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cette Traduction fe rapporte à deux chefs, fçavoir, au Deffein & à la Conduite. Čar les uns diront qu'il ne falloit traduire cet Auteur, par la raifon que je viens de rapporter; les autres, qu'il le falloit traduire autrement. Je veux répondre à ces deux objections, apiés avoir dit quelque chofe de la vie de LUCIEN, qui servira à ma justification, & qui fera mieux voir les raifons que j'ay eues de le traduire.

LUCIEN eftoit de Samofate capitale ce de de la Comagéne : il n'eftoit pas de grande naiffance; car fon pere n'ayant pas le moyen de l'entretenir, réfolut de luy faire apprendre un mestier; mais les commencemens ne ly en ayant pas efté favorables, il fe jetta dans les Lettres, fur un fonge qui eft rapporté au commencement de fes Ouvrages. Il dit luymefme qu'il embraila la profeffion d'Avocat; mais qu'ayant en horreur les criailleries, & les autres vices du Barreau, il eut recours à la Philofophie, comme à un azile. Il paroift par fes Ecrits, que c'eftoit un Rhéteur, qui fafoit profeffion d'Eloquence, & qui compofoit des Déclamations & des Harangues fur divers fujets, & mefme des Plaidoyers; quoy qu'il ne nous en refte

regne

point de fa façon. Il s'eftablit d'abord à Antioche, d'où il paffa en Ionie & en Gréce, puis en Gaule & en Italie, & enfin, revint aprés en fon Païs par la Macédoine. Mais on voit bien qu'il a vefcu une partie du temps à Athénes, auffi en avoit-il pris les vices & les vertus. A la fin il fe retira des exercices dont j'ay parlé, pour s'adonner à la Philofophie; c'eft pourquoy il fe plaint en quelque endroit, de ce qu'on l'y veut rembarquer en fa vieilleffe. Il a vefcu quatre-vingts-dix ans, depuis le de Trajan, & au-deffus, jufques pardelà Marc - Auréle, fous qui il fut en grande eftime, & devint Intendant de l'Empereur en Egypte. Suidas veut qu'il ait esté déchiré pai les Chiens mais c'est apparemment une calomnie, pour fe venger de ce qu'il n'a pas épargné dans fes railleries les premiers Chretiens, non plus que les autres. Toutefois, ce qu'il en dit fe peut rapporter, à mon avis, à leur charité & à leur fimplicité, qui eft pluftoft une loüange qu'une injure; joint qu'on ne doit pas attendre d'un Payen, l'éloge du Chriftianifme. Quelques-uns ont crû qu'il avoit efté Chref tien; mais cela ne paroift point dans fes Livres. Il eft vray qu'il fçait beaucoup

de nos myfteres pour un Eftranger; quoyque le voifinage de la Judée & le commerce des Chreftiens, joint à fa curiofité naturelle, luy ayent pû acquerir toute Bourde- cette connoiffance. D'autres le veulent lot en fa faire paffer pour un modelle de fageffe Préface. & de doctrine: Mais outre l'amour des Garçons, auquel il a efté fujet, & le peu de fentiment qu'il a eu de la Divinité, il ne luy eft pas pardonnable d'avoir déchiré la réputation des plus grands Hommes, fur le rapport de la Renommée, ou pluftoft fur celuy de leurs ennemis. Car encore qu'on le puiffe excufer, en difant, que ce n'eft pas à eux qu'il en veut, mais à ceux qui abufent de leur nom, pour couvrir leurs vices; on voit bien qu'il ne laffle échapper aucune occafion d'en inédite, & qu'il leur donne toujours quelque coup de dent en paffant. Aurelte façon dont il traite les matieres les plus importantes, fait affez voir qu'il n'eftoit pas fort profond dans la Philofophie, & qu'il n'en avoit appris que ce qui fervoit à fa profeffion de Rhéteur, qui eftoit de parler pour & contre, fur toutes fortes de fujets. Mais on ne peut nier que ce ne foit un des plus beaux Efprits de fon fiecle, qui a par tout de la mignardife & de l'a

grément, avec une humeur gaye & enjouée, & cet air galant que les Anciens nommoient Urbanité, fans parler de la netteté & de la pureté de fon ftile, jointe à fon élegance & à fa politeffe. Je le trouve feulement un peu groffier dans les chofes de l'Amour, foit que cela fe doive imputer au genie de fon temps, ou au fien; mais lors qu'il en veut parler, il fort des bornes de l'honnefteté, & tombe incontinent dans le fale; ce qui eft pluftoft la marque d'un efprit débauché que galant. Il a cela aussi des Déclamateurs, qu'il veut tout dire, & qu'il ne finit pas toûjours où il faut, qui eft un vice qui vient de trop d'efprit & de fçavoir. Mais c'eft une grande preuve du mérite & de l'excellence de fes Ouvrages, qu'ils fe foient confervez jufqu'à nous, veu le peu d'affection qu'on avoit pour leur Auteur, & le naufrage de tant d'autres Pieces de l'Antiquité, qui fe font perduës, foit par mal-heur ou par negligence. Et il faut bien que les Chreftiens ayent trouvé qu'ils pouvoient beaucoup plus profiter que nuire. Auffi jamais homme n'a mieux découvert la vanité & l'impofture des faux Dieux, ni l'orgueil & l'ignorance des Philofophes, avec la foibleffe & l'inconftance des cho

fes humaines ; & je doute qu'il y ait de meilleurs Livres pour ce regard. Car il s'infinue doucement dans les efprits par la raillerie; & fa Morale eft d'autant plus utile, qu'elle eft agreable. D'ailleurs, on peut apprendre icy mille chofes tres-curieufes ; & c'eft comme un bouquet de fleurs de ce qu'il y a de plus beau chez les Anciens. Je laiffe à part, que les Fables y font traitées d'une façon ingenieufe, qui eft tres-propre à les faire retenir, & qui ne contribuë pas peu à l'intelligence des Poëtes. Il ne faut donc pas trouver eftrange que je l'aye traduit, à l'exemple de plufieurs Perfonnes doctes qui ont fait des Verfions Latines, les uns d'un Dialogue, les autres d'un autre ; & je fuis d'autant moins blafmable, que j'ay retranché ce qu'il y avoit de plus fale, & adoucy en quelques endroits, ce qui eftoit trop libre; par où j'entre en la juftification de ma conduite, puis que voilà mon deffein affez bien juftifié par tant d'avantages qui peuventrevenir au public, de la lecture de cetAuteur. Je diray feulement que je luy ay laiffé fes opinions toutes entieres, parce qu'autrement ce ne feroit pas une Traduction; mais je répons dans l'Argument ou dans les Remarques, à ce

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