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Alcibiade. La vie peu réglée de celui- Norиus. ci bleffoit les Athéniens, outre qu'ils redoutoient fon audace & fa fierté. D'un autre côté Nicias, en s'oppofant toujours fans ménagement à leurs injuftes defirs, & en les obligeant toujours de prendre les partis les plus utiles, leur étoit devenu très odieux. Il paroiffoit, dans cette aliénation des efprits, que l'Oltracifime auroit lieu à l'égard de l'un ou de l'autre. Des deux partis qui dominoient alors dans la ville, l'un des jeunes gens qui vouloient la guerre, l'autre des veillards qui fouhaitoient la paix, le premier s'efforçoit de faire tomber le ban fur. Nicias, & l'autre de le détourner fur Alcibiade. Hyperbolus, dont l'audace faifoit tout le mérite, dans l'efpérance de fuccéder au crédit de celui qui feroit chaffé, fe déclara contre eux, & il ne ceffoit d'irriter le peuple contre l'un & contre l'autre. Mais les deux fac-. tions s'étant réunies, il fut lui-même banni, & mit fin par fon exil à l'Oftracisme, qui parut avoir été flétri & deshonoré en tombant fur un fujet fi. indigne: car jufques-là il y avoit eu une forte d'honneur & de dignité dans cette punition. Hyperbolus fut donc

le

DARIUS. le dernier qui fut condanné à ce ban, comme Hipparque, proche parent du Tyran Piliftrate, l'avoit fouffert le premier.

Thucyd.

AN. M.

§. V. Alcibiade engage les Athéniens dans la guerre de Sicile.

XVI. & XVII. années de la guerre.

Je paffe fous filence plufieurs élib. 8. p. vénemens peu confidérables , pour 350.409. venir au plus important de tous, qui eft l'expédition des Athéniens en SiAv. J. C. cile, à laquelle Alcibiade fur tout les détermina. C'eft ici la XVIe année de la guerre du Péloponnése.

3588.

416.

Plut. in

198. 200. In Nic.p.

53.1.

Alcibiade avoit pris un afcendant Alcib. p. merveilleux fur les efprits, quoique il fût bien connu pour ce pourtant qu'il étoit. Car fes grandes qualités étoient jointes à des vices encore plus grands, qu'il ne fe mettoit point en peine de diffimuler. Il vivoit plongé dans un luxe prodigieux & dans une molleffe qui deshonoroit la ville. Ce n'étoient tous les jours que feftins,que réjouiffances, que parties de plaifirs & de débauches. Il montroit peu de refpect pour les coutumes du pays, & encore moins pour la religion &

pour

pour les dieux. Les gens fages & fen- Norнus. fés, outre l'averfion que leur infpiroient tous ces déréglemens, craignoient extrêmement les fuites de cette audace, de cette profufion, & de ce profond mépris des loix, qu'ils regardoient comme autant de moiens & de degrés pour arriver à la tyrannie.

Scen. 4.

Aristophane, dans une de fes co- Les Gre médies, marque admirablement par nouilles. un feul vers la difpofition du peuple Act. s. à fon égard, il le hait, dit-il, & ne fe peut paffer de lui. En effet, les lar geffes dont Alcibiade combloit le peuple, la fomptuofité des Jeux & des Spectacles qu'il lui donnoit, la magnificence des préfens qu'il faifoit à la ville qui paffe tout ce qu'on peut dire, la grace & la beauté de toute fa perfonne, fon éloquence, fa force de corps, jointe au courage & à l'expérience, en un mot toutes fes grandes qualités faifoient que les Athéniens lui pardonnoient fes défauts, & les fupportoient patiemment, tâchant toujours de les diminuer & de les couvrir fous des noms doux & favorables: car il les appelloient des jeux des gentilleffes, & des marques d'humanité & de bon naturel.

DARIUS. Timon le Mifantrope, tout fauvage qu'il étoit, en jugea plus fainement. L'aiant rencontré un jour comme il fortoit de l'affemblée, très content d'avoir obtenu tout ce qu'il avoit demandé, & de fe voir généralement honoré par le peuple qui le reconduifoit en foule; loin de l'éviter comme il évitoit tout le monde, il alla au devant de lui, & lui tendant amiablement la main, Courage, mon fils, lui dit-il, tu fais fort bien de t'aggrandir

de t'élever: car c'est pour la ruine de tout ce peuple. La guerre de Sicile prouvera que Timon ne fe trompoit pas.

Dès le tems de Périclès, les Athéniens s'étoient mis en tête de conquérir la Sicile. Ce fage conducteur fut toujours attentif a réfréner par fa prudence cette folle ambition. Il leur répétoit fouvent qu'en fe tenant en repos, en s'appliquant avec foin à la marine, en fe contentant de conferver leurs conquêtes, & en ne précipitant point leur ville dans des entreprifes hazardeufes, ils rendroient leur République floriffante, & feroient toujours au deffus de leurs ennemis. L'autorité qu'il avoit prife fur les efprits fut bien capable de les em

99.

Diod.l.

pécher pour lors de paffer en Sicile, NOTHUS, mais elle ne leur en fit pas perdre le defir, & ils tournérent toujours les yeux de ce côté-là. Quelque tems après la mort de Périclès, les Léon- 12. pag. tins, attaqués par ceux de Syracufe, avoient député à Athénes pour de mander du fecours. Ils étoient origi naires de Calcide, colonie d'Athénes. Les Députés avoient à leur tête Gor gias, célébre Rhéteur, qui paffoit pour le plus éloquent homme de fon tems. Son difcours élégant, fleuri, & plein de figures brillantes qu'il mit le premier en ufage, enleva les Athéniens, extrêmement fenfibles aux beautés & aux charmes de l'éloquence. L'alliance fut conclue, & ils envoiérent des vaif feaux à Rhége pour fecourir les Léontins. L'année fuivante ils en envoié rent d'autres en plus grand nombre. Deux ans après ils envoiérent une nouvelle flote un peu plus forte: mais les Siciliens aiant renoncé à leurs di vifions par les confeils d'Hermocrate, la flote fut renvoiée, & les Athéniens ne pouvant pardonner à leurs Géné raux de n'avoir pas conquis la Sicile, en exilérent deux, Pythodore & Sophocle, & condannérent le troifiéme, Tome 111. Ee

qui

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