Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de l'appartement de fa fille. La veille de notre départ, mon pere me dit: Paffons chez Madame de Rofoi; je veux l'embarraffer; je veux, fi je le puis, confondre fon artifice : mais laif fez-moi parler. Contentez-vous de paroître froid & fombre : craignez de donner à fon cœur, des armes contre vous & contre Alix, en paroiffant trop paffionné. C'eft toujours fe montrer aimable à qui nous aime, que de paroître délicat & tendre: ainfi, mon fils, quoi qu'il arrive, confervez un air de tranquilité.

[ocr errors]

Madame de Rofoi, en nous voïant, prit le ton féducteur de l'amitié elle dit à mon pere, qu'il falloit pardonner fa complaifance pour fa fille, à la tendreffe extrême qu'elle avoit pour elle. Puis s'adreffant à moi, elle pourfuivit : Comte, vos intérêts

ne peuvent être en de meilleures mains, je vais emploïer tour à tour, auprès de ma fille, & ma douceur & mon empire, pour la ramener à vous à vous, & la détermi

ner enfin à confentir à votre bonheur. Croiez, ajouta-t'elle d'un air affectueux, que j'achetterois de mon fang, la douce fatisfac tion de jouir du bonheur de pouvoir contribuer au vôtre. Que j'aurois de plaifir à vivre avec vous ! A vous voir à tous... Mon pere l'interrompit pour lui demander fi elle vouloit nous laiffer partir, fans nous permettre de prendre congé de Mademoifelle de Rofoi il ajouta qu'il auroit fujet de fe plaindre, fi le caprice de la fille & la condefcendance de la mere, nous privoient de cet honneur. Madame de Rofoi parut embarraffée à ce dif cours; mais fe voïant preffée par

mon pere, elle dit à Mademoifelle de Rocheville: Allez, ma chere Rocheville, allez chercher ma fille; fur tout, infpirez-lui d'apporter ici les fentimens qui peuvent feuls me plaire.: qu'elle fe fouvienne de fon devoir. Que je ferai contente, fi elle peut l'écouter! Mais que je crains.... Il ne s'en fallut de rien que mon pere, le plus prudent des hommes, ne s'échappât à ce difcours.

Mademoiselle de Rofoi arriva: elle étoit fi tremblante, qu'à peine pouvoit-elle fe foutenir. Voilà, lui dit cette mere artificieuse,le Comte de Rethel & fon fils, qui veulent prendre congé de vous. Mon pere fut à elle: Oferois-je, Mademoiselle, dit-il, vous demander en quoi mon fils a pû vous déplaire; les raifons qui vous forcent à défobéir aux volontez d'un pere, en

lui

vous faifant exiger d'une mere, de manquer à des engagemens folemnels; pourquoi enfin vous vous manquez à vous-même ? Ce n'eft point à moi à parler où ma mere eft préfente, repliqua Me de Rofoi d'une voix mal affurée ; c'est à elle à répondre. Non, non, reprit mon pere; c'eft à vous, Mademoiselle, à qui je m'adreffe:c'eft à vous à me rendre la liberté de difpofer de mon fils: prononcez feulement qu'il doit renoncer à vous pour jamais, & que vous y confentez. Il échappa dans ce moment quelques pleurs à Alix, qui ne répondoit rien. Madame de Rofoi lui dit alors: Hé bien ! ma fille, allezvous vous rendre? Vous laifferezvous attendrir? Parlez : répondez au Comte de Rethel. Pardonnez à ma défobéïffance, répondit Mademoiselle de Rofoi;

je crains trop de vous déplaire pour ofer expliquer mes fentimens vous les fçavez, & vous les avez approuvez; trop heureufe, fi vous avez pour eux affez d'indulgence pour ne vouloir plus les combattre ! Je vous l'ai déja dit, reprit mon pere avec vivacité: il faut, Mademoiselle, que vous prononciez à mon fils qu'il doit renoncer à l'efpoir de vous poffeder, pour que je puiffe difpofer de lui à mon gré, votre exemple lui fuffira pour être foumis à mes volontez. Parlez, Mademoifelle. Je n'ai plus rien à dire, repliqua-t'elle, & pour ne plus entendre des difcours trop preffans, je me retire. En achevant ces mots, elle fortit avec précipitation: mon pere voulut l'arrêter; mais Madame de Rofoi, dont le trouble étoit fenfible, le retint & lui dit : Laiffez-la fuir; elle ne

a

« AnteriorContinuar »