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Je m'étonne que les Athéniens, habiles comme ils étoient dans le métier de la guerre, n'aient pas com pris que la cavalerie étoit la partie effentielle d'une armée fur tout pour les batailles, & que quelqu'un de leurs Généraux n'ait pas tourné de ce côté-là leur attention & leur goût, comme Thémistocle le fit par raport à la marine. Xénophon étoit bien ca pable de leur rendre un pareil fervice pour la cavalerie, dont il compre noit parfaitement l'importance. Il a écrit fur ce fujet deux Traités dont I'un regarde le foin qu'il faut pren dre des chevaux, pour les bien con noitre & pour les former, & il entre fur ce fujet dans un détail étonnant; & l'autre enfeigne la manière de for mer & d'exercer les cavaliers mêmes: tous deux bien dignes d'être lus par les gens du métier. Dans le dernier, il donne des vûes pour mettre la ca valerie en honneur, & il y prescrit en général des régles fur l'art mili taire, qui peuvent être d'un grand fecours pour tous ceux qui font de ftinés à la profeffion des armes.

J'ai été furpris, en parcourant ce fecond traité, de voir avec quel foin

Xénophon, homme de guerre & payen, recommande le culte de la religion, le refpect pour les dieux, & la néceffité d'implorer leur fecours en toute occafion. Il répéte cette maxime jufqu'à treize fois différentes dans un Ecrit d'ailleurs affez court: & fentant bien que cette forte d'affeAtation religieufe pourroit choquer certains efprits, il en fait une efpéce d'apologie, & termine cet Ecrit par ane réflexion que je raporterai ici toute entiére.« Si quelqu'un, dit-il, « s'étonne que j'infifte fi fort ici fur « la néceffité qu'il y a de ne former « aucune entreprise fans se rendre la « divinité propice & favorable, qu'il « faffe attention qu'il y a dans la « guerre mille conjonctures douteu- « fes & obfcures, où les Généraux, «‹ occupés à fe tendre mutuellement « des embuches, ne peuvent, dans « l'incertitude de ce qui fe paffe chez « les ennemis, prendre confeil d'autre « que des dieux. Rien n'eft douteux « ni obfcur à leur égard. Ils décou- « vrent à qui il leur plait l'avenir, « par l'infpection des entrailles des « bêtes, par le chant des oifeaux, « par les vifions, par les fonges. Or «

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»il eft à préfumer que les dieux font plus difpofés à favorifer de leurs lumiéres ceux qui ne les confultent » pas feulement dans une néceffité » urgente, mais qui dans tous les "tems, & lorfqu'ils font loin du danger, leur rendent tout le culte » dont ils font capables.»

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Il étoit digne de ce grand homme de donner la plus importante des inftructions à fon fils Gryllus à qui il adreffe le Traité dont il s'agit, & qui, felon l'opinion commune, étoit chargé du foin de former les Cavaliers d'Athénes.

§. IV.

De la Marine, des Vaiffeaux, & des troupes de mer.

SI LES ATHENIENS le cédoient à ceux de Lacédémone pour la cavalerie, ils l'emportoient infiniment fur eux pour ce qui regarde la marine, & nous avons vû que cette fcience les avoit rendu les maîtres de la mer, & leur avoit donné une grande fupériorité au-deffus de tous les autres peuples de la Gréce. Comme cette matiére eft importante pour l'intelli

gence de plufieurs endroits de l'hiftoire, je la traiterai avec un peu plus d'étendue que les autres ; & je ferai grand ufage de ce que le favant Pere : Dom Bernard de Montfaucon en a écrit dans fes livres de l'Antiquité.

Les principales parties du vaiffeau étoient la proue, la pouppe, & le Emilieu, qui s'appelloit en latin carina,

la caréne.

LA PROUE étoit ce qui avançoit au dela de la caréne & du ventre du vaiffeau, elle étoit ornée pour l'ordinaire de peintures, & de différentes images de dieux, d'hommes, ou d'animaux. L'éperon, qu'on appelloit roftrum, étoit plus bas & à fleur d'eau : c'étoit une poutre qui avançoit, munie d'une pointe de cuivre, & quelquefois de fer. Les Grecs l'appelloient ἔμβολον.

L'autre bout du navire oppofé à la proue, étoit ce qu'on appelloit LA POUPPE. Là étoit affis le pilote, & tenoit le gouvernail; qui étoit une rame plus longue & plus large que les

autres.

LA CARENE, étoit le creux du vaif feau, ou le fond de cale.

Les vaiffeaux étoient de deux efpé

ces. Les uns alloient à la rame, & étoient des vaiffeaux de guerre : les autres alloient à la voile, & étoient des vaiffeaux de charge deftinés au négoce & aux transports. Les uns & les autres fe fervoient quelquefois en même tems de voiles & de rames, mais cela étoit plus rare. Les navires de guerre font auffi appellés très fouvent dans les Auteurs des navires longs, & font par là diftingués des vaiffeaux de charge.

Les vaiffeaux longs étoient encore divifés en deux efpéces: en ceux qu'on appelloit actuaria naves, qui étoient des vaiffeaux fort légers, comme nos brigantins ; & en longs fimplement, Les premiers s'appelloient ordinairement ouverts, parce qu'ils n'avoient pas de pont. De ces bâtimens légers, il y en avoit de plus grands, & qui avoient les uns vingt, les autres trente, & les autres jufqu'à quarante rames, moitié d'un côté, & moitié de l'autre, toutes fur la même file. Les navires longs qui fervoient pour la guerre,

étoient de deux for

* Pont, en termes de | marine, eft le tillac, on un plancher qui fipare les étages du navire. On dit auffi

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qu'un vaiffeau a deux on trois ponts, quand il a dans fon creux deux oy trois étages.

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