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enfin en état de tenir des affemblées; & de célébrer des Jeux.

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Un jour qu'on folennifoit dans le pays la fête des Lupercales, établie anciennement par Evandre, des voleurs qui ne cherchoient que l'occafion de fe venger des deux fréres, vinrent à bout de les furprendre. Romulus s'arracha de leurs mains mais Rémus fut pris & conduit au Roi par ces brigands. Comme ils l'accufoient entr'autres crimes, lui & fon frére, de faire des courses, & d'exercer des brigandages fur les domaines de Numitor à la tête d'une troupe de vagabonds, Amulius lui renvoia l'accufé, afin que ce Prince en fit lui-même juftice.

Fauftule s'étoit flaté dès le commencement, que les deux enfans dont il prenoit foin étoient du fang roial. Il n'ignoroit pas qu'il les avoit trouvés à peu près dans le même tems où le Roi Amulius avoit fait exposer sur le Tibre les fils de Rhéa. Mais, perfuadé que le moment n'étoit pas encore venu, il attendoit qu'une conjon&ure favorable, ou que la néceffité l'obligeât à révéler ce mystére. La vûe du danger

danger où il voioit le prifonnier, le força de s'ouvrir à Romulus. D'un autre côté, Numitor venoit d'apprendre que Rémus avoit un frere jumeau. Cette circonftance, l'âge des deux fréres, (ils paffoient dix-huit ans ́) la nobleffe de leurs inclinations, tout lui rappelloit le fouvenir de fes petitsfils, & les interrogations qu'il fit achevérent de le convaincre que fon prifonnier étoit Rémus. Dès lors on ne fonge qu'à fe défaire du Tyran. Romulus, qui n'avoit pas affez de monde pour aller en troupe forcer le palais, commande à fes gens de s'y rendre au tems marqué par différens chemins. Il va les joindre, & court attaquer le Roi de concert avec Rémus fuivi des domeftiques de Numitor. Amulius eft massacré.

Numitor, au premier bruit qui s'étoit fait entendre, publia que l'ennemi avoit furpris la ville, & qu'il étoit déja maître du palais. Par cette fauffe allarme il entraîne dans la citadelle, comme pour s'y défendre, tout ce qu'Albe avoit de gens capables de faire réfiftance. Mais auffitôt que ce Prince vit les Conjurés venir

à lui d'un air triomphant, il convoque les Albains. Il leur rappelle les attentats de fon frère contre lui: il raconte l'origine & la naiffance de fes petits-fils; comment ils avoient été élevés, comment il les avoit reconnus. Il finit par leur apprendre la mort du Tyran, & s'en déclare auteur. Alors Romulus & Rémus s'avancent avec leur fuite au milieu de l'Affemblée proclament Roi leur Aieul; & tout le peuple, à leur exemple, lui confirme par un cri unanime le titre & l'Autorité de Souverain.

Les deux frères, abandonnant à Numitor le roiaume d'Albe, réfolurent de fonder une ville dans les lieux "mêmes où ils avoient été expofés & nourris. Il fe joignit à eux une multitude d'Albains & de Latins, fans parler d'un affez grand nombre de bergers ce qui leur donnoit lieu d'efpérer que la ville dont ils jettoient les fondemens, effaceroit bientôt Albe & Lavinium. Le defir de régner paffion funefte & qui étoit le vice de leur famille, faifit alors les deux fréres, & fit naître entr'eux un différent,

qui commença d'abord avec affez de modération, mais qui finit d'une maniére bien tragique. Comme entre des jumeaux le droit d'aineffe ne pouvoit avoir lieu, ils étoient convenus l'un & l'autre de confulter le vol des oifeaux, pour apprendre à qui les dieux tutélaires de la contrée avoient réservé l'honneur de donner fon nom à la ville naiffante, & d'y commander. Dans cette vûe, Romulus s'étoit placé fur le mont Palatin, & Rémus fur l'Aventin. Rémus découvrit le premier, à ce qu'on prétend, des vautours au nombre de fix: mais il n'eut pas plutôt annoncé fa découverte, que Romulus en vit le double. Là deffus il fe forme deux partis. L'un fe déclare pour celui qui le premier a vû des vautours; l'autre pour celui qui les a vûs en plus grand nombre. On contefte, on s'emporte, la querelle devient fanglante: Rémus eft tué dans la mélée. On raconte fa mort d'une autre maniére. Comme Romulus fefoit creuser le foffé qui devoit environner les murailles de la nouvelle ville, Rémus critiqua d'un ton railleur la petiteffe de l'ouvrage ; &

ajou

ajoutant l'insulte à la raillerie, il fautà le foffé par mépris, pour fe moquer de fon frére. Romulus outré de l'infulte, le frapa d'un coup mortel en diOffic.lib.fant Ainfi périffe quiconque ofera l'i3. n. 41 miter. Cicéron regarde cette raillerie de Rémus comme un vain prétexte, dont Romulus tâcha de couvrir l'ambition criminelle qui lui fit com-. mettre ce meurtre pour régner feul & malgré le refpet qu'il avoit pouf le fondateur de Rome & pour un dieu prétendu, il le condanne hautement. Peccavit igitur, pace vel Quirini vel Romuli dixerim.

Quelques auteurs ont cru que Ro me étoit plus ancienne que Romulus, &que celui-ci n'en fut que le restauTateur.

CHAPITRE

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