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passe dans mon cœur : elle vous estime; loin de m'embarrasser, vous m'aiderez à l'apaiser en ma faveur.

et,

Non, don Fadrique, répliqua-t-il, ma présence ne peut vous être utile. Partez tout seul, je vous en conjure. Non, mon cher don Juan, repartit Mendoce, nous irons ensemble: j'attends cette complaisance de votre amitié. Quelle tyrannie ! s'écria le Tolédan d'un air chagrin. Pourquoi exigez-vous de mon amitié ce qu'elle ne doit pas vous accorder ?

Ces paroles, que don Fadrique ne comprenait pas, et le ton brusque dont elles avaient été prononcées, le surprirent étrangement, Il regarda son ami avec attention : Don Juan, lui dit-il, que signifie ce que je viens d'entendre ? Quel affreux soupçon naît dans mon esprit ! Ah! c'est trop vous contraindre et me gêner; parlez : qui cause la répugnance que vous marquez à m'accompagner?

Je voulais vous le cacher, répondit le Tolédan; mais, puisque vous m'avez forcé vous-même à le laisser paraître, il ne faut mon cher plus que je dissimule; cessons,

don Fadrique, de nous applaudir de la conformité de nos affections; elle n'est que trop parfaite les traits qui vous ont blessé n'ont point épargné votre ami. Dona Théodora.... Vous seriez mon rival! interrompit Mendoce en pâlissant. Dès que j'ai connu mon amour, repartit don Juan, je l'ai combattu. J'ai fui constamment la veuve de Cifuentes, vous le savez vous m'en avez vous-même fait reproche

je triomphais du moins de ma passion, si je ne pouvais la détruire. Mais hier cette dame me fit dire qu'elle souhaitait de me parler chez elle. Je m'y rendis. Elle me demanda pourquoi je semblais vouloir l'éviter. J'inventai des excuses; elle les rejeta. Enfin je fus obligé de lui en découvrir la véritable cause. Je crus qu'après cette déclaration, elle approuverait le dessein que j'avais de la fuir; mais, par un bizarre effet de mon étoile, vous le dirai-je ? Oui, Mendoce, je dois vous le dire, je trouvai Théodora prévenue pour moi.

Quoique don Fadrique eût l'esprit du monde le plus doux et le plus raisonnable, il fut saisi d'un mouvement de fureur à ce discours; et interrompant encore son ami

en cet endroit : Arrêtez, don Juan, lui dit-il, percez-moi plutôt le sein que de poursuivre ce fatal récit. Vous ne vous contentez pas de m'avouer que vous êtes mon rival ; vous m'apprenez encore qu'on vous aime! Juste ciel! quelle confidence vous m'osez faire ! Vous mettez notre amitié à une épreuve trop rude. Mais que dis-je, notre amitié ? vous l'avez violée en conservant les sentimens perfides que vous me déclarez.

Quelle était mon erreur! Je vous croyais généreux, magnanime, et vous n'êtes qu'un faux ami, puisque vous avez été capable de concevoir un amour qui m'outrage. Je suis accablé de ce coup imprévu : je le sens d'autant plus vivement, qu'il m'est porté par une main..... Rendez-moi plus de justice, interrompit à son tour le Tolédan; donnez-vous un moment de patience; je ne suis rien moins qu'un faux ami. Écoutez-moi, et vous vous repentirez de m'avoir appelé de ce nom odieux.

Alors il lui raconta ce qui s'était passé entre la veuve de Cifuentes et lui, le tendre aveu qu'elle lui avait fait, et les discours qu'elle lui avait tenus pour l'engager à se

livrer sans scrupule à sa passion. Il lui répéta ce qu'il avait répondu à ce discours; et à mesure qu'il parlait de la fermeté qu'il avait fait paraître, don Fadrique sentait évanouir sa fureur. Enfin, ajouta don Juan l'amitié l'emporta sur l'amour ; je refusai la foi de dona Théodora. Elle en pleura de dépit; mais, grand Dieu, que ses pleurs excitèrent de trouble dans mon âme! Je ne puis m'en ressouvenir sans trembler encore du péril que j'ai couru. Je commençais à me trouver barbare; et pendant quelques instans, Mendoce, mon cœur vous devint infidèle. Je ne cédai pas pourtant à ma faiblesse, et je me dérobai par une prompte fuite à des larmes si dangereuses. Mais ce n'est pas assez d'avoir évité ce danger; il faut craindre pour l'avenir. Il faut hater mon départ : je ne veux plus m'exposer aux regards de Théodora. Après cela, don Fadrique m'accusera-t-il encore d'ingratitude et de perfidie?

Non, lui répondit Mendoce en l'embrassant, je vous rends toute votre innocence. J'ouvre les yeux, pardonnez un injuste reproche au premier transport d'un amant

qui se voit ravir toutes ses espérances. Hélas devais-je croire que dona Théodora pourrait vous voir long-temps sans vous aimer, sans se rendre à ces charmes dont j'ai moi-même éprouvé le pouvoir ? Vous êtes un véritable ami. Je n'impute plus mon malheur qu'à la fortune; et, loin de vous haïr, je sens augmenter pour vous ma tendresse. Eh quoi! vous renoncez pour moi à la possession de dona Théodora! Vous faites à notre amitié un si grand sacrifice, et je n'en serais pas touché ! Vous pouvez dompter votre amour, et je ne ferais pas un effort pour vaincre le mien ! Je dois répondre à votre générosité, don Juan: suivez le penchant qui vous entraîne: épousez la veuve de Cifuentes: que mon cœur, s'il veut, en gémisse; Mendoce vous en presse.

Vous m'en pressez en vain, répliqua Zarate. J'ai pour elle, je le confesse, une passion violente; mais votre repos m'est plus cher que mon bonheur. Et le repos de Théodora, reprit don Fadrique, vous doit-il être indifférent? Ne nous flattons point: le penchant qu'elle a pour vous dé

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