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DES

RÉVOLUTIONS

ARRIVÉES DANS LE GOUVERNEMENT

DE LA

RÉPUBLIQUE ROMAINE,
René Auhout Ri

PAR VERTOT.

TOME PREMIER.

PARIS,

LIBRAIRIE DE LECOINTE.

QUAI DES AUGUSTINS, No 49.

1833.

4076

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DES FONDEMENTS DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE, ET DES PRINCIPALES CAUSES DE SA DÉCADENCE.

L'AMOUR de la liberté a été le premier objet des Romains dans l'établissement de la république, et la cause ou le prétexte des révolutions dont nous entreprenons d'écrire l'histoire. Ce fut cet amour de la liberté qui fit proscrire la royauté, qui diminua l'autorité du consulat, et qui en suspendit le titre en différentes occasions. Le peuple même, pour balancer la puissance des consuls, voulut avoir des protecteurs particuliers tirés de son corps; et ces magistrats plébéiens, sous prétexte de veiller à la conservation de la liberté, s'érigerent insensiblement en tuteurs des lois, et en inspecteurs du sénat et de la noblesse.

Ces inquisiteurs d'état tenoient en respect les consuls même et les généraux. On verra dans la suite de cette histoire qu'ils les obligeoient souvent, quand ils étoient sortis de charge, de venir rendre compte devant l'assemblée du peuple de leur administration, et du succès de leurs armes. Ce n'étoit pas assez que de vaincre; l'éclat des plus grandes vicRÉVOL. ROM I.

1

toires ne mettoit point à couvert de leurs recherches le général qui n'avoit pas assez ménagé la vie de ses soldats, ou qui, pendant la campagne, les avoit traités avec trop de hauteur: il falloit qu'il sût allier la dignité du commandant avec la modestie du citoyen. Des qualités trop brillantes étoient même suspectes dans un état où l'on regardoit l'égalité comme le fondement de la liberté publique. Les Romains prenoient ombrage des vertus qu'ils ne pouvoient s'empêcher d'admirer; et ces fiers républicains ne souffroient point qu'on les servît avec des talents supérieurs et capables de les assujettir.

Ceux qui étoient convaincus d'avoir employé d'indignes voies pour parvenir au commandement en étoient exclus pour toujours. Les charges et les emplois, si on en excepte la censure, n'étoient qu'annuels. Un consul, en sortant du consulat, ne conservoit d'autorité lui donnoit scn mérite personque celle que nel: et après avoir commandé en chef les armées de la république, on le voyoit souvent servir dans les mêmes armées sous son successeur. Il ne pouvoit rentrer dans le consulat qu'après un interstice de dix ans ; et on évitoit de laisser cette grande dignité trop long-temps dans la même famille, de

peur

de rendre

insensiblement le gouvernement héréditaire.

Mais de toutes les précautions que les Romains prirent pour maintenir leur liberté, aucune ne paroit plus digne d'admiration que cet attachement qu'ils conserverent long-temps pour la pauvreté de leurs ancêtres. Cette pauvreté, qui dans les premiers habitants de Rome étoit un pur effet de la nécessité, devint une vertu politique sous leurs successeurs. Les Romains la regarderent comme la gardienne la plus sûre de la liberté : ils surent même la rendre honorable, afin de l'opposer comme une barriere au luxe et à l'ambition. Ce détachement des richesses à l'égard des particuliers se tourna en maxime de gouvernement. Un Romain mettoit sa gloire à conserver sa pauvreté, en même temps qu'il exposoit tous les jours sa pour enrichir le trésor public. Chacun se croyoit assez riche des richesses de l'état, et les généraux, comme les simples soldats, n'attendoient leur subsistance que de leur petit héritage, qu'ils cultivoient de leurs mains: Gaudebat tellus vomere laureato. (1)

vie

Les premiers Romains étoient tous laboureurs, et les laboureurs étoient tous soldats. Leur habillement étoit grossier, la nourriture simple et frugale, le travail assidu. Ils éle(1) Plin. nat. lib. XVII', c. 4.

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