cofté] Tome I.

vrages qu'on attribue à
Lucien. Au refte, je dis
Lucien, & non pas Lu-
A

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jettaft dans les Lettres, à caufe que pour y réuflir il faut beaucoup de temps & de dépenses pour ne rien dire de la fortune, fans laquelle on ne fçauroit rien faire, quelque habile que l'on foit. Ils confideroient que je n'estois pas riche, & qu'en apprenant quelque métier il me fourniroit en moins de rien dequoy vivre, fans eftre à charge à mon pere, ny à ma famille. Cette opinion fut donc fuivie, &

cian, pour fuivre la prononciation commune,puifque dans les langues auffi bien que dans la Jurifprudence, Communis error facit jus.

2. De la Tradu

tion; J'ay dit dans la Préface que c'eftoit icy une Traduction libre, parce que les galanteries & les gentilleffes ne fe pouvoient pas traduire autrement. C'eft pourquoy je m'y fuis propofe l'agrément plûtoft que la fidelité; ou plutoft, j'ay crû que la fidelité en cet endroit confiftoit en l'agrément, fans m'éloigner pourtant du but & du deffein de mon Au

tcur.

3. Le Songe de Lucien; Je ne mets pas, ou fa Vie, parce que ce n'en eft icy qu'une idée, comme je le marque dans l'argument.

Beaucoup de temps de dépenfe; Le mot, de temps,emporte en quelque forte du travail, & celuy de dépense, dit qu'il faut eftre riche pour cela. C'eft pourquoy j'ay expliqué ce qui fuit, de la fortune, plûtoft que des Richeffes ou de la Condition.

Ils confideroient que je n'efteis pas riche ; Je pafle doucement fur chaque chofe, fans m'attacher à toutes les paroles.

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il ne resta plus que d'en trouver un qui fuft honnefte & utile tout-enfemble, & qui me donnaft de quoy fubfifter. Aprés en avoir propofé plufieurs qui furent diverfement condamnez ou approuvez felon l'humeur ou la capacité de chacun mon pere jettant l'œil fur mon oncle qui eftoit excellent Sculpteur : Que ne luy apprens-tu, dit-il, le tien, où il a déja quelque difpofition? il jugeoit cela à me voir faire de petits ouvrages de cire, où je ne réuffiffois pas mal quoyque cela fust cause aflez fouvent de me faire donner le foüet. Cette propofition ne me déplaifoit pas, parce qu'il me fembloit que la Sculpture n'eftoit pas tant un métier qu'un honnefte divertiffement, qui me rendroit illuftre parmy mes Camarades, lorfque je leur ferois prefent de quelque piece de ma façon. Cela fut donc refolu

Sculpteur, on voit | belles qu'en particulier, plus bas que c'estoit en pierre.

De petits Ouvrages de cire: Il est plus délicat de la forte, que de dire, des hommes, des chevaux & des bœufs. En un mot toutes les chofes exprimées én general, font plus

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fi le particulier n'cit tres-agreable, & dans les graces du païs ; ce qui ne peut pas eftre dans la traduction d'un ancien.

Cela fut donc refolu avec quelque esperance de fuccés. Cecy eft tranf pofé, comme je fais

avec quelque esperance de fuccés, & mon oncle me mena de ce pas chez luy, & me donnant un cifeau : Trace legérement, dit-il, quelque figure fur cette pierre, pour voir comme tu t'y prendras: Car, comme dit un Poëte, c'est à demy fait que de bien commencer. Mais j'appuyay flourdement le cifeau fur cette pierre qui eftoit affez delicate, qu'elle fe rompit: ce qui le mit fi fort en colere, qu'il ne pût s'empêcher de me donner quelques coups de fouet; tellement que mon apprentiffage commença par les larmes. Je cours au logis tout pleurant, & criant qu'il l'avoit fait par envie, de peur que je ne le furpaffaffe un jour en fon Art. Ma mere encore plus irritée, fe met à luy dire des injures; cependant, le foir venu je me couche, & ne fis que refver toute la nuit, & me tourner de tous coftez. Il n'y a rien jufqu'icy, Meffieurs, qui foit digne de voftre attention, auffi n'eft-ce

d'ordinaire, pour la
clarté & la netteté du
raisonnement.
Sur cette pierre, je
ne dis pas une table de
pierre, de peur que cela
ne fafle quelque diffi-
culté mais j'exprime
dans la fuite ce que

;

c'eftoit.

Criant qu'il l'avoit fait par envie, cela die affez la chofe fans la repeter. Et me tourner de tous coftez, j'ajcute cela comme d'inquietude.

une marque

pas pour cela que je l'ay allegué; mais pour vous faire part d'un fonge que j'eus enfuite, fi clair qu'il pourroit paffer pour une verité, de forte que l'image m'en demeure encore empreinte dans la me moire. Il me sembla de voir deux Daines l'une groffrere & mal peignée, qui avoit les mains craffenfes, les bras retrouffez, le vifage tout couvert de fueur & de pouffiere: enfin, telle qu'eftoit mon oncle, lors qu'il travailloit de fon métier. L'autre, d'une façon honnefte er

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D'un fenge. que jens | mefme grace dans tou fuite je n'allegue point des Vers d'Homére, parce qu'il ne dit rien de nouveau, & j'en ufe ainfi prefque par tout: Car fouvent une beauté de ce tempslà eft une pédanterie de ce temps-cy. Il me fembla de voir deux Dames; je marque plus bas qu'elles le tirailloient, & je tranche court pour eftre plus net.

Qui avoit les mains craffenfes, c. Jomets des particularitez & en change d'autres, parce que les chofes n'ont pas

tes les langues. Il y a au Grec, les mains pleines de darillons, & la robe trouffée; mais les mains craffenfes, & les bras retrouffe & viennent auffi bien au fujet, & l'expreffion en eft plus belle; cela fervira d'e xemple pour plufieurs autres endroits, où je prens la mefme liberté pour la mesme raison ; j'exprimeray plus bas, qu'elle eftoit robuste & vigoureuse.

L'autre d'une façon honnefte, fon habit fera. expliqué ensuite.

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