1.L'homme eft le plus miferable de tous les animux,&quel les font fes plus dange reufes mala dies. 462 celles de l'ame,ou celles du corps. SOMMAIRE. IL y a long temps que la dispute fur laquelle Platarque a dreffécefte declamation, (dõt ne nous reste qu'vne petite piece) s eft demenee en tre les hommes: c'est dommage que nous n'en auons ici plus ample refolution d'vn fi excellent philofophe. Mais puis que ceste pertene fe peut rocouurer,cerchons l'esclaircissement de toute cefte matiere es autres auteurs, furtout en ceux qui defcouurent iufques au fond la fource de toutes les maladies de l'ame,au lieu que ceux qui ont traité la philoSophie morale felon l'enseignemet & clarté de nature feulemet acompa gnee des preceptes de fon eschole, n'ot touché qu'à la superfice,ayas igno re que c'eft de la corruptio originaire & hereditaire, que c'est de peché, comme il est entré au monde, quels font fes plus grands eforts, fes efects,fa fin, &fon loyer.Pour le regard de ce fragment, apres avoir dit que l'homme eft le plus miferable de tous les animaux, l'ametir monftre, où on doit confiderer les miferes humaines: & pronne que les maladies de l'ame font plus dangereuses que celles du corps: pource qu'elles font en plusgrand nobre,fort diferetes,dificiles à conostre incu rables,comme on le void par efect, les afligez de telles maladies ayans le ingemet reuerfe, refusans le remede auec perte de repos & vn fingulier plaifir qu'ils prenent à defcouurir leur inquietude & malheur. OMERE ayant confideré les diuers genres des auimaux mortels, & les ayant comparez les vns aux autres, tant en la duree qu'en l'entretenement de leurs vies, s'eft cfcrié, qu'il n'y en auoit pas vn fi miferable que l'homme de tous ceux, Qui fur la terre ou marchent on refpirent, adiugeant vne malheureufe principauté à l'home, qu'il n'y en a point qui le palle en fuperiorité de tous maux.Mais noʻlaLid. lin. 17. pofans que l'home ait defa emporte la victoire de mifere, & foit declaré le plus calamiteux de tous les autres animaux,le voulons comparer à foi-mefme, en collation de fes propres maux,les diuifans en ame & en corps,non point en vain, fans aucun fruit, ains fort pertinemment, afin que nous fachions, fi c'est par noftre ame, ou par noftre corps, que nous viuons plus miferablement:car la maladie s'egendre en noftre corps par la nature, & le vice & la meschanceté en l'ame eft premie- & 2. Elles net me. qu'a mettre l'home en refuerie & lui faire perdre l'entendemét, en lui troublat le fens,cóme d'vn inftrumét de mufique, Qui ne deuroyent pour rien estre touchees . Touchant du cœur les cordes plus cachees 111.Amplifi- VOILA pourquoi les medecins veulent & fouhaitent en cation de la premier lieu, que l'homme ne foit iamais malade, ou s'il l'eft, mifere des ma au moins qu'il n'ignore pas qu'il foit malade, ains le fente ladies de la- bien ce qui aduiet prefque ordinairement à toutes les maladies de l'ame, car ni ceux qui font fols & cfuentez, ne ceux qui font diffouls & defordonnez,ne ceux qui font iniuftes,ne penfent pas pecher ni faillir, ains y en a quelques vns mef mes qui penfent bien faire. Il n'y eut iamais homme qui efti1.Tels mala- maft que la fieure fuft fa até,ni l'eftre phthifique fuft eftre bie des ont le iu- difpos,ni que la goute aux pieds fuft eftre bien aniambee,ny mentren que pallir fuft rougir:la où ils apellent la colere vaillance, l'a crfe. mour amitié, l'enuie emulation, couardife prudence.Et puis ceux-là apellent les medecins quand ils fe fentent malades, car ils fentent bien dequoi ils ont befoin,mais ceux-ci fuyēt les fages & fauans, pource qu'ils cuident bié faire en ce qu'ils font mal, par cefte mefme raifon la nous difons que l'Oph2.Refusent le thalmie,c eft à dire le mal des yeux,eft moindre maladie,que rem:de. la Manic,qui eft la rage &fureur:& la rodagre,qui eft la goute aux pieds,que la Phrenefic,qui eft vne apoftume dedans le cerueau: car celui-là fent fon mal, & criant enuoye querir le medecin:venu qu'il eft,il luy monftre fon œil,il baille fa vene à ouurir,fa tefte a entamer, là où nous oyons Agaué és Tragedies,fi tranfport ce hors de fon bon fens par fa rage & manie,qui la tient,qu'elle defconoit les perfonnes qui lui font les plus cheres en difant, Euripide en la Tragedie des Baccan tes. Ce ieune fan que nous venons Car celui qui eft malade de corps fe rend incontinét,se couche dedans le lict,& endure patiemment qu'on le medecine, & qu'on le penfe:& fi d'auenture il s'eft tourmenté & demené en fon lict,de maniere qu'vn peu d'emotion lui en foit venue, le premier des affiftans qui l'aduerrira & luy dira douce ment, Demeure coi dedans ton liết pauure homme, il l'arrefte & le retient: mais à l'opofite ceux qui font furpris des paffions de l'ame,c'eft lors que plus ils trauaillent, c'eft lors lors que moins ils repofent, car les eflans& emotions font les 3. Perdent caufes mouuantes & principes ces actions,& les paffions font tout