fuffire pour rappeller la mienne? Ces combats donnerent quelque efpérance à Mademoiselle de Rocheville; elle ofa représenter à Madame de Rofoi l'excès de fon égarement, les victimes qu'elle lui immoloit, la honte dont il devoit la couvrir. Qu'efperezvous, lui dit-elle, de cette malheureuse paffion? Tu me demandes ce que j'en efpere, répondit Madame de Rofoi? Hé! le fçaisje? Ou plûtôt, qu'en puis-je efpérer? Non; je n'en fçaurois recueillir qu'une confufion extrême, & des remords inutiles qui ne me quitteront jamais; ce que j'aime, ma fille, & moi, ferons tous malheureux. Cette fatale paffion chaffe, malgré moi, de mon cœur, les fentimens de la nature, & ceux du devoir; mais fi Roger, perfuadé du changement de ma fille, pouvoit l'oublier, je pourrois alors, fans que Thibault ni fon fils me traverfaffent, & fans être foupçonnée d'avoir emploïé l'artifice, disposer d'Alix ; je pourrois auffi toucher le cœur de Roger. Je l'ai vû quelquefois fe partager entre ma fille & moi: peut-être fans elle, le verrois-je dans ce moment à mes genoux ! Que cette idée me donne de haine pour ma Rivale: Et à quelle extrémité cette haine ne me por teroit-elle pas, fi Roger avoit pénétré ma paffion? Ah ! ma chere Rocheville, ce feroit pour moi, le comble des malheurs! Oui! Alix, me répondroit de l'horreur que je ferois à fon Amant. Madame de Rofoi paffoit les jours & les nuits, agitée de tous ces différens mouvemens. Deux ou trois lettres de Mademoiselle de Rocheville, nous inftruifirent de la fituation violente où fe trou voit Madame de Rofoi, & des craintes où elle étoit de ne plus me yoir. Mon pere crut qu'il étoit de fa prudence de m'éloigner: il prit fon parti, fur tout quand il eut appris par Mademoifelle de Rocheville, que Madame de Rofoi ne fongeoit point à marier fitôt fa fille. Ne voïant donc aucun rifque à m'éloigner, mon perę me dit: Je vais, mon fils, vous porter un coup fenfible; je le fens comme vous: mais je vous aime, Alix m'eft chere; je fçais que vous ne pourriez être heureux fans elle; votre tendreffe réciproque eft mon ouvrage : c'eft donc à moi à chercher les moiens qui pourroient un jour achever votre commun bonheur. Je veux vous éloigner de Madame de Rofoi ; c'eft la feule voie qui nous refte. Les combats qu'elle éprouve, & les remords dont elle est tourmentée, nous permettent quelque efpérance; il faut lui donner, contre vous, des armes, des armes, dont fa raifon, aidée des fages remontrances de notre prudente amie,pourra peut-être faire ufage. Partez, mon fils, retournez à la Cour; accordez à ma tendreffe cette abfence fi néceffaire pour votre bonheur, pour celui d'Alix, & pour mon repos. J'écrivis à cette charmante fille; elle approuva ce que mon pere exigeoit de moi,& peu de jours après je partis. Raoul arrêta Roger en cet endroit de fon récit: Il faut, lui dit-il, que j'aïe pour vous une amitié bien indulgente, non feulement pour vous avoir écouté fi long-tems, mais encore pour m'être fenti touché de tout ce que vous venez de m'apprendre. Pouvez-vous avoir gardé le filence avec moi jufqu'à ce jour ? Comment votre ame, pleine de fa douleur, a-t'elle pû fe refufer la confolation de s'épancher dans le fein d'un ami? Si j'ai autant de force pour conferver mon reffentiment , que vous en avez eu pour garder votre fecret, craignez que je ne vous pardonne de long-tems. Hé bien! mon cher Raoul, repartit Roger, pour vous donner le tems de me pardonner, remettons ce qui me refte à vous apprendre, à une autre occafion. Non pas, lui dit Raoul; il ne vous eft plus permis d'interrompre une converfation dont le fujet eft, pour moi, fi intéreffant vous continuerez ; j'exige de vous cette complaifance. Vous n'auriez pas à m'en remercier, reprit Roger, fi nous en avions le tems: j'adore Mademoiselle de Rofoi, elle m'occupe |