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DARIUS miral de la flote des Grecs étoit venu pour lui parler. On lui dit que Cyrus étoit à table dans une partie * de plaifir. Il répondit d'un ton & d'un air modefte qu'il n'étoit point preffé, & qu'il attendroit que le Prince fût forti. Les Gardes fe mirent à rire, admirant la fimplicité de ce bon étranger qui avoit peu les airs du monde ; & il fut obligé de fe retirer. Il y vint une feconde fois, & fut refufé de même. Pour lors il s'en retourna à Ephéfe, chargeant d'imprécations & de malédictions ceux qui les premiers avoient fait la Cour aux barbares, & qui par leurs flateries & leurs baffelles leur avoient appris à tirer de leurs richeffes un titre & un droit d'infulter au refte des hommes. Et s'adreffant à ceux qui étoient auprès de lui, il jura que dès qu'il feroit de retour à Sparte, il mettroit tout en œuvre pour réconcilier les Grecs entre eux, a fin deformais ils fuffent eux-mêmes redoutables aux barbares,& qu'ils n'euffent plus befoin de leur fecours, pour s'attaquer & fe ruiner les uns les au

* Le Grec, dit à la lettre qu'il bûvoit. mu. Les Perfes fe piquoient de boire beaucoup, & c'étoit `chez

que

eux une gloire, comme on le verra dans la lettre dé Cyrus aux Lacédémoniens.

tres. Mais ce généreux Spartiate, qui NOTHUS. avoit des penfees fi nobles & fi dignes de Lacédémone, & qui par fa juftice, par fa magnanimité, & par fon coura ge, s'étoit rendu comparable à tout ce que les Grecs avoient eu de plus excellent & de plus parfait, n'eut pas le bonheur de retourner dans fa patrie pour travailler à un fi grand ouvrage, & fi digne de lui...

§. V.

Callicratidas eft défait par les Athéniens près des Arginufes. Les Athéniens condannent à mort plufieurs de leurs Généraux pour n'avoir pas enlevé les corps de ceux qui étoient morts dans le combat. Socrate feul a le courage de s'opposer à un jugement fi injufte.

444-452Died. lib.

201. 217

CALLICRATIDAS, après avoir rem-`` Xenoph. Helporté plufieurs victoires contre les lan. lib. 1. p. Athéniens, avoit en dernier lieu pourfuivi Conon, l'un de leurs. Chefs 13. pag. 198dans le •port de Mityléne, & l'y te- 222. -noit bloqué. C'étoit la vingt-fixiéme année de la du Péloponnéfe. guerre Conon fe voiant affiégé par terre & par mer, fans efpérance de fecours, & fans vivres, trouva le moien de

DARIUS faire favoir à Athénes l'extrême dan

ger où il étoit. On fit des efforts extraordinaires pour le dégager, & en moins d'un mois on équipa une flote de cent dix galéres, où l'on embarqua tous ceux qui étoient en état de porter les armes, tant libres qu'esclaves,avec plufieurs cavaliers.Quand elle fut arrivée à Samos, quarante galéres des alliés s'y joignirent, & toutes enfemble firent route vers les îles Arginuses, fituées entre Mityléne & Cumes. Callicratidas l'aiant appris, laiffa Etéonice au fiége avec cinquante galéres, & fe mit en mer avec les fix-vingts autres pour faire face à l'ennemi, & empêcher le fecours. Du côté des Athéniens l'aile droite étoit commandée par Protomaque & Thrafyle, qui avoient chacun quinze galéres: ils étoient foutenus par une feconde ligne avec pareil nombre de vaiffeaux, conduits par Lyfias & Ariftogéne. L'aile gauche, pareille à la premiére, & rangée auffi fur deux lignes, étoit commandée par Ariftocrate & Diomédon, qui étoient foute* C'étoit le nus par Erafinide & Périclès. Le fils du grand corps de bataille, compofé à peu près de trente galéres, parmi les quelles

Péricles.

étoient les trois Amirales Atheniénes, NoтHUS.
étoit rangé fur une feule ligne. Ils
avoient foutenu chacune de leurs ai-
les par une feconde ligne pour les
fortifier, parce que leurs galéres n'é-
toient ni li vîtes ni fi faciles à ma-
nier que
celles des ennemis, de forte
qu'il y avoit à craindre qu'ils ne cou-
laffent entre deux. Les Lacédémo-
niens & leurs alliés, qui fe fentoient
inférieurs en nombre, fe contenté
rent de fe ranger tous fur une même
ligne pour égaler le front des enne-
mis, & pour fe conferver une plus
grande liberté de gliffer entre les ga-
léres des Athéniens, & de tourner lé
gérement au tour d'elles. Le Pilote
de Callicratidas, effraié de cette iné-
galité, lui confeilloit de ne point ha-
zarder le combat,` & de fe retirer :
mais il lui répondit, qu'il ne pouvoit
fuir fans honte, & que fa mort im-
portoit pen à la République: Sparte,
dit-il, ne tient pas à un
à un feul homme. Il
commandoit l'aile droite, & Thra-
fondas Thébain la gauche.

C'étoit un grand & terrible fpectacle, que de voir la mer couverte de trois cens galéres prêtes à s'entrechoquer. Jamais armées navales des

H

DARIUS Grecs plus nombreuses que celles-ci n'avoient combattu l'une contre l'au tre. L'habileté, l'expérience, & le courage des Chefs qui commandoient les deux flotes ne laiffoient rien à defirer. Ainfi l'on avoit tout lieu de croire que le combat qui alloit fe don ner décideroit du fort des deux peuples, & termineroit la guerre qui duroit depuis fi lontems. Dès qu'on eut donné les fignaux, les deux armées poufferent de grands cris, & le choc commença. Callicratidas, qui, fur la réponse des augures, s'attendoit à périr dans ce combat, fit des actions extraordinaires de valeur. Il attaqua les ennemis avec un courage & une hardieffe incroiable, coula à fond plufieurs de leurs vaiffeaux, en mit beaucoup d'autres hors d'état de combattre en brifant leurs rames, & leur perçant le flanc avec le bec de fa proue. Enfin il attaqua celui de Périclès, & le perça de mille coups: mais celuici l'aiant accroché avec un crampon de fer, il ne lui fut plus poffible de fe dégager, & il fut dans l'inftant environné de plufieurs vaiffeaux Athéniens. Le fien fut bientôt rempli d'ennemis, & après un horrible carnage il

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