repos, veheméces de telles motions. Voila pourquoi elles ne laiffent defcouurent point repofer l'ame,ains lors que plus l'home auroit befoin de de plus en patience,de filece,de retraite en foi-mefme, c'eft lors que plus plus leur inelles le tirent en lumiere, c'eft lors que plus fe defcouuret les guietude coleres, les opiniaftretez, les amours,& les ennuis, le con- malheur. traignans de faire plufieurs chofes contre les loix,& d'en dire plufieurs mal conuenables au temps. II. Com:lu fion par vne belle fimilitude,que les maladies de l'ame sötas compar fon Ses que celles du corps. TovT ainfi donc comme plus dangereufe eft la tourmente qui empefche la nauire de furgir & prendre port, que celle qui ne permet pas fortir du port, & faire voile: auffi les tourmentes de l'ame font les pires, qui ne permettét point à l'hōme de fe recueillir, ni de raffeoir le difcours de fa raifo,qui est troublé & renuerfé fans deffus deffous fans pilote & fans chable,ni amare en tourmete,errant fans guide çà & là,& qui eft emporté malgré luy en courfes temeraires & mortelles, tant qu'a la fin il s'en va tomber en quelque efroyable naufrage, plus dageres la où il brife fa vie: tellement que pour ces raifons & autres femblables, ie conclus qu'il eft pire d'eftre malade de l'ame, que non pas du corps, car les corps malades ne font que foufrir feulement, mais les ames foufrent mal & en font tout enfemble. Quel befoin donc eft-il d'alleguer pour exemple les autres paffions, veu que l'ocafion du temps qui fe prefente maintenat nous enrefraifchit la memoire? Voyez-vous toute cefte foule de peuple, qui fe poufle &.fe preflé à l'entour de la tribune & par toute la place?ne for-ils pas tous venus en ce lieu pour facrifier enfemble aux Dieux tutelaires, protecteurs de ce pays, & pour participer en commun à mefmes religions & mefmes fainctes ceremonies?ne font-il pas venus pour fai❤ re ensemble ofrade à Iupiter Afcreïen des primices des fruits de la Lydie,& pour folennifer'a l'honneur de Bacchus, durant les faintes nuicts, fa fefte eniouce en danses & mommeries acouflumees? Et neatmoins come par accés& retours anniver faires la force de la maladie venant à aigrir & à irriter l'Afie, ils vienent ici à s'entrechoquer en des plaids & proces ordiuaires : & y a vn monde d'afaires, comme plufieurs torrens, qui confluent enfemble tout à vn coup fur vne mefme place qui eft enflee & grouillate d'vne multitude infinie de gens, fe perdans eux-mefmes & les autres. De quelles ficures ou friffonsprocedent tels efects? de quelles tenfions ou remiffions, augmentaties ou diminutions,ou imtemperature de chaleur, gg Il rid la raiJon pourquoy il escrit ces preceptes, & mefine que l philofo de quelles fuperfufions d'humeur vienent-ils ? Si vous interroguez chacune caufe,comme fi c'eftoyent des hommes, d'où elles procedent, dont elles vienent, vous trouuerez que l'vne eft engendree par vne colere fuperbe, l'autre par vne furieufe opiniaftreté,l'autre par vne iniufte cupidité. Les preceptes du Mariage. Plutarque à Pollianu & à Euridice, S. Ꮼ SOMMAIRE. NOV S auos ici vn meslange d'enseignemens, le tout aux marież, lefquels en la perfonne de Pollianus & d'Euridice, font auertis de leur deuoir mutual fur quoy n'eft befoin de difcourir au long, aiant efte marqué par le menu, & remenant à ce poinct:Qu'au commencement, en la fuite & continuation du mariage, l'homme & la femme doyuent Se suporter & s'entr'aimer d'vne simple afection, eflongnee d'orgueil, de violence,de vanité, & d'ordre ce qui eft fpecifié & copris en quarante cinq articles: en telle forte toutefois qu'il y a quelques preceptes qui fe fenient de la corruption du temps de l'infufiance de la fagefJe humaine,fi elle n'est esclairee de la verité de Dieu. Nous y voyõsaußi des auertiffemens particuliers aux deux parties, touchant leur deuo.r tant en la maison que dehors,le tout enrichi de fimilitudes & exemples notables.Brief, fi ces preceptes fons bien pefez & pratiquez ils pouuent rendre la vie humaine beaucoup plus commode qu'elle n'eft. Mais Plutarque monftre affez par le trente unieme enseignement, qu'il eft malaise de retenir chacun en deuoir, que presque tous regardent les chofes d'autre ail qu'il ne faut. Quoi qu'il en soit, ceux que la vertu a conioints ont ici dequoi profiter,&ce d'autãt plus qu'ils y ont une leçõ que l'equite naturelle la confcience leur ramentoit tous les iours, s'ils veulent entrer tant soit peu en eux mesmes : ce qu'estant conioint aux commandemens de la fageffe celeste, le mari & la fen me ne pewwent faillir de viure contens biens heureux. PRIS la ceremonie de mariage vfitee en ce pays, que la preftreffe de Ceres vous a apliquee en vous enfermant ensemble, il m'est auis que le difcours qui viendroit à feconder & fauorifer cefte voftre conionction, en vous phie rend les inftruifant de bons enfeignemens & fages auertiffemens mariez plus nuptiaux, ne vous feroit point inutile, & se trouueroit |