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obfervé ailleurs. Soit orgueil & abus du pouvoir defpotique du côté des Rois, foit efprit d'indépendance & amour démefuré de la liberté de la part du peuple, Sparte, dans ces commencemens, fut toujours agitée de diffenfions & de revoltes, qui auroient infailliblement caufé fa ruine, comme il arriva à Argos & à Melléne, deux villes voisines de Sparte, & auffi puiffantes qu'elle, fi la fage pré-. voiance de Lycurgue n'en eût prévenu les funeftes fuites par la réforme qu'il mit dans l'Etat. Je l'ai raportée Tome 11. p. fort au long dans la vie de Lycurgue: 513-558. je ne toucherai ici que ce qui regarde le gouvernement.

§. I.

Idée abrégée du gouvernement de Sparte.
La parfaite foumiffion aux Loix en

étoit comme l'ame.

LYCURGUE rétablit l'ordre & la paix dans Sparte par l'établissement du Sénat. Il étoit compofé de vingthuit Sénateurs, & les deux Rois y préfidoient. Cette augufte Compagnie, formée de ce qu'il y avoit dans la Nation d'hommes les plus fages &

les plus expérimentés, fervoit comme de contrepoids aux deux autres autorités, je veux dire à celle des Rois & à celle du Peuple; & quand l'une vouloit prendre le deffus, le Sénat fe rangeoit du côté de l'autre, & les tenoit ainfi toutes deux dans un jufte équili– bre. Dans la fuite, pour empêcher que cette Compagnie même n'abufât de fon pouvoir qui étoit fort grand, on lui mit une efpéce de frein,

en

nommant cinq Ephores, qui étoient tirés du peuple, dont la charge ne duroit qu'un an, mais qui avoient autorité & fur les Sénateurs & fur les Rois mêmes.

Le pouvoir des Rois étoit fort borné, fur tout dans la ville & en tems de paix. Dans la guerre, c'étoient eux qui commandoient les flotes & les armées, & pour lors ils avoient plus Arift. De d'autorité. Cependant on leur donRep. lib. 2. noit alors même des efpéces d'Infpecteurs & de Commiffaires qui leur tenoient lieu d'un Confeil néceffaire; & l'on choififfoit ordinairement pour cette fonction ceux des citoiens qui étoient mal avec eux, afin qu'il n'y eût point de connivence de leur part, & que le public fût mieux fervi, Il

pag. 331,

y

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avoit prefque toujours une fecrette
méfintelligence entre les deux Rois
foit qu'elle vînt de la jaloufie natu-
relle entre les deux branches, foit
qu'elle fût l'effet de la politique Spar-
taine, à qui leur trop grande union
auroit pu donner de l'ombrage.

Les Ephores avoient encore plus
d'autorité à Sparte, que les Tribuns
du peuple à Rome. Ils préfidoient à
l'élection des Magiftrats, & leur fai-
foient rendre compte de leur admini-
ftration. Leur pouvoir s'étendoit juf-
ques fur la perfonne des Rois, qu'ils
avoient droit de faire mettre en pri-
fon, comme ils le firent à l'égard
de Paufanias. Quand ils étoient affis
fur leur fiége dans le Tribunal, ils ne
fe levoient point à l'arrivée des Rois,
marque de refpect qui étoit rendue à
ceux-ci par tous les autres Magiftrats;
ce qui fembloit fuppofer dans les
Ephores une efpéce de fupériorité,
parce qu'ils repréfentoient le Peu- plur. in A-
ple; & il eft marqué d'Agéfilas, que sefl. p. 597•
lorfqu'il étoit affis fur fon trône
pour rendre la juftice, & que les
Ephores arrivoient, il ne manquoit
jamais de fe lever pour leur faire hon-
neur. Il y a beaucoup d'apparence

qu'avant lui les Rois n'en ufoient pas toujours ainfi, Plutarque raportant cette démarche d'Agéfilas comme lui étant particuliére.

Les affaires fe propofoient & s'examinoient dans le Sénat, & c'étoit là que fe formoient les réfolutions. Mais les Décrets du Sénat n'avoient point de force, s'ils n'étoient ratifiés par le peuple.

Il faloit qu'il y eût une grande fageffe dans les loix que Lycurgue avoit établies pour le gouvernement de Sparte, puifque tant qu'elles furent exactement obfervées, jamais on ne vit dans cette ville de mouvemens ni de féditions de la part du peuple, jamais on n'y propofa de faire aucun changement dans la manière de gouverner, jamais aucun particulier n'y ufurpa l'autorité par violence, & ne s'y fit Tyran, jamais le peuple ne fongea à faire fortir la roiauté des deux familles où elle avoit toujours été, & jamais auffi aucun Roi n'entreprit de s'attribuer plus de pouvoir que les loix ne lui en donnoient. Xenoph. In Cette réflexion, qui eft de Xénophon Agefil pag & de Polybe, marque l'idée qu'ils Polyb. I. 6. avoient de la fageffe de Lycurgue en

651.

pag. 459.

matiére de politique, & le cas qu'on en doit faire. En effet nulle autre ville de la Grèce n'a eu cet avantage, & toutes ont eu à effuier plufieurs changemens, & plufieurs viciffitudes faute de pareilles loix qui y fixaffent pour toujours la forme du gouver

nement.

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La raifon de cette conftance & de cette ftabilité des Lacédémoniens dans leur gouvernement & dans leur conduite, c'eft qu'à Sparte c'étoit les loix qui dominoient abfolument, & qui y avoient une autorité fouveraine, au lieu que la plupart des autres villes Grecques, livrées aux caprices des particuliers, au pouvoir defpotique, à une domination arbitraire & fans régles, éprouvoient la vérité de ce que dit Platon, qu'une ville Plat. lib. 4. eft malheureuse, où ce font les Ma- de leg. p.715. giftrats qui commandent aux loix, & non les loix aux Magiftrats.

L'exemple d'Argos & de Mefféne que j'ai déja indiqué, fuffiroit feul pour montrer combien la réflexion que je viens de faire eft jufte & véritable. Au retour de l'expédition de Plat. lib. 3. Troie, les Grecs, connus fous le nom leg.p. 683de Doriens, s'établirent dans trois Plut. in Ly

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de

685.

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