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DARIUS auffi en refpect Tiffapherne par les Athéniens, & la fuite fera voir que cette entrevûe ne fut pas inutile. Alcibiade de retour à Samos, y trouva les efprits encore plus échaufés qu'auparavant. Les Députés des Quatre-cens y étoient arrivés pendant fon abfence, & avoient entrepris en vain de justifier devant les foldats le changement qui s'étoit fait à Athé nes. Leur difcours, qui fut fouvent interrompu par des cris tumultueux, ne fervit qu'à les irriter de plus en plus, & ils demandoient avec instance

que

fur le champ on les menât contre les Tyrans. Alcibiade ne fit pas en cette occafion ce qu'auroit fait tout autre que lui qui fe feroit vû élevé à une fi haute dignité par la faveur du peuple. Car il ne crut pas qu'il dût complaire en tout & ne rien refufer à ceux qui, de fugitif & de banni qu'il étoit, l'avoient fait Capitaine général d'une flote de tant de vaiffeaux, & d'une armée fi nombreuse & fi for midable: mais, en homme d'Etat & en grand politique, il fe crut obligé de s'oppofer à la fureur aveugle qui alloit les précipiter dans un danger évident, & de les empécher de com

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mettre une faute qui n'auroit pas manqué d'entraîner leur entiére ruine. Cette fage fermeté fauva la ville d'Athénes. Čar, s'ils euffent d'abord mis à la voile pour s'en retourner, les ennemis fe feroient rendu maîtres fans réfiftance de l'Ionie, de l'Hellefpont, & de toutes les Ifles, pendant que les Athéniens, portant la guerre dans leur propre ville, auroient confumé toutes leurs forces les uns contre les autres. Il empécha qu'on ne maltraitât les Députés, & les renvoia, en difant qu'il ne s'oppofoit pas à ce que les Cinq-mille citoiens euffent la fouveraine autorité dans la République : mais qu'il faloit déposer les Quatrecens, & rétablir le Sénat.

NOTHUS.

*Ville de

Pamphylie."

Pendant tous ces mouvemens, la Thucyd.604flote de Phénicie, que les Lacédémo- 606. niens attendoient avec impatience, approchoit, & l'on apprit qu'elle étoit arrivée à* Afpende. Tiffapherne partit pour aller au-devant, fans qu'on pût deviner au jufte la caufe de ce voiage. Il avoit d'abord mandé cette flote pour flater les Péloponnéfiens de l'efpérance de ce puiffant fecours, & pour arréter leurs progrès en la leur faifant attendre. On croit qu'il partit Tome IV.

B

DARIUS pour la même raifon, afin qu'ils ne fiffent rien en fon abfence, & que leurs foldats & leurs matelots fe dé bandassent faute de paie. Quoi qu'il en foit, il ne l'amena point, fans doute pour tenir toujours la balance égale ce qui étoit l'intérêt du Roi de Perse, & pour confumer les uns & les autres par la longueur de la guerre. Car il lui eût été bien facile de la terminer par le fecours de cette nouvelle flote puifque celle du Péloponnéfe étoit déja auffi forte toute feule que celle d'Athénes. L'excufe frivole qu'il allégua de ne l'avoir pas amenée parce qu'elle n'étoit pas complette, marque affez qu'il avoit eu une autre raison.

Thucyd. pag.

607-614.

210.

177. 189

192.

,

Le retour infructueux des Députés Plut. in Al- qu'on avoit envoiés à Samos, & la cib. pag. 206 réponse d'Alcibiade, excitérent de Diod. p. 171. nouveaux troubles dans la ville, & 172.6175 portérent un coup mortel à l'autorité des Quatre-cens. Le tumulte augmenta encore infiniment, quand on eut appris que les ennemis, après avoir battu la flote que les Quatre- cens avoient envoiée au fecours de l'Eubée, s'étoient rendu maîtres de l'Ifle. Cette nouvelle répandit la terreur, & le découragement dans Athénes. Car ni la

défaite de Sicile, ni aucune autre des NOTHUS. précédentes, n'étoit auffi confidérable que la perte de cette île, dont la ville recevoit des fecours confidérables, & d'où elle tiroit prefque toutes fes provifions. Si, dans la confusion où étoit alors Athénes partagée en deux factions, la flote victorieufe étoit venu fondre dans le port comme elle le pouvoit, l'armée de Samos n'auroit pu fe difpenfer d'accourir au fecours de fa patrie. Et pour lors il ne fût refté à la République de tout fon empire que lefpont, l'Ionie, & toutes les îles fe voiant abandonnées auroient été contraintes de prendre parti, & de paffer du côté des Péloponnéfiens, Mais les ennemis ne furent pas capables d'un fi haut deffein: & ce n'eft pas la premiére fois qu'on a remarqué que les Lacédémoniens ont perdu leurs avantages par leur lenteur naturelle.

la ville d'Athénes. Car l'Hel

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On n'héfita plus dans Athénes à dépofer les Quatre-cens, comme auteurs des troubles & des divifions qui la déchiroient. Alcibiade fut rappellé d'un commun confentement, & on le' preffa d'accourir promtement au

Av.J.C.409.

DARIUS fecours de la ville. Mais lui, jugeant que s'il retournoit fur le champ à Athénes, il ne devroit fon rappel qu'à la compaffion & à la faveur du peuple, il voulut, pour rendre fon retour glorieux & triomphant, mériter ce rappel par quelque exploit confiAN M.3595. dérable. C'est pourquoi, étant parti de Samos avec un petit nombre de vaiffeaux, il croifoit autour des îles de Cos & de Cnide: & aiant appris que Mindare, Amiral de Sparte, navigeoit vers l'Hellefpont avec toute fa flote, & que les Athéniens le pourfuivoient, il tourna de ce côté-là avec une extrême diligence pour fecourir les Athéniens; & heureusement il arriva avec les dix-huit vaiffeaux dans le tems que les deux flotes étoient engagées vis-à-vis d'Abyde dans un combat qui dura jufqu'à la nuit, & dans lequel chacune étoit battue d'un côté, pendant qu'elle avoit l'avantage de l'autre. Son arrivée redoubla d'abord le courage des Spartiates qui le croioient encore ami, & abbattit celui des Athéniens. Mais Alcibiade arborant fur fon bord Amiral les enfeignes Athéniennes, fondit fur les Lacédémoniens, qui étoient les plus

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