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plus délicate, avec un vifage doux & riant. Aprés m'avoir bien tiraillé, pour m'attirer chacune à leur parti; à la fin elles remirent à mon choix la décifion de leur differend, & la premiere commença ainfi Mon fils, je fuis la Sculpture que tu viens d'embrafler, & qui t'eft connue dés ton enfance; car ton ayeul maternel &tes deux oncles s'y font rendus celebres. Si tu me veux fuivre, fans t'arrefter aux cajoleries de ma rivale, je te rendray illuftre; non pas comme elle par des paroles, mais par des effets. Car outre que tu deviendras robufte & vigoureux comme moy, tu remporteras unc

Et tes deux Oncles, ou plûtoft, tes Oncles des deux coftez; mais je me donne la liberté de changer ou retrancher les particularitez inutiles ou indifferentes outre qu'il n'eft pas icy queftion d'un Contract, ny de la Genealogie d'un Grand; c'eft pourquoy je n'ay pas exprimé plus haut, que l'Oncle dont il parloit, eftoit Oncle maternel. En voulant tout mettre, on obscurcit ou

affoiblit des chofes qui
ne font faites que pour
plaire.
Robufte vigoureux.
Voilà les qualitez que
j'avois manqué à met-
tre plus haut, j'en ufe
fouvent ainfi : Du refte
il vaut mieux dire, ro-
bufte vigoureux, que
les épaules fortes, qui
eft une qualité de Cro-
cheteur, ce qui mon-
tre que les graces des
langues n'ont point de
rapport.

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eftime qui ne fera point fujette à l'envie, ny cause un jour de ta perte, comme les charmes de celle qui te veut suborner. Du refte, que mon habit ne te faffe point de peur ; c'eft celuy de Phidias & de Polycléte & des autres grands Sculpteurs qui fe font fait adorer dans leurs Ouvrages, & qu'on revére encore avec les Dieux qu'ils ont faits. Confidere combien en fuivant leurs traces tu acquerras de gloire & de loüange, & de quelle joye tu combleras ton pere & ta famille. Voilà à peu près ce que me dit cette Dame: mais groffierement, comme parlent les Artifans, quoyqu'avec beaucoup de vigueur; aprés quoy l'autre parla ainfi. Fe fuis l'Eloquence, qui ne t'eft pas inconnue, encore que tu ne fois pas en eftat de la poffeder. La Sculpture t'a

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Je fuis l'Eloquence, ce mot y vient mieux que celuy d'Erudition, ou quelqu'autre semblable; outre que tour ce qu'il dit, fe rapporte prefque à l'Eloquence.

Qui ne t'eft pas inconnue, &c. Il l'a falu mettre ainfi parlant de l'Eloquence.

dit les avantages que tu aurois avec elle mais fi tu l'écoutes, tu ne feras jamais qu'un miferable Artifan, expofe au mipris & aux injures de tout le monde, & contraint de faire la cour aux Grands pour fubfifter, fans pouvoir jamais obliger ny defobliger perfonne; en un mot, efclave de ceux fur qui je te feray dominer. Quand tu deviendrois des plus excellens en ton Art, on fe contentera de t'admirer fans envier ta condition; mais fi tu me veux fuivre, je t'apprendray tout ce qu'il y a de beau & de rare dans l'Univers, & d'illuftre dans toute l'Antiquité. J'orneray ton ame de vertu de fçavoir, qui font fes plus beaux

C.

contrainte de travailler de fes mains. Ce qu'il y a de beau de rare, &c. Cela vient mieux au fujer que de dire; Toutes les chofes divines & hu→ maines, ce qui eft trop vafte..

Exposé au mépris, | bas, Rauvre, Inconnuë, c. Je ne dis pas comme l'Auteur, Menant une vie de liévre, parce que ecla n'eft pas à noftre air; ce qui doit fervir d'exemple pour plufieurs autres endroits, où je fuis obligé de changer, ou de phrafe, ou de proverbe, & quelquefois mefme d'exemple, ou de comparaifon, parce qu'ils ne font pas à noftre ufage: Du refte j'exprime plus

Vertu Sçavoir ; Je comprens en deux mots à mon ordinaire, ce que l'Auteur dit plus au long.

ornemens, & par la connoiffance du paflé je te donneray celle de l'avenir. Au lieu de ce méchant habit que tu as, je t'en donneray un magnifique, comme celuy que tu me vois ; & de pauvre & inconnu, je te rendray illuftre & opulent, digne des plus grands emplois, & en état d'y parvenir. S'il te prend envie de voyager dans les Païs étrangers, je feray marcher ta renommée devant toy; on te viendra confulter comme un Oracle, & fi-toft que tu auras ouvert la bouche, chacun fera attentif à ouïr tes fentimens pour les fuivre. Enfin, tu feras. adoré & respecté de tout le monde, & toutes tes paroles & tes actions ferviront d'exemple & de regle à la pofterité. Je te donneray mefme l'immortalité tant vantée, & te feray vivre à jamais dans la memoire des hommes. Confidere ce qu'eftoit Demofthene, & ce qu'il eft devenu par mon moyen ; Efquinés de pauvre garçon a efté recherché & confideré de Philippe Socrate mefme qui avoit fuivy ma rivale, ne m'eut pas plûtoft

Adoré respecté de tout le monde, le Grec dit, montré au doigt; ce que je n'allegue que pour faire voir com

bien on eft obligé de changer de chofes quand on veut traduire avec agrément.

connue qu'il l'abandonna pour moy. Tu fçais que je luy ay acquis une eftime, qui durera autant que les Siecles. Quitteras-tu tant d'honneur, de richelles & de credit, pour fuivre une pauvre inconnue, qui eft contrainte de travailler de fes mains pour vivre, & de fonger plutoft à polir un marbre qu'à fe polir foy-même ? Elle n'eut pas plûtoft dit cela, que touché de fes promeflès, & n'ayant pas encore oublié les coups que j'avois receus, je courus l'embraffer, fans attendre qu'elle euft achevé fa harangue; dequoy l'autre irritée, fut transformée en ftatuë par la rage & le dépit, comme il arrive affez d'autres merveilles en fonCela ge. Alors l'Eloquence pour me récompenfer de mon choix, me fit monter avec elle fur fon Char; & touchant fes l'Au- chevaux aiflez, me promena d'Orient en de la sy. Occident, me faisant

montre

les

voya

ges de

teur, qui

rie vint

en Grece, & de là

& en Gaule.

De fonger plutoft à en Italie polir un marbre que foy-mefme, j'omets des termes de l'Art dont on fe peut paffer. Transformée en ftatue j'ay trouvé cela plus à propos que de dire en rocher comme Niobe.

répandre par tout

Répandre par tout je ne çay quoy de céleste

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de divin, je ne dis pas comme Triptoleme, parce que cela n'y revient pas entierement outre que, comme j'ay déja dit, ce qui faifoit une beauté de ce tempslà, feroit delagréable

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