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villes du Péloponnése, qui font Lacédémone, Argos, Mefféne, & jurérent de s'entrefecourir les uns les autres. Ces trois villes, foumises également au pouvoir monarchique avoient les mêmes avantages, fi ce n'eft que les deux derniéres l'emportoient beaucoup fur l'autre la ferpar tilité du terroir où elles étoient fituées. Cependant Argos & Mefféne ne confervérent pas lontems leur fupériorité. La hauteur des Rois & la défobéiffance des peuples les firent tomber de l'état floriffant où elles avoient été d'abord; & elles montrérent par leur exemple, dit Plutarque après Platon, que c'étoit une grace toute particuliére que les dieux avoient faite aux Spartiates de leur donner un homme comme Lycurgue, capable de leur prefcrire un plan de gouvernement fi fage & fi raifonnable.

Pour le maintenir fans altération, on s'appliquoit avec un foin particu lier à élever les jeunes gens felon les loix & les mœurs du pays, afin qu'enracinées & fortifiées par une longue habitude, elles devinffent en eux comme une feconde nature. La maniére dure & fobre, dont ils

étoient nourris dès lors, répandoit 1 dans tout le refte de leur vie un goût naturel pour la frugalité & la tempérance qui les diftinguoit de tous les autres peuples, & qui les rendoit merveilleufement propres à fuppor

;

ter les fatigues de la guerre. Platon Plat. de leg.
remarque que cette falutaire coutu- lib. 1.p.637.
me avoit banni de Sparte, & de tout
le territoire qui en dépendoit, l'i-
vrognerie, les débauches, & tous
les defordres qui en font la fuite
de forte que c'étoit un crime puni
par la loi que de prendre du vin avec
excès même dans les fêtes des Bac-
chanales, qui par tout ailleurs étoient
des jours de licence, où les villes en-
tiéres fe permettoient les derniers

'excès.

On accoutumoit auffi les enfans dès l'âge le plus tendre à une parfaite foumiffion aux loix, aux Magiftrats, & à tous ceux qui étoient en place; & a leur éducation n'étoit à proprement parler qu'un apprentiffage d'obéiffance. C'est pour cela qu'Agéfilas confeilla à Xénophon de faire venir fes enfans à Sparte, comme à

Jin

a cse mir maidéanain Lycurg. pag. 50. μελέ την ευπειθείας Plut.

Herod. lib.

146.

une école excellente, a pour y ap. prendre la plus belle & la plus grande de toutes les fciences, qui eft celle d'obéir & de commander: car l'une conduit à l'autre. Ce n'étoit

pas feulement les petits, les pauvres, les citoiens du commun qui étoient ainfi foumis aux loix : c'étoient les plus riches, les plus puiffans, les Magiftrats, les Rois mêmes, & ils ne fe diftinguoient des autres que par une obéiffance plus exacte, perfuadés que c'étoit le moien le plus fûr de fe faire eux-mêmes obéir & refpecter par leurs inférieurs.

De là ces réponses si célébres de 7. cap. 145. Démarate. Xerxès ne pouvoit comprendre que les Lacédémoniens, qui n'avoient point de maître qui pût les contraindre, fuffent capables d'affronter les périls & la mort. » Ils

font libres & indépendans de tout » homme, répliqua Démarate; mais » ils ont au-deffus d'eux la Loi qui » les domine: & cette Loi leur or» donne de vaincre ou de mourir. «< Plat. in Dans une autre occafion, comme on Apophthegm s'étonnoit qu'étant Roi il fe fût laiffé Lacon. pag.

220.

- 2 Μεθησομένες τῶν ' άρχισαν καὶ ἄρχειν. Ρίπεδο

exiler: C'est, dit-il, qu'à Sparte la Loi eft plus forte que les Rois.

604.

Cela parut bien dans la bien dans la promte d. in Ageobéiffance d'Agéfilas aux ordres desfil. pag. 603. Ephores qui le rapelloient au fecours de fa patrie; occafion délicate pour un Roi & pour un Conquérant, mais où il crut a qu'il étoit plus glorieux pour lui d'obéir à la patrie & aux loix, que de commander de nombreuses armées, & même que de faire la conquête de l'Afie.

§. II.

Amour de la pauvreté établi à Sparte.

A CETTE SOUMISSION parfaite aux Loix de l'Etat, Lycurgue ajouta un autre principe de gouvernement non moins admirable, qui fut d'écarter de Sparte tout luxe, toute dépense, toute magnificence; d'y décrier abfolument les richeffes; d'y mettre en honneur la pauvreté, & de l'y rendre néceffaire, en fubftituant une monnoie de fer à la monnoie d'or & d'argent qui jufques-là y avoit été en

a Multo gloriofius du- | fuperaffet Afiam. Cornet. xit, fi inftitutis patriæ Nep. in Agefil. cap. 4. paruiffet, quàm fi bello

ufage. J'ai expofé ailleurs comment il s'y prit pour faire réuffir une entreprise si difficile. Je me borne ici à examiner ce qu'on en doit penfer par raport au gouvernement.

Cette pauvreté, où Lycurgue avoit réduit Sparte, & qui fembloit lui interdire toute conquête & lui ôter tout moien de s'accroitre & de s'aggrandir, étoit-elle bien propre à la rendre puiffante & floriffante ? Une telle conftitution de gouvernement, qui jufques-là étoit fans exemple, & qui depuis n'a été imitée de perfonne, marque-t-elle dans ce Légiflateur un grand fonds de prudence & de politique ? & le tempérament qu'on imagina dans la fuite fous Lyfandre, en laiffant aux particuliers leur pauvreté, & rétablissant le public dans l'ufage de la monnoie d'or & d'argent, n'étoit-il pas un fage correctif de ce qu'il y avoit d'outré & d'exceffif dans la loi de Lycurgue dont il s'agit ?

Il femble, à ne confulter que les vûes ordinaires de la prudence humaine, qu'il faudroit raisonner ainfi : mais l'événement, qui eft ici un garant & un juge non fufpect, nous

